Les amendements de Philippe Bas pour ce dossier

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Madame la garde des sceaux, je vous ai écoutée avec attention et même avec plaisir. Tandis que vous prononciez votre discours, je me disais : quelle érudition, quel talent !

Quelle culture historique, littéraire et linguistique ! Vous avez convoqué tant de bons auteurs pour témoigner de votre engagement sincère en faveur de la langue française et des langues régionales. Je n’ai rien à retrancher à votre propos. Comme tous mes collègues, quel que soit le groupe auquel ils appartiennent

… que je manie sans doute avec moins de talent que vous, et j’ai le même souci de défendre et de promouvoir cette richesse que représentent les langues régionales. Pas plus aujourd’hui qu’hier ou demain, il n’y aura de désaccord entre nous quant à la nécessité, non pas, comme vous le dites, de laisser « respirer » ce patrimoine, mais bien de l...

Je n’ai pas non plus constaté une augmentation des crédits dévolus au développement des langues régionales ou minoritaires, au contraire ! En cette année 2015, ces crédits ont même été réduits, et je doute que le projet de loi de finances pour 2016 améliore la situation. Bref, autant nous pouvons nous rejoindre dans les discours, autant je doi...

L’enjeu n’est autre que la coexistence de cultures différentes au sein de la République. À ce titre, quelques rappels s’imposent. C’est en 2003 que nous avons inscrit dans la Constitution que l’organisation de la République était décentralisée. C’est également en 2003 que nous y avons introduit un droit à l’expérimentation, un droit dont ce g...

En songeant en particulier à nos compatriotes d’outre-mer, parmi lesquels figurent beaucoup d’enfants dont la langue maternelle n’est pas le français, j’ajoute qu’il est urgent de développer des pédagogies passant par la pratique du créole pour l’apprentissage de l’écriture et de la lecture. Ces méthodes ne sont pas suffisamment développées auj...

Cette proposition de loi comporte des mesures concrètes. J’espère que son examen nous permettra de prolonger ce large consensus, que je crois discerner entre nous, en faveur du développement des langues régionales.

J’en suis sûr, notre accord en faveur des langues régionales se double d’un autre consensus, autour des principes fondamentaux de notre pacte républicain. Madame la garde des sceaux, vous n’avez pas osé modifier ces principes de manière frontale via cette révision constitutionnelle. C’est donc que vous êtes pour l’égalité devant la loi,...

… qui n’empêchent en rien son organisation décentralisée, vous êtes pour le fait que la langue de la République soit le français, et certainement pour cette adjonction faite à notre Constitution en 2008, adjonction aux termes de laquelle les langues régionales font partie du patrimoine culturel de la France. À mon sens, contrairement à ce que ...

De fait, nous vivons dans la même République. Le désaccord porte également sur la signature de la France, qui n’est pas un enjeu secondaire.

En ratifiant un pacte, une convention, nous nous engageons à l’appliquer loyalement, non selon l’interprétation que nous en faisons mais selon celle qu’en font ses signataires.

Ce n’est pas exactement la même chose, surtout lorsque cette convention exclut la possibilité d’émettre des réserves quant à son application. Or tel est précisément l’objet de l’article 21 de la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires.

M. Philippe Bas, rapporteur. La révision constitutionnelle que vous préconisez ne purge pas l’inconstitutionnalité de cette charte. Cette dernière, en effet, ne se limite pas aux trente-neuf engagements auxquels vous souhaitez souscrire, et qui sont déjà entièrement appliqués par les institutions de la République !

Dès lors, ratifier la Charte n’est nullement nécessaire pour appliquer ces engagements ! Mais cette charte, c’est aussi son préambule, qui proclame le droit imprescriptible de pratiquer une langue régionale dans la vie publique ; c’est aussi sa première partie, qui prévoit que les circonscriptions administratives ne doivent pas être contraires...

Sur ces points, aucune réserve n’est possible. Du reste, la déclaration interprétative que vous avez évoquée, et qui est mentionnée dans ce projet de révision constitutionnelle, ne prévoit pas de réserves d’interprétation sur ces différents points. Elle est lacunaire. En effet, la décision du Conseil constitutionnel que vous prétendez vouloir ...

Enfin, le fait que cette ratification puisse être accompagnée d’une déclaration interprétative ne purge pas le vice d’inconstitutionnalité de la Charte.

Si la Charte devait être appliquée, elle le serait dans un sens contraire à notre Constitution. Cette révision constitutionnelle impliquerait l’obligation de ne pas respecter la Charte au moment même où sécherait l’encre de la signature apposée par le Président de la République sur l’acte de ratification. Les réserves sont interdites. Le syst...

 « Un chat en sac ne doit pas être acheté »… parce qu’il vous sauterait à la figure ! Eh bien, cette révision constitutionnelle, c’est un chat en sac, et je ne l’achèterai pas !

Je n’abuserai pas de mon temps de parole, monsieur le président. Le débat que nous venons d’avoir a été, pour moi, riche d’enseignements. Il confirme totalement l’engagement que nous avons tous, nous sénateurs de la République, de sauver, défendre et promouvoir les langues régionales. Et c’est heureux, car ces langues ne menacent nullement ni ...

De ce fait, si cette déclaration devait être respectée – mais nous verrons dans un instant que cela n’est pas possible –, elle ne couvrirait de toute façon qu’une partie des griefs d’inconstitutionnalité arrêtés par le Conseil constitutionnel. C’est donc un coup d’épée dans l’eau qu’on nous propose ici de donner, et ce rien de moins qu’avec un...