Intervention de Najat Vallaud-Belkacem

Réunion du 11 juillet 2012 à 14h30
Harcèlement sexuel — Discussion en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission

Najat Vallaud-Belkacem, ministre :

Michel Sapin, ministre du travail, et moi-même avons aussi discuté de ce projet de loi avec les partenaires sociaux, qui s’en sont saisi. Toutes les organisations syndicales ont salué le souci de faire face à l’urgence et de répondre à leurs attentes.

Enfin, nous avons dialogué avec votre assemblée, les membres de vos commissions et la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes.

Je me réjouis que le travail collectif mené dans les commissions, en particulier lors des auditions, ait permis d’examiner le projet de loi en même temps que les propositions de loi.

Le travail du Sénat a permis de fixer clairement les termes du débat, s’agissant notamment de la question de l’élément moral et des éléments matériels du délit, des circonstances aggravantes et de la rétroactivité.

Vos travaux nous ont aussi permis de voir se construire un consensus autour de quelques principes qui nous ont guidés.

En premier lieu, la nécessité est apparue d’une approche globale, qui intègre l’application de la définition du harcèlement sexuel dans trois champs : le code pénal, bien sûr, mais aussi le code du travail et le statut général des fonctionnaires. S’agissant de ce dernier champ, je me réjouis que la commission des lois ait apporté les compléments que le projet de loi n’avait pas pu introduire.

En deuxième lieu, il est apparu pertinent d’élargir la définition du harcèlement en s’inspirant des directives européennes, tout en conservant la précision indispensable en matière pénale.

En dernier lieu, nous nous sommes mis d’accord sur l’ajustement des peines et le souci d’une stricte définition des circonstances aggravantes.

Votre commission des lois a enrichi le projet de loi, comme l’a souligné Christiane Taubira. Elle a tranché des questions importantes, par exemple celle de l’alignement des peines sur deux ans d’emprisonnement et une amende de 30 000 euros. Elle a aussi simplifié le projet de loi pour le rendre plus clair encore.

Je souscris à l’ensemble des éléments qui vous ont été présentés par Mme la garde des sceaux. Ils décrivent bien notre intention et les équilibres que nous avons trouvés.

En ma qualité de ministre des droits des femmes, je me permettrai simplement d’insister sur trois points essentiels.

Premièrement, nous avons eu le souci – que vous partagerez bien entendu – qu’aucune situation ne se trouve désormais laissée en dehors du droit. Il s’agit d’une innovation décisive car l’exigence que des faveurs sexuelles aient été obtenues ayant été abandonnée, des faits qui n’étaient pas réprimés hier pourront l’être demain.

Je pense au harcèlement sexuel quotidien que certaines femmes vivent et qu’elles taisaient jusqu’à présent. Mme Tasca a trouvé la bonne formule en parlant d’un « climat qui pourrit la vie des femmes ».

Mais le nouveau dispositif concernera aussi le chantage sexuel, comme l’on dit communément, qui se produit une seule fois, à l’occasion d’un entretien d’embauche ou d’une demande de logement.

À ce propos, nous avons rejoint votre analyse : une définition juridique du chantage existe bien dans le code pénal, mais elle se prête mal aux problèmes dont nous parlons, de sorte qu’il vaut mieux introduire dans le projet de loi une définition précise intégrée à la notion même de harcèlement sexuel.

Je tiens à vous dire, monsieur le rapporteur, madame la rapporteur pour avis, que j’ai été sensible à votre analyse : vous avez bien distingué le harcèlement à connotation sexuel de ce que l’on appelle communément le chantage sexuel, sans pour autant hiérarchiser la souffrance des victimes selon qu’elle est provoquée par un fait répétitif ou un acte unique.

Deuxièmement, je veux souligner que les peines sont aggravées dans une logique respectueuse de l’échelle des peines concernant les atteintes sexuelles aux personnes.

En effet, le projet de loi permet de conserver une cohérence globale dans les peines pour les atteintes sexuelles aux personnes : le nouveau délit, avec ses circonstances aggravantes, s’insère dans une échelle qui va d’une peine d’un an d’emprisonnement pour l’exhibition sexuelle à des peines de cinq ans d’emprisonnement pour l’agression sexuelle hors aggravation et de quinze ans d’emprisonnement pour le viol hors aggravation.

Nous avons entendu les critiques contre ces peines. Elles seraient trop légères et moindres que celles qui sont encourues pour un vol de téléphone portable.

Mais la question de la révision globale de l’échelle des peines sera peut-être abordée au cours de cette mandature, avec Mme la garde des sceaux. Il nous a semblé que l’examen du présent projet de loi n’était pas le moment d’ouvrir ce débat. Je vous sais, au Sénat, sensibles à cette prudence.

Troisièmement, je veux souligner que le projet de loi introduit une véritable nouveauté : les discriminations faisant suite à des faits de harcèlement sexuel, qu’elles s’exercent à l’encontre de la victime ou d’un témoin, deviendront également punissables, ce principe étant inscrit aussi bien dans le code pénal que dans le code du travail.

Pour ce qui est du code du travail, il s’agit en réalité de rétablir une disposition dont la suppression était involontaire... Les victimes n’ont pas à en payer le prix. Nous rétablissons donc la disposition.

Pour finir, je veux insister, au-delà de la répression, sur l’accompagnement des victimes et la prévention. La répression, en effet, n’est jamais suffisante.

D’abord, nous devons faire en sorte que les victimes soient informées des droits que leur ouvre la nouvelle loi. Je mobiliserai les réseaux d’accueil, d’information et d’orientation des femmes à cette fin. C’est une préoccupation forte de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes, dont je partage plusieurs analyses.

Nous conduirons aussi un travail sur la prévention, les représentations et les stéréotypes.

D’ailleurs, nous avons commencé d’aborder la question de la prévention dans le dialogue avec les partenaires sociaux. En effet, j’ai évoqué avec eux la question des violences au travail lors de la grande conférence sociale qui s’est achevée hier. Ma collègue Marylise Lebranchu, qui est chargée de la fonction publique, en a fait autant avec les organisations syndicales de la fonction publique.

D’ores et déjà, le texte de la commission a pris en compte certaines des demandes exprimées sur vos travées.

Je répète que, cet automne, nous lancerons une campagne de sensibilisation sur les violences au travail. Nous la préparerons avec les associations et les partenaires sociaux.

En outre, une autre de mes collègues a pris la mesure de cette question : il s’agit de Geneviève Fioraso, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche.

Elle a engagé une réflexion sur les procédures disciplinaires applicables en cas de harcèlement au sein de l’université, que des associations nous ont décrites comme largement insatisfaisantes. Nous travaillerons ensemble sur la question de la prévention et de la sensibilisation dans les établissements d’enseignement supérieur.

Mais tout cet effort ne sera rien sans un travail en profondeur sur les représentations et les stéréotypes. Comme vous l’avez chacune souligné, mesdames Jouanno, Demontès et Gonthier-Maurin, il est évident qu’il faut davantage d’études sur le sujet, davantage de travail et, surtout, davantage de volonté. Je n’en manque pas et je conduirai ce combat.

Mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement a construit le présent projet de loi avec le souci d’une approche globale qui permette de prévoir une réponse pénale tout en pensant aux actions concrètes à mener dans le domaine de la prévention et de la lutte contre les stéréotypes.

Ce projet de loi est une première réponse. D’autres suivront, qui concerneront plus largement les violences faites aux femmes.

Nous avons entendu les associations, qui veilleront très attentivement à ce que la loi soit appliquée. Sachez que Mme la garde des sceaux et moi-même sommes très attachées à ce qu’elle le soit. Je sais que le travail auquel vous avez tous participé depuis le début du mois de mai y contribuera.

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