Cet amendement porte sur un sujet qui paraît anodin mais ne l’est pas du tout : le harcèlement sexuel en dehors du lieu ou des heures de travail, qui entre dans la définition du harcèlement sexuel au travail.
Le 19 octobre 2011, la Cour de cassation a, pour la première fois, reconnu clairement que des propos et des attitudes à caractère sexuel entre collègues en dehors du travail pouvaient être sanctionnés par l’employeur.
Jusque-là, des propos à caractère sexuel tenus par un salarié hors du cadre de travail – par exemple, à l’occasion de soirées organisées après le travail – ne caractérisaient pas des agissements de harcèlement sexuel. Selon les juges, ces faits relevaient de la vie personnelle du salarié et ne pouvaient constituer une faute dans l’exécution du travail.
La décision de la Cour de cassation du 19 octobre 2011 a mis un coup d’arrêt à ce courant jurisprudentiel.
Dans cette affaire, c’est le comportement du superviseur d’une équipe de standardistes qui a été sanctionné. Ce dernier suivait des salariées qui se rendaient aux toilettes et, à plusieurs reprises, a tenu des propos à caractère sexuel à l’intention de ses collaboratrices, sur MSN ou à l’occasion de soirées organisées après le travail. Informé de ces faits, l’employeur a licencié le salarié harceleur en se plaçant sur le terrain disciplinaire et a prononcé un licenciement pour faute grave, motif pris du harcèlement sexuel commis par celui-ci.
Le salarié s’est défendu en affirmant que les faits qui lui étaient reprochés en dehors du cadre de travail relevaient de sa vie personnelle et qu’ils ne pouvaient donc donner prise à une quelconque sanction, dès lors qu’ils ne constituaient pas une faute dans l’exécution du contrat de travail.
Cette argumentation a été fermement rejetée par la Cour de cassation. Les hauts magistrats ont estimé que les propos à caractère sexuel et les attitudes déplacées d’un salarié à l’égard de personnes avec lesquelles l’intéressé était en contact en raison de son travail ne relevaient pas de sa vie personnelle.
Dès lors, puisque ces agissements n’entrent pas dans le champ de la vie privée, ils peuvent être rattachés au cadre professionnel, cadre où l’employeur exerce pleinement son pouvoir disciplinaire.
Pour la Cour de cassation, peu importe le lieu et le temps de ces agissements, dès lors que les protagonistes se côtoient « en raison [du] travail ».
Ce lien suffit à ôter tout caractère d’ordre privé ou personnel aux faits commis et à les rattacher au travail. Dès lors, l’employeur, tenu de protéger ses salariés contre les harceleurs et les prédateurs sexuels, peut sanctionner l’auteur de tels faits.
Dans une décision plus récente, en date du 11 janvier 2012, la Cour de cassation a confirmé sa position, réaffirmant que cette dissociation entre vie professionnelle et vie privée était désormais inopérante. En effet, pour les hauts magistrats, « le fait pour un salarié d’abuser de son pouvoir hiérarchique dans le but d’obtenir des faveurs sexuelles constitue un harcèlement sexuel même si les agissements ont lieu en dehors du temps et du lieu de travail ».
Il conviendrait, selon moi, que cette précision figure dans la loi. Tel est donc l’objet de cet amendement.