Intervention de Annie David

Réunion du 12 juillet 2012 à 15h00
Harcèlement sexuel — Article 3

Photo de Annie DavidAnnie David :

Madame la présidente, mesdames les ministres, mes chers collègues, nous l’avons dit à de nombreuses reprises, non seulement au cours des auditions au sein de notre groupe de travail, mais aussi depuis le début de l’examen du texte en séance : les relations de travail, voire les situations d’accès au travail offrent un cadre propice aux actions néfastes des harceleurs, quels qu’ils soient.

Dans un rapport paru récemment, le Défenseur des droits, M. Dominique Baudis, indiquait que près de la moitié des dossiers portés devant lui en matière de discrimination concernaient l’emploi.

Plus près de nous, nous avons toutes et tous en tête de nombreux exemples de femmes qui ont été soumises à des pressions au moment de leur embauche ou qui ont subi périodiquement, voire quotidiennement, des propos, des gestes, des remarques déplacées, parfois même accompagnés de chantage à leur promotion ou, pire, à leur maintien dans un poste ou même dans leur emploi.

Aussi, je me réjouis que l’article 3 restaure la répression pénale du harcèlement sexuel subi à l’entreprise.

Néanmoins, j’irai un peu plus loin : je souhaite que soient inscrites dans le code pénal et dans le code du travail la même définition du harcèlement sexuel, ainsi que, dans ce dernier code, la notion de droits des salariés. C’est le sens de l’amendement que mon groupe va défendre dans un instant. Un simple renvoi au code pénal, tel que le prévoit aujourd'hui le texte du projet de loi, ne suffit pas.

Autre point important dans cet article 3 : la notion d’ « acte unique », enfin reconnue. Ce que certains nomment « chantage sexuel » – personnellement, je n’aime pas cette expression – à l’embauche ou à la promotion, voire à l’acceptation de modification de son contrat de travail peut enfin faire l’objet de sanctions. C’est une excellente chose.

Combien de harceleurs profitent de la vulnérabilité d’une femme en recherche d’emploi pour tenter d’obtenir une relation sexuelle ! Bien sûr, le peu d’affaires jugées à ce jour pourrait laisser croire qu’il s’agit de phénomènes isolés, voire marginaux.

Madame la ministre des droits des femmes, si, comme vous l’avez annoncé, une grande campagne nationale d’information et de sensibilisation est lancée dès le vote de la loi et si, comme pour d’autres textes importants, cette campagne franchit les portes de l’entreprise, de Pôle emploi ou des missions locales, je pense sincèrement que la peur pourra changer de camp !

Les femmes – car ce sont les principales victimes, même s’il s’agit, comme l’a dit hier Mme la garde des sceaux, d’un harcèlement de genre – pourront alors connaître leurs droits et leurs recours. Que les comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail – les CHSCT –, les délégués du personnel, les inspecteurs du travail, la médecine du travail soient aussi dans la boucle est une excellente nouvelle. Une fois promulguée, la loi doit permettre aux salariées de se saisir de toutes les possibilités pour que les harceleurs se trouvent enfin isolés et condamnés.

Trop souvent, la souffrance renforce la solitude : on ne sait pas à qui parler ou comment faire pour que les choses cessent et pour que le harceleur soit réellement condamné. Il ne faut plus que ce soit à la victime que l’on propose une mutation ou un changement de bureau ou de site de travail, au prétexte que M. X, s’il est effectivement un harceleur, est tout de même un excellent collaborateur, dont les propos ou les actes ne sont peut-être que des galéjades ou des gauloiseries. Stop ! Tout cela doit cesser.

J’ai conscience que cette loi ne réglera pas tout et que cet article ne changera pas du jour au lendemain les relations de travail, encore par trop empreintes de machisme, mais elle peut être un rempart contre un des aspects les plus pernicieux et encore malheureusement les moins réprimés de la domination des hommes sur les femmes.

Il s’agit bien ici de mettre une nouvelle pierre à l’édifice de la société de réelle égalité que beaucoup d’entre nous espérons construire. Par ailleurs, je fais confiance aux organisations syndicales et aux instances paritaires dans les entreprises pour qu’elles travaillent, au-delà des questions de répression et de prévention, sur l’image de la femme et de l’homme dans l’entreprise et au sein de la société.

Mesdames les ministres, je le sais, c’est un chantier énorme mais nous sommes quelques-unes et quelques-uns à vouloir nous y atteler.

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