Intervention de Victorin Lurel

Réunion du 12 juillet 2012 à 15h00
Débat sur la politique commune de la pêche suite

Victorin Lurel, ministre :

Les dégâts causés par un cyclone ou l’aide octroyée à un pêcheur pour l’acquisition d’une embarcation ne sont pas remboursés. Lorsque l’on veut aider un pêcheur à acheter un moteur, la surcapacité de ce dernier est invoquée pour l’empêcher de bénéficier d’aides supplémentaires. L’aide des régions, elle, n’est pas remboursée.

Par ailleurs, on sait que, dans le cadre de la décentralisation, les régions n’ont pas reçu de dotations spécifiquement consacrées au développement de ce secteur. Or nous connaissons justement un problème de développement du secteur ! Nous avons appris aujourd’hui, de manière précise, détaillée, technique et pertinente, que l’Europe n’était pas véritablement prête à sortir de sa théologie, qui consiste à protéger les ressources plutôt qu’à les exploiter. Cette attitude revient à condamner les régions à ne pas exploiter les richesses qui gisent sous leurs pieds ou reposent au fond de leurs mers. Il faut prendre à bras-le-corps ce problème de philosophie du développement. Nous avons donc un travail à mener entre nous, pour que le ministère, notamment, soutienne un plan de développement national des pêches et des espaces maritimes dans nos régions. J’ajoute qu’il devra se faire dans une vision globale.

S’il s’agit de chercher des subventions européennes ou de faire du lobbying, nous savons faire !

Nous avons manifestement besoin d’une vision plus globale, macrosociale et interconnectée avec d’autres champs, comme la coopération.

Aujourd'hui, les régions sont autorisées par le ministère des affaires étrangères à demander leur intégration au sein des organisations internationales des bassins océaniques, par exemple le CARICOM, qui a été mentionné, l’Association des États de la Caraïbe et la Commission économique pour l’Amérique latine et les Caraïbes, la CEPALC. Nous pouvons par conséquent devenir demain des membres de ces structures !

Nous risquons alors de voir d’autres acteurs de ces organisations – je pense à Trinidad-et-Tobago, à la Jamaïque ou, plus proche de chez nous, à Sainte-Lucie – bénéficier des financements européens du Fonds européen de développement, le FED, ou d’autres dispositifs communautaires et pouvoir accéder allégrement à la zone d’exploitation des douze milles marins.

D’ailleurs, il n’existe pas de délimitation territoriale. On ne sait donc pas toujours où commence et où finit la zone d’exploitation. C’est là un problème proprement français. Il est urgent d’y travailler, afin de pouvoir signifier à l’Union européenne que nous avons des zones avec des limites bien définies et de passer des accords de contractualisation avec nos voisins, qui sont d’ailleurs preneurs. L’Europe ne se rend pas toujours compte de la chance qu’elle a d’avoir des terres sur trois océans. Ce n’est pas qu’une question de superficie ou de puissance économique : le regard doit changer sur le sujet !

Je partage la philosophie de M. le rapporteur Bruno Retailleau sur la privatisation de la pêche : la disparition programmée des petits, des artisans et des côtiers n’emporte pas notre adhésion. Si c’est vrai en métropole, cela l’est encore plus outre-mer : nous, nous sommes des « petits » ; nous ne pouvons donc pas nous résigner par anticipation à une telle disparition. D’ailleurs, et je reprends la formule de mon collègue Frédéric Cuvillier, nous sommes aussi un « peuple de la mer ». C’est de la mer qu’est venue notre histoire et elle continue de rythmer notre quotidien. Nous y tenons.

Tout comme M. le rapporteur Joël Guerriau, nous voulons une meilleure prise en compte des régions ultrapériphériques, les RUP. Nous pensons avec lui que la réforme est mal engagée, notamment en raison de certaines psychorigidités bruxelloises, si je puis m’exprimer ainsi, d’opinions téléguidées ou sans fondement. Ce sont des obstacles qu’il nous faudra transcender et surmonter. Ce ne sera sans doute pas chose facile.

M. Gérard Le Cam a abordé un grand nombre de points ; je partage globalement son analyse. Je précise simplement que nos bateaux sont aussi vétustes que ceux de métropole : leur âge moyen se situe entre vingt-cinq et vingt-sept ans. Certes, là aussi, il peut y avoir un défaut de fiabilité des statistiques.

Je remercie M. Christian Bourquin d’avoir évoqué le cas des îles Kerguelen. C’est un véritable souci, qui implique une ambition nationale. On me rétorquera que cela coûte cher, mais les gisements ichtyologiques et halieutiques potentiels sont très importants et doivent être pris en compte.

M. Christian Bourquin a également évoqué les parcs marins et le « Parlement de la mer ». Le sujet m’intéresse, car des parcs marins existent chez moi, ce qui commence à poser problème aux marins pêcheurs. La contamination des eaux par le chlordécone a conduit à la prise d’arrêtés préfectoraux restreignant les espaces.

Nous avons fait venir des lamantins de Floride, une espèce protégée et un animal mythique chez nous comme dans toute la Caraïbe. Cela pose quelques problèmes de cohabitation avec les pêcheurs. Ceux-ci ont le sentiment que l’on diminue leur espace, leur marge de liberté et, au final, leurs revenus. Il faut tenir compte de cette situation.

Oui aux espaces pour protéger les coraux ! Ils ont d’ailleurs été étendus, avec d’importants financements des régions et de l’État.

L’idée de réserver les espaces aux hauturiers et aux côtiers, à condition de trouver un équilibre et de savoir où placer le curseur, n’est pas mauvaise en soi, même si ce sera peut-être compliqué en pratique.

Je ferai à M. Joël Labbé la même réponse qu’à Mme Aline Archimbaud.

Je rejoins Mme Odette Herviaux sur la nécessité d’une cohérence des politiques européennes. Lorsque des politiques contradictoires s’entrechoquent, cela peut faire mal. Nous le voyons dans les régions ultrapériphériques françaises.

Mme Herviaux a également évoqué l’opposition de Mme la commissaire européenne chargée de ce dossier aux pêches de grand fond et de chalut. C’est typique d’une philosophie ! De quoi s’agit-il ? En fait, les captures européennes représentent une part infime des prises mondiales, 5 % environ. C’est très bien de vouloir préserver la planète, mais, si nous sommes les seuls à le faire, nous laissons nos espaces nationaux à des navires étrangers qui sont loin de partager ce souci ! Il y a donc, là encore, un juste équilibre à trouver.

M. Charles Revet a évoqué la délimitation des eaux territoriales et une meilleure prise en compte de la réalité des pêches en outre-mer ; c’est ce dont nous sommes en train de discuter. Il a aussi abordé, même si ce n’est pas l’objet du débat, la structuration des filières. Peut-être le ministère devra-t-il saisir les inspecteurs généraux pour mener des études et formuler des propositions sur une politique strictement nationale. Il s’agit, j’y insiste, de secteurs qui sont très importants.

M. Michel Vergoz a soulevé le problème des prises débarquées à l’île Maurice, alors qu’elles sont effectuées ailleurs. Il faudra effectivement y apporter des solutions dans le cadre de la coopération.

J’ai répondu à Robert Laufoaulu, sénateur de Wallis-et-Futuna, sur la prochaine convention d’association. Il peut se sentir rassuré, même si la discussion n’est pas terminée.

Mme Aline Archimbaud a raison. Il ne faut pas céder à un « optimisme mécanique », pour reprendre ses termes, ou faire preuve de naïveté. Le travail d’élucidation et d’amélioration de l’information doit se poursuivre.

Je serais d'accord pour que nous subordonnions dans nos régions les subventions au respect de normes. M. Serge Larcher et l’ensemble des sénateurs élus dans les territoires concernés le savent bien, il y a eu un problème de technique de pêche.

Nous appliquons déjà une législation nationale rigoureuse et sévère sur la préservation des espèces : des mailles des filets trop resserrées et c’est la ressource qui est menacée. Nous serions donc ouverts à une législation européenne, sous réserve d’évaluation scientifique. Il faut un respect scrupuleux des normes, à condition de trouver un équilibre.

En outre, comme les produits de la mer sont très prisés dans notre gastronomie, il faut favoriser le développement du secteur halio-alimentaire ou agroalimentaire. Les perspectives sont très importantes.

J’en viens à l’affaire du chlordécone. Les recherches se poursuivent. Certes, le plan national a été mis en cause du fait de problèmes dans le financement. Les pêcheurs sont les premières victimes. Ils ne sont pas à l’origine d’un problème lié à certaines pratiques agricoles, mais ils en subissent les conséquences. Et la petite indemnisation qui a été versée relevait du one-shot. Les réponses qui ont été apportées doivent donc être repensées.

M. Maurice Antiste a repris les conclusions des auteurs de la résolution. Nous avons déjà répondu sur ce point.

J’aime bien le mot de « continentalité », que M. Georges Patient a employé. On l’oublie trop souvent, la Guyane est un continent, avec une mentalité très différente de celle, il est vrai très belle, des insulaires.

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