Les auteurs de l’amendement n° 52 rectifié bis défendent l’idée que la reproduction, dans le code du travail, de la définition du harcèlement figurant dans le code pénal serait plus efficace qu’un simple renvoi au code pénal, comme c’est le cas aujourd’hui. Je ne suis cependant pas convaincue par cet argument.
La solution retenue par le Gouvernement, qui consiste à insérer dans le code du travail un renvoi à la définition du code pénal, est la plus rigoureuse en réalité, puisqu’elle évite que des incohérences entre les deux codes n’apparaissent au fil du temps, notamment en raison d’interprétations divergentes du texte du code du travail, d’une part, et de celui du code pénal, d’autre part.
Enfin, les associations qui demandent cette modification le font parce qu’elles s’inquiètent des incidences éventuelles sur la procédure civile d’un renvoi au code pénal. Je tiens à les rassurer : la procédure civile et la procédure pénale continueront à obéir à des règles très différentes, notamment en termes d’aménagement de la charge de la preuve. En réalité, le juge civil – en l’occurrence, le conseil des prud’hommes – n’aura aucunement à attendre qu’une décision soit prise par le juge pénal avant de statuer.
J’émets donc un avis défavorable sur cet amendement.
En ce qui concerne l’amendement n° 1, je ne suis pas non plus convaincue par vos arguments, madame Dini. Il me semble que l’introduction de cette précision pourrait constituer un frein au témoignage du salarié : celui-ci pourrait craindre de se voir reprocher sa mauvaise foi s’il témoigne de ce qu’il a vu et entendu. Quand on sait combien il est difficile de témoigner et d’apporter des preuves dans des affaires de ce type, il est clair que l’ajout d’une telle précision dans le texte même de la loi risque de bloquer beaucoup de salariés dans leur volonté de témoigner. D’une manière plus générale, il appartient aux juges d’apprécier la bonne ou la mauvaise foi des salariés : mieux vaut donc s’en tenir au texte actuel qui prévoit que, dans la relation de travail, aucun salarié ne doit subir de fait de harcèlement.
Quant à l’amendement n° 4, madame Dini, j’ai bien entendu les craintes que vous exprimiez. J’ai examiné les compléments que vous m’aviez remis, en particulier cette décision du 11 janvier 2012 de la Cour de cassation qui, en réalité, confirme le bien-fondé de la position du Gouvernement. Comme vous l’avez rappelé vous-même, la Cour de cassation a bien retenu que le fait, pour un salarié, d’abuser de son autorité hiérarchique dans le but d’obtenir des faveurs sexuelles constitue un harcèlement sexuel, même si les agissements en cause sont survenus en dehors du temps et du lieu de travail. Il me semble donc qu’il n’y a pas de doute à avoir et que la formulation proposée par le Gouvernement répond à votre souci, madame la sénatrice. Je vous demanderai donc de bien vouloir retirer votre amendement, faute de quoi j’émettrai un avis défavorable.