Intervention de Bruno Retailleau

Réunion du 7 juillet 2008 à 15h00
Modernisation de l'économie — Articles additionnels avant l'article 23

Photo de Bruno RetailleauBruno Retailleau :

Je ne partage pas l’analyse de nos deux collègues, même si je peux comprendre leurs craintes.

Nous devons féliciter au contraire de leur travail la commission spéciale et Mme le rapporteur : elles ont intégré au projet de loi un dispositif qui devait initialement faire l’objet d’une ordonnance, mais qui est fondamental pour l’ensemble du texte, pour sa compréhension, pour son équilibre.

Demain, l’ordonnance sera l’accessoire, et la loi sera l’essentiel. Certains parlent de coproduction législative : nous nous situons là au cœur de ce processus !

Si la commission a bien travaillé, c’est pour deux raisons très importantes.

En premier lieu, il est vrai que, pour un parlementaire, la création d’une autorité administrative indépendante a quelque chose de gênant. Leur pullulement depuis dix ou douze ans n’est pas pour réjouir l’Assemblée nationale et le Sénat. Je vous renvoie, sur ce point, au rapport du Conseil d’État de 2001 et à celui de M. Patrice Gélard, remis en 2006, qui étaient fondateurs en la matière.

Pour autant, les autorités administratives indépendantes posent un problème à l’exécutif comme elles en posent un au Parlement. Je pense néanmoins que nous pouvons y répondre.

S’agissant de l’exécutif, il est vrai que le foisonnement de ces instances fait craindre une fragmentation, une parcellisation de l’État. Or l’examen de l’amendement déposé par Mme Lamure va précisément nous donner la possibilité de discuter des pouvoirs de l’État, de l’exécutif, du ministre : pouvoir d’évocation, pouvoir de statuer, pouvoir de « reprendre la main » pour les affaires importantes en matière de concentration. Pour toutes celles et tous ceux qui, dans cet hémicycle, croient que la France peut encore trouver un chemin qui la conduira à mener une politique industrielle, comme c’est d’ailleurs le cas aux États-Unis, c’est un élément important.

Ces autorités indépendantes posent donc aussi des problèmes au pouvoir législatif.

À cet égard, il aurait tout de même été paradoxal que nous acceptions de nous dessaisir de l’essentiel de nos prérogatives au profit d’une ordonnance ! La réintégration du dispositif dans la loi nous permet de nous en saisir et signifie que nous pourrons déterminer quelles compétences seront attribuées à cette nouvelle autorité, c’est-à-dire décider quelle part de nos prérogatives nous consentons à lui abandonner, et aussi contrôler, dans une certaine mesure, la nomination de son président, comme ce fut le cas pour la Commission de régulation de l’énergie ou pour l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes. En d’autres termes, c’est le signe que nous n’acceptons pas de renoncer à toutes nos prérogatives s’agissant des autorités administratives indépendantes.

En second lieu – et ce point me paraît fondamental –, on voit bien, depuis le début de la discussion, que, sur toutes les travées, nous nous échinons à élaborer des dispositifs pour cadrer les relations, actuellement très déséquilibrées, entre les entreprises de production et la grande distribution. Y parviendrons-nous ? Je ne sais pas ; ce que je sais, c’est que la réponse à ce déséquilibre ne peut qu’être structurelle et portera, notamment, sur la lutte contre les concentrations.

Le Conseil de la concurrence, dans son rapport paru la semaine dernière, se montre d’ailleurs sévère pour la grande distribution : celle-ci fait désormais figure de mauvaise élève, puisque c’est elle qui fait l’objet du plus grand nombre de décisions et d’avis du Conseil.

Si nous souhaitons remédier quelque peu à ce déséquilibre, il nous faut agir, je le répète, sur les structures, notamment sur les seuils de concentration.

Du reste, on a cité le rapport Hagelsteen, mais le rapport Canivet, plus ancien, n’a pas été évoqué. Or tous deux mettent bien en évidence que la libéralisation, par exemple en matière de conditions de discrimination et de négociabilité, doit s’accompagner de réformes de structures.

Le dispositif qui nous est présenté me paraît donc capital, et je remercie Élisabeth Lamure de proposer de l’inscrire dans la loi, ce qui nous permet maintenant d’en débattre.

Bien sûr, il faudra en renforcer certains éléments. Le Gouvernement s’attachera à conforter les pouvoirs d’investigation de l’autorité, et c’est une bonne chose. Pour ma part, je proposerai dans un instant de renforcer également le dispositif anti-concentrations, qui constitue un élément important, et d’établir clairement la responsabilité de l’exécutif, c’est-à-dire de l’État, du pouvoir régalien, en matière de politique industrielle et de décisions relatives aux concentrations.

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