Madame la présidente, messieurs les ministres, mes chers collègues, je m’exprimerai également au nom de Mme Frédérique Espagnac, qui ne peut être présente cet après-midi.
Au-delà des divergences de notions derrière lesquelles se réfugient les États, notamment la France, pour se différencier de l’Union européenne, j’évoquerai un mode, une idée, une philosophie de la pêche que je soutiens. La pêche artisanale n’est-elle pas celle du citoyen ?
Si la réglementation pour qualifier cette notion est diverse et variée, la manière de l’aborder est, elle, unique et uniforme : la pêche artisanale, c’est avant tout la volonté d’assurer une pêche durable, responsable et respectueuse de la biodiversité.
Chacun doit pouvoir revendiquer sa place à condition de respecter, de la manière la plus transparente possible, les règles communautaires établies. Le marché de la pêche ne doit en aucun cas devenir un ersatz d’ultralibéralisme et les ressources halieutiques ne doivent pas faire l’objet d’échanges non régulés. Or la France a une voix forte à faire porter au sein de l’Union européenne, puisqu’elle dispose de la deuxième surface maritime mondiale, et ce grâce aux outre-mer.
Puisqu’il apparaît que les stocks des milieux marins souffrent actuellement d’une surexploitation avoisinant les 80 %, il serait à mon sens opportun de mieux répartir les zones de pêche entre les industriels et les artisanaux. Tous sont nécessaires pour garantir l’essor de ce secteur ; je ne peux blâmer un tel plutôt que tel autre. Il s’agirait simplement de privilégier la cohérence des actions de chacun afin de promouvoir une pêche écologiquement durable, économiquement viable et socialement équitable.
Le développement de la pêche est par ailleurs confronté à des entraves régionales, parmi lesquelles la pêche illégale pratiquée par des pêcheurs de pays frontaliers. Il s’agit d’une problématique essentielle et très sensible en bien des endroits. C’est notamment le cas dans le département de Frédérique Espagnac, les Pyrénées-Atlantiques, où les zones de pêche sont constamment investies par des pêcheurs étrangers ne respectant que trop rarement les quotas européens, ce qui a de graves conséquences tant sur le plan économique et écologique qu’en matière de sécurité.
C'est la raison pour laquelle il serait primordial de s’orienter vers un autre mode de gestion de la politique commune de la pêche. Il est en effet plus que nécessaire de prendre en compte tous les avis, tous les besoins, toutes les contraintes des personnes concernées par la pêche à l’échelon local.
La politique dite « de régionalisation » doit être approfondie. L’adoption à Bruxelles de règles-cadres pour une application spécifique, adaptée aux particularismes régionaux, doit être encouragée.
Pouvoirs publics locaux, patrons pêcheurs, armateurs, chalutiers doivent pouvoir coexister. D’ailleurs, plutôt que de parler de coexistence, orientons-nous vers un travail coopératif, effectif et solidaire, qui engloberait les intérêts de chacun et ne délaisserait personne.
Nous devons nous efforcer de respecter les techniques de pêche des artisans comme celles des industriels. Nous devons faire en sorte que tous travaillent en fonction des espèces présentes dans telle ou telle zone maritime. Néanmoins, nous devons faire évoluer certaines pratiques, comme les rejets de pêche, pour les rendre plus durables. Mais il faut du temps et les initiatives locales doivent être soutenues.
À cet égard, Frédérique Espagnac aurait aimé être présente aujourd’hui pour vous faire part de l’action de patrons pêcheurs de son département qui, en association avec des collègues d’autres régions – Bretagne et Languedoc-Roussillon notamment –, sont convenu le 5 juillet dernier d’une déclaration commune avec le concours des associations WWF et Greenpeace. Cette initiative démontre que pêcheurs et écologistes peuvent avoir des intérêts communs et des rapports complémentaires.
Dans les propositions qu’elle a récemment présentées, la Commission européenne a recommandé un renforcement des quotas de pêche et une réduction des flottes de pêche afin de préserver les ressources halieutiques, tout en maintenant des sources de revenus dans les zones côtières européennes.
Même si l’on peut partager le souci de réformer la politique commune de la pêche, ces propositions sont inadaptées à l’heure actuelle.
Par exemple, la mise en place du « rendement maximal durable » espérée à l’horizon 2015 visant à ne pas porter atteinte à la survie des espèces pourrait se révéler fatale à un secteur d’activité qui représente près de 25 000 emplois en France, dont 80 % concernent des flottilles artisanales.
Alors que les chiffres de ces dernières années marquent une évolution à la baisse du nombre d’emplois, en particulier dans la pêche artisanale, diminuer drastiquement les quotas sans prendre en considération cette situation sociale accentuerait davantage ce phénomène. La mise en place d’une pêche raisonnée peut et doit être envisagée autrement.
Si le temps est la plus petite chose dont nous disposons, alors il est urgent d’agir ensemble pour que cette réforme soit un succès !