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Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission de la culture, monsieur le président de la commission des lois, nous voici de nouveau réunis pour examiner, en nouvelle lecture, la proposition de loi et la proposition de loi organique relatives à la lutte contre la manipulation de l’information, après l’échec, logique, des deux commissions mixtes paritaires. En première lecture, conjointement avec Mme la présidente de la commission de la culture, je vous avais proposé, au nom de la commission des lois, de rejeter ces textes, par l’adoption de deux questions préalables. En effet, la création d’une nouvelle procédure de référé, visant à faire cesser la diffusion « des allégations ou impu...
...exploité par les fake news ? Pourquoi le complotisme séduit-il ? Pourquoi une telle défiance envers les élites politiques ou intellectuelles ? Je ne suis pas sûr qu’une nouvelle procédure répressive, réclamée par le Président de la République et le Gouvernement, soit la réponse la plus efficace à ces mouvements qui tentent de décrédibiliser la parole publique. Les vraies manipulations de l’information sont délibérées, mais surtout clandestines : elles ne sont évidentes ni pour le public ni pour les victimes de ces manipulations. Elles ne peuvent donc être appréhendées par un dispositif judiciaire exigeant de rapporter la preuve contraire et a priori des allégations proférées. Je rappelle que le juge des référés est le juge de l’évidence, de l’illégalité manifeste. En quarante-huit heure...
Mes chers collègues, la commission des lois vous propose de rejeter une nouvelle fois la proposition de loi organique relative à la manipulation de l’information en raison du caractère dangereux pour les libertés publiques de la nouvelle procédure de référé anti-fake news, de son caractère inabouti et potentiellement inefficace contre les vraies menaces. En juin 2018, monsieur le ministre, vous avez déclaré que si la question des fake news était un véritable enjeu démocratique – sur ce point, nous sommes tous d’accord –, ce n’était pas à tr...
...ont aussi inefficaces. Même une procédure de référé n’aura qu’une efficacité incertaine face à des contenus dont la vitesse de propagation est fulgurante. Surtout, contrairement à un procès en diffamation, il n’y aura pas de renversement de la charge de la preuve. Ainsi, la personne agissant en référé et invoquant l’existence d’une fausse information devra rapporter la preuve du caractère faux de l’information en question. Or il n’est que très difficilement possible de rapporter la preuve contraire de certaines affirmations ou allégations, même infamantes : comment prouver, par exemple, que l’on n’a pas commis une fraude fiscale ou que l’on ne dispose pas d’un compte offshore ? Inefficaces, ces deux textes sont surtout dangereux, enfin. La philosophie même du titre Ier de la loi ordinaire me p...
...endre des années pour que notre pays puisse se doter d’un tel régime, nous devons aujourd’hui examiner dans des délais extrêmement contraints le texte qui concrétise cette longue attente. La création d’un tel régime de protection du secret des affaires, attendue depuis longtemps, n’ignore pour autant pas le rôle des journalistes, des lanceurs d’alerte ou encore des représentants de salariés dans l’information de la société civile. Un équilibre a été trouvé entre les exigences également légitimes de protection du secret des affaires des entreprises et d’information tant des salariés que des citoyens. La directive considère que « les secrets d’affaires sont l’une des formes de protection de la création intellectuelle et des savoir-faire innovants les plus couramment utilisées par les entreprises, et, e...
...r définition, le secret des affaires vise à protéger des informations détenues par des entreprises : il suffit de lire les considérants de la directive pour le comprendre ; il n’y a aucune ambiguïté. Nous sommes d’ailleurs dans le code de commerce. De plus, dans les trois critères qui définissent le secret des affaires, il est fait mention de la « valeur économique, effective ou potentielle » de l’information protégée. Cela caractérise bien une information détenue par une entreprise. L’amendement est donc en quelque sorte satisfait. Au demeurant, la notion d’entreprise est matérielle et économique, et pas réellement juridique. Par conséquent, la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.
...rait reprocher au texte de la commission de ne pas être identique au texte de la directive – je suis prêt à l’entendre –, mais pas d’avoir une portée juridique différente. La commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement. L’amendement n° 4 et l’amendement n° 82 rectifié sont quasi identiques. Ils visent à revenir sur la modification adoptée par la commission, consistant à ce que l’information protégée par le secret ait une valeur économique et pas seulement commerciale, tout en exigeant le fait qu’elle confère un avantage concurrentiel à son détenteur. Sur ce second point, de nombreuses informations confidentielles ne confèrent pas nécessairement par elles-mêmes d’avantage concurrentiel à leur détenteur – je pourrais par exemple évoquer un projet de fusion avec une autre entreprise –,...
J’aimerais que Mme Lienemann partage le même enthousiasme que celui dont j’ai fait preuve pour l’amendement de M. Ouzoulias, car son amendement est parfaitement satisfait par les alinéas 35 et 36 du texte, auxquels je la renvoie et qui prévoient clairement une exception au secret des affaires pour l’exercice du droit à l’information et à la consultation des salariés et de leurs représentants. Je sollicite donc le retrait de cet amendement, qui est, à mon sens, déjà satisfait par le texte de la commission ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.
Ces amendements reposent sur une lecture qui me semble un peu abusive de la directive en matière d’exceptions au secret des affaires concernant les représentants des salariés. La directive prévoit, de manière générale, trois hypothèses d’atteinte au secret : l’obtention illicite, l’utilisation illicite et la divulgation illicite. Pour l’exercice du droit à l’information et à la consultation des salariés et de leurs représentants, l’article 3 de la directive prévoit un cas d’obtention licite, pas d’utilisation ou de divulgation. Pour l’exercice légitime de leurs fonctions par les représentants des salariés, l’article 5 de la directive prévoit, lui, un cas de divulgation non illicite par un salarié, pas d’obtention ou d’utilisation, « pour autant que cette divulga...
...onforme ni à l’esprit ni au texte de la directive. En tout état de cause, si la divulgation d’un secret est le fait d’un salarié, il revient au juge d’apprécier la responsabilité de ce salarié en fonction de son intention de divulguer le secret, dès lors qu’il ne relèvera pas des exceptions prévues au titre de la communication entre les salariés et leurs représentants ou de l’exercice du droit à l’information des salariés. Je ne peux qu’émettre, au nom de la commission, un avis défavorable.