M. Jean-Pierre Bel. Ma question s'adresse à M. le ministre délégué à l'intérieur.
Pour beaucoup d'entre nous, « décentralisation » résonne comme un bien joli mot : source de libertés nouvelles, moyen d'exercer un pouvoir plus proche des citoyens. La décentralisation est synonyme de responsabilités accrues pour les territoires et ceux qui les habitent.
Pourtant, au moment où s'achève le Congrès des maires de France, on a le sentiment d'assister à une sorte de basculement où l'enthousiasme d'antan aurait laissé place à une immense inquiétude, à des préoccupations fortes et, pourquoi ne pas le dire ? à un réel désarroi.
Vous auriez tort, monsieur le ministre, de ne voir dans mes propos que le mauvais esprit d'un responsable de l'opposition. Vous auriez tort de vous entêter en restant sourd et aveugle : sourd et aveugle à l'accueil mitigé qui a été réservé au Premier ministre lors de son passage au Congrès des maires de France, sourd et aveugle au sondage récent du Courrier des maires d'où il ressort qu'une majorité d'élus considère que votre loi de décentralisation va dans le mauvais sens.
Vous auriez tort de rester sourd et aveugle aux propos de Daniel Hoeffel, ancien président UMP de l'Association des maires de France, lequel déclarait, voilà encore quelques jours : « Compte tenu de mon expérience, je doute que les nouvelles compétences soient intégralement compensées financièrement. Je ne vois pas comment on va pouvoir éviter des hausses d'impôts locaux. ». Et il concluait : « C'est inadmissible ! »
Alors, monsieur le ministre, ma question est simple : avez-vous pris conscience de votre erreur ?
Empiler des lois sans se soucier de leur cohérence est avant tout une erreur de méthode. Admettez-vous vous être trompé en laissant croire que l'on pouvait privilégier toujours les mêmes - les nantis - et baisser l'impôt sur le revenu sans porter atteinte à la clé de voûte de notre pacte républicain : les services publics ?
M. André Ferrand. Nous avons augmenté le SMIC !
M. Jean-Pierre Bel. Ne croyez-vous pas qu'il est légitime pour nombre d'élus, y compris des élus proches de votre majorité, de dénoncer l'hypocrisie qu'il y a à baisser les prélèvements obligatoires au niveau national pour les transférer, en douce, au niveau local ?
M. René-Pierre Signé. Ils ne font que cela !
M. Jean-Pierre Bel. En d'autres termes, monsieur le ministre, qu'avez-vous fait de cette grande idée, de ce grand projet que vous feriez bien de réhabiliter au lieu de nous renvoyer sans cesse à l'échec prétendu de vos prédécesseurs ?
Monsieur le ministre, vous qui êtes au Gouvernement depuis deux ans et demi, apportez-nous une réponse qui soit à la hauteur du moment !
Que répondez-vous face à l'angoisse et à l'inquiétude profonde des élus locaux ?
(Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. René-Pierre Signé. Il n'a rien à répondre : c'est irréfutable !
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Jean-François Copé, ministre délégué à l'intérieur. Monsieur le sénateur, vous m'avez reproché d'être sourd et aveugle. Ce n'est pas très gentil de se moquer du physique des gens ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.) Pour ma part, je n'utiliserai pas ce procédé. Je vous dirai seulement, avec tout le respect que je vous dois, que j'ai le sentiment que vous avez la mémoire qui flanche.
(Rires et Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
M. Yannick Bodin. Celle-là, vous nous l'avez déjà faite !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Parlons plutôt de ces 35 heures imposées d'en haut aux maires de France et non financées : c'était vous ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.) L'allocation personnalisée d'autonomie imposée aux conseils généraux sans financement : c'était encore vous !
Mme Nicole Borvo. Vous passez d'un sujet à un autre !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Enfin, ces 14 milliards de francs de recettes fiscales, prélevés brutalement par M. Fabius, ancien ministre des finances, aux collectivités locales pour les remplacer par des dotations : c'était toujours vous !
M. Alain Gournac. Bravo !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Monsieur Bel, il est des moments dans la vie où nous avons aussi le droit de reconnaître les choses.
La réforme de la décentralisation que nous avons faite...
M. René-Pierre Signé. Personne n'en veut !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. ...s'inscrit directement dans l'esprit du rapport Mauroy dont vous préconisiez l'application lorsque vous étiez dans la majorité.
(Protestations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Bernard Piras. Et les financements ?
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Enfin, monsieur Bel, personne n'est dupe dans cet hémicycle ! La semaine que nous avons consacrée à la rencontre des maires nous a permis de lutter contre la désinformation. Nous avons indiqué, par exemple, qu'en 2003 les quatre régions les plus fiscalisées étaient des régions de gauche (M. Alain Gournac s'esclaffe.) et que les quatre régions les moins fiscalisées étaient des régions de droite.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Les électeurs ont répondu !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Je regrette que M. Fabius n'ait pas rappelé cette vérité dans le « Livre noir » sur la décentralisation.
Enfin, monsieur Bel, j'ai lu, notamment dans la presse,...
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Le Figaro ?
M. Jean-François Copé, ministre délégué. ...que les maires auraient le blues, qu'ils étaient très dépressifs et très inquiets.
En ce qui me concerne, j'ai rencontré de nombreux maires...
M. Bernard Piras. Vous n'étiez pas au congrès !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. ...qui avaient besoin d'explications sur la décentralisation. J'ai pris le temps de les leur fournir, hier, tout au long de l'après-midi, avec un certain nombre de nos collègues.
Si les maires étaient aussi hostiles à la politique que nous conduisons, monsieur Bel, s'ils étaient aussi inquiets que vous le prétendez, ils avaient un bon moyen de l'exprimer. En effet, deux personnes se sont portées candidates à la présidence de l'Association des maires de France L'une était socialiste : M. Laignel, qui disait, lorsque j'étais jeune et qu'il était déjà en politique : « vous avez juridiquement tort, parce que vous êtes politiquement minoritaires ». L'autre appartenait au groupe de l'UMP : M. Pélissard qui, durant sa campagne électorale, n'a pas hésité, aux côtés de Mme Gourault, à soutenir clairement la politique de décentralisation.
Si les maires avaient été aussi hostiles et aussi inquiets, ils auraient pu ne pas élire le candidat qui soutenait la décentralisation.
M. René-Pierre Signé. Ce n'est pas une réponse !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Or ils ont élu M. Pélissard, avec 66% des voix.
(Bravo ! et vifs applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
M. Raymond Courrière. Et combien d'abstentionnistes ?
M. Raymond Courrière. Il n'y avait pas le quorum !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Cela s'appelle la démocratie et c'est une bonne manière de montrer que, face à la désinformation, il n'y a rien de tel que d'expliquer et de convaincre. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.
M. René-Pierre Signé. Il n'a pas répondu.
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