Ce fut le cas à l’article 3 bis, par exemple, que vous avez introduit dans le projet de loi.
Devant la commission, nous avons abordé la question du statut de la fonction publique. Madame Jouanno, vous avez parfaitement raison de considérer que les obligations des fonctionnaires sont au moins égales à celles des salariés du privé, que ceux-ci soient des cadres dirigeants, des cadres intermédiaires ou des agents d’exécution, d'ailleurs.
L’argument de M. Richard était tout à fait fondé : ces catégories sont régies par des textes d’une autre nature juridique. Toutefois, votre intervention dans ce débat contribue à nous alerter : je le répète, nous devons veiller à ce que la fonction publique soit au moins aussi exemplaire que le secteur privé. En tout cas, notre niveau d’exigence ne doit pas être moindre.
Cette fonction publique, nous ne l’avons pas ignorée. Vous le savez, dans le texte original du projet de loi, un article lui était consacré, que le Conseil d'État avait d'ailleurs validé. Toutefois, le Gouvernement a souhaité être prudent, car il lançait dans la même période la conférence sociale ; la ministre de la réforme de l’État, de la décentralisation et de la fonction publique a pris elle-même l’initiative de la consultation.
Nous agissions dans l’urgence ; nous le savions et l’avions tous admis. Nous voulions tous aller très vite tout en étant très efficaces. Une consultation formelle des représentants de la fonction publique, comme le prévoit la loi, aurait pesé sur notre calendrier. Nous avons choisi de respecter la loi – la ministre de la réforme de l’État, de la décentralisation et de la fonction publique mène les consultations nécessaires, mais, dans le même temps, le Sénat a pu introduire cette disposition. Il y a véritablement eu « cofabrication » de ce texte de loi, et c’est tout légitimement que nous pouvons nous réjouir du résultat obtenu.
Pour finir, je rappellerai que j’ai pris l’engagement de publier une circulaire d’application, dès que la loi aura été promulguée, pour que les parquets soient bien informés.
Premièrement, ce texte appellera à porter une attention toute particulière aux mineurs de quinze à dix-huit ans qui seraient victimes de harcèlement sexuel. Dans de tels cas, les réquisitions devront être très fermes.
Deuxièmement, la circulaire traitera de la qualification des infractions concernées. Plusieurs sénatrices et sénateurs se sont inquiétés des conséquences de l’introduction, dans la définition du harcèlement sexuel, de l’acte unique. Ce dernier répond à une demande ancienne, déjà exprimée lors de la première introduction de cette incrimination dans le code pénal, en 1992. Lors les débats parlementaires, le ministre délégué à la justice de l’époque, Michel Sapin, avait indiqué que l’acte unique était bien visé par ce texte. Toutefois, la notion n’ayant pas été inscrite formellement dans le texte, elle était privée de la force de la loi.
Nous répondons donc à une demande ancienne, qui correspond à une réalité bien identifiée depuis plusieurs années.
Mesdames, messieurs les sénateurs, j’ai entendu vos inquiétudes quant aux risques d’un usage abusif de l’acte unique de harcèlement sexuel et d’une sous-qualification de faits plus graves. C’est pour cette raison qu’il est important de caractériser cet acte unique, en maintenant les deux critères de la gravité et de la finalité. Toutefois, dans la circulaire d’application, je préciserai aux parquets que, quand ils hésitent entre l’acte unique de harcèlement sexuel, d’une part, et l’agression sexuelle ou le viol, d’autre part, ils doivent retenir la qualification la plus grave. L’application de cette loi ne doit pas en effet conduire à atténuer la gravité des faits reprochés.
L’acte unique doit permettre de qualifier des situations qui, aujourd'hui, ne seraient pas couvertes par la définition du harcèlement sexuel stricto sensu, lequel n’est pas non plus équivalent à l’agression sexuelle ou au viol. Je suis d'accord avec vous, mesdames, messieurs les sénateurs, il s'agit non pas d’une gradation d’actes de même nature, mais d’actes de nature différente. Le délit d’agression sexuelle ou le crime de viol sont plus graves : le harcèlement sexuel, notamment sous la forme de l’acte unique, pourrait peut-être constituer une première étape avant passage à l’agression sexuelle ou au viol, mais il ne s’agit tout de même pas de la même catégorie d’infractions. Les magistrats peuvent parfaitement définir la nature des actes dont il s'agit.
Troisièmement, enfin, la circulaire évoquera la situation des victimes. Madame Dini, vous m’avez alertée sur le cas des personnes qui ont été déboutées en raison du vide juridique créé par la décision du Conseil constitutionnel et parce que les faits dont elles avaient été victimes sont parfois impossibles à requalifier. Je veillerai à ce que les parquets informent les personnes dont la plainte a été classée qu’elles peuvent recourir à la procédure civile. En général, elles le savent déjà, mais je prendrai cette précaution supplémentaire.
Nous avons réalisé indiscutablement un très beau travail. L’essentiel a été fait avec le rétablissement de l’incrimination de harcèlement sexuel. L’Assemblée nationale prendra sa part de ce travail – vous avez eu l’extrême générosité de lui en laisser un peu