Intervention de Frédéric Cuvillier

Réunion du 12 juillet 2012 à 15h00
Débat sur la politique commune de la pêche suite

Frédéric Cuvillier, ministre délégué :

Nous sommes conscients des spécificités de la mer et de la pêche en Méditerranée : il n’y a pas de quotas de capture et la pêcherie y est mixte, polyvalente. Quant aux stocks partagés, ils posent des difficultés de coexistence avec des pays tiers.

Lors du dernier conseil des ministres de l’Union européenne, j’ai soutenu avec mon collègue maltais un amendement visant à ce que l’impact des pêches des États tiers soit pris en compte, notamment pour atteindre le rendement maximal durable. Il y a quelque chose de surréaliste dans le fait de s’appliquer un certain nombre de règles, notamment limiter nos captures, alors même que, sur les eaux que nous exploitons, des pays tiers seraient affranchis de toute contrainte !

Un problème identique se pose avec l’Islande et la pêche du maquereau ; il devra être traité lors de la discussion des TAC et quotas.

Plus globalement, je serai amené à rencontrer nos collègues et nos partenaires méditerranéens.

Je suis tenté de répondre à M. Bourquin que c’est aux Méditerranéens eux-mêmes qu’il appartient de défendre leur accent ! Je dois avouer ne pas avoir ressenti une grande solidarité méditerranéenne, alors que la France est, pourtant, aussi un pays méditerranéen. Certaines alliances peuvent se nouer sur des enjeux, par exemple ceux qui se trouvaient au cœur de la discussion du conseil des ministres de l’Union européenne.

Mme Herviaux a souligné les difficultés de la pêche en eaux profondes et les préoccupations qu’elle suscite. Cette question est d’actualité, puisque, ce matin, la Commission européenne a suspendu le projet de suppression progressive de cette forme de pêche. Cette activité, majeure pour la région de Mme Herviaux, est aujourd'hui en péril et nous sommes tous concernés par ce problème.

Mme Herviaux a raison : en interprétant les conclusions du Jury de déontologie publicitaire sur la publicité de la Scapêche, Mme la commissaire européen a commis une maladresse ; c’est même une erreur, voire une faute. Il aurait fallu dire quels étaient les attendus et les conclusions, et non interpréter ceux-ci aux côtés de certaines ONG. Je m’entretiendrai dès lundi prochain avec Mme la commissaire sur l’interprétation de ces conclusions. Je lui demanderai alors de faire preuve d’une plus grande impartialité, en tout cas d’une plus grande réserve dans sa démarche.

J’ajoute que la pêche hauturière – forme de pêche que je connais bien, car elle est pratiquée dans la ville dont je suis l’élu –, même en eaux profondes – l’une des plus réglementées –, n’est pas indifférente aux préoccupations environnementales. Un certain nombre de pêcheries hauturières sont en effet labélisées. Ainsi, l’écolabel MSC, Marine Stewardship Council, distingue les pêcheries respectueuses de la biodiversité et du développement durable.

M. Bas a évoqué ce matin la raie brunette. Sur ce poisson, le requin et un certain nombre d’autres espèces importantes pour notre pêche côtière, la Commission européenne est intransigeante. Nous aurons l’occasion d’évoquer ce sujet lors du Conseil « TAC et quotas » qui se tiendra en fin d’année.

M. Bas a également évoqué les contrôles de franc-bord réalisés par les centres de sécurité des navires. À la suite de son intervention, j’ai demandé aux services de la direction des affaires maritimes de s’intéresser particulièrement à ce qui a conduit à la publication du décret du 30 janvier 2012. À cet égard, je souligne que ce texte, dont il nous demande aujourd'hui l’abrogation, a été pris par le précédent gouvernement ! La sécurité des navires, en particulier celle des navires de pêche, est pour moi primordiale.

M. Bourquin a évoqué la décentralisation du Parlement de la mer. Des parlements régionaux de la mer verront le jour, notamment dans sa région. La question de la gouvernance, y compris sur notre littoral, sera traitée dans le cadre de l’acte III de la décentralisation. Les compétences des autorités déconcentrées de l’État seront clarifiées et simplifiées, le rôle des différents acteurs maritimes et du monde de la pêche dans le cadre de la gestion et de la valorisation des espaces marins ou de l’interface côtier sera précisé.

Comme l’ont rappelé MM. Le Cam et Labbé, il existe un problème de surpêche, qui tient certainement à des réglementations européennes, alors même que la production communautaire annuelle ne représente que 6 % de la pêche mondiale. Si, comme cela a été dit par la Commission européenne et par Mme la commissaire, un tel problème existe bien, encore faut-il préciser où il se pose, afin que l’on puisse l’évaluer et apporter des solutions aux seules régions concernées. Il serait pour le moins curieux de comptabiliser le nombre de bateaux, ainsi que la puissance de leur moteur dans toutes les régions, même dans celles où ce problème ne se pose pas, comme c’est le cas dans les outre-mer.

Nous serons attentifs à cette question et nous présenterons, comme l’exige la Commission européenne, un rapport sur les conditions de surpêche en fin d’année. Pour ma part, je considère que ce problème ne concerne pas nos outre-mer et qu’il ne doit donc pas y avoir d’inventaire intégré à la capacité de pêche française. Ce point est extrêmement important si nous ne voulons pas être contraints, par la suite, à des déchirages massifs de navires.

D’autres questions, évoquées notamment par M. Le Cam, concernent plutôt la convention de l’Organisation internationale du travail sur le travail maritime, et non le règlement de base. Nous aurons certainement l’occasion d’y revenir lors de prochains débats.

J’ajoute que j’ai été heureux d’entendre M. Bas considérer que nous étions parvenus à un « compromis positif ». Ce commentaire est à l’opposé des propos de M. Bourquin. Selon mon prédécesseur, la création d’un ministère de la mer ou de l’économie maritime était une erreur. Nous voyons qu’il n’en est rien. Au contraire, la France y a gagné en force, alors qu’elle en a manqué de façon regrettable au cours des derniers mois, notamment au moment décisif où la réforme de la PCP était en discussion dans les instances européennes.

Le plus important est de pouvoir réaffirmer, au-delà de nos différences et de nos appartenances, combien les enjeux sont grands pour nous, métropolitains, mais également pour les outre-mer. Je laisse mon collègue et ami Victorin Lurel le soin d’intervenir sur ce sujet spécifique, notamment sur les acquis.

Nombre d’entre vous ont souligné qu’une attention particulière devait être apportée aux territoires ultramarins dans le cadre des négociations européennes. C’est ce qui a été fait s’agissant du conseil consultatif régional spécifique aux RUP et des trois bassins que nous avons obtenus en fin de discussion. Il faut maintenant donner réalité à ce lieu de concertation et de défense des intérêts de chacun.

Enfin, pour défendre et faire connaître les intérêts de la France là où ils ne sont pas respectés par des pays tiers – je pense notamment au large de la Guyane où des problèmes de piraterie se posent, car c’est bien de piraterie qu’il s’agit –, nous devons mobiliser les moyens de l’État. §

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