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Daniel Soulage
Question orale sans débat N° 511 au Ministère dux affaires européennes


Réglementation du commerce et de la distribution

Question soumise le 20 mai 2004

M. Daniel Soulage attire l'attention de M. le ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie sur les pratiques commerciales de la distribution et son intention annoncée lors de la présentation d'une série de mesures visant à soutenir l'activité économique de revenir sur les dispositions de la loi n° 96-588 du 1er juillet 1996 dite « loi Galland ». Il semble, en effet, que les mesures préconisées viseraient, non pas à combattre la pratique déloyale des marges arrière qui met en difficulté les producteurs et les fournisseurs de la grande distribution, mais au contraire à accéder à la demande de cette dernière d'en régulariser l'usage. Une telle initiative risquerait de remettre gravement en cause l'équilibre concurrentiel établi entre les grandes enseignes, d'une part, et l'artisanat et le commerce de détail, d'autre part, qui, par la nature même de son activité en termes de qualité des produits vendus et de service apporté au client, n'est pas en mesure de bénéficier des conditions tarifaires imposées par les grandes surfaces à leurs fournisseurs. Conscient des relations conflictuelles qui existent entre ces derniers et la grande distribution, il s'inquiète d'une remise en cause totale de la loi Galland, qui, si elle n'a pas permis d'assainir complètement les pratiques commerciales, a toutefois préservé un certain équilibre entre les différentes formes de commerce, en complément des efforts consentis par ailleurs pour revitaliser le commerce de proximité. Aussi, il lui demande de bien vouloir lui préciser ses intentions dans ce domaine, en tenant compte de la contribution que représentent 1 million d'entreprises de l'artisanat et du commerce indépendant à l'aménagement du territoire et à la prévention du lien social dans les communes et les quartiers.

Réponse émise le 2 juin 2004

M. Daniel Soulage. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, M. le ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie a, le 4 mai dernier, présenté une série de mesures destinées à soutenir l'activité économique. Parmi celles-ci a été émise la possibilité de revenir sur certaines dispositions de la loi Galland, afin de limiter la hausse des prix et de redonner du pouvoir d'achat aux Français.

La loi Galland a interdit les ventes à perte et a ainsi évité que les écarts de prix entre les grandes surfaces et les petits commerces de proximité ne soient trop importants. En revanche, un des effets non désiré de cette loi a été de créer le système des « marges arrières ». Cette pratique permet aux distributeurs de facturer arbitrairement des prestations commerciales aux fournisseurs : par exemple, la promotion du produit sur catalogue, les têtes de gondoles, etc.

Les grandes enseignes demandent depuis longtemps la suppression de la loi Galland et la régularisation de la pratique des marges arrières. A l'inverse, les producteurs sont favorables à un durcissement de cette loi et à la suppression des marges arrières. Les intérêts sont contradictoires et les relations très conflictuelles entre les parties ; je sais que tous vont être réunis, sur l'initiative de M. le ministre d'Etat, lors d'une table ronde jeudi prochain.

Même si la loi Galland n'a pas assaini toutes les pratiques commerciales, elle a néanmoins permis l'émergence d'un équilibre fragile entre les différents types de commerces. Remettre en cause cette loi, voire l'assouplir, peut avoir de graves conséquences, aussi bien pour certains fournisseurs, petits producteurs ou PME de l'agroalimentaire, que pour les commerçants indépendants et les artisans.

Au moment où tous les acteurs économiques sont mobilisés sur ce sujet, n'y a t-il pas lieu de redéfinir certaines pratiques telles que le développement des magasins pratiquant le hard discount ?

D'autre part, que penser des accords de gamme et de leurs conséquences sur la présence des produits des PME dans les grandes et moyennes surfaces ?

De plus, nous ne devons pas oublier que, même si la réforme de la loi Galland a pour finalité de baisser les prix et de redonner du pouvoir d'achat aux Français, il ne faut pas le faire au détriment des agriculteurs, des PME et des commerçants de proximité, qui ont un rôle social important, aussi bien en ville qu'en milieu rural.

Enfin, face au pouvoir des centrales d'achat, qui sont de plus en plus concentrées, ne serait-il pas envisageable, pour défendre les intérêts des producteurs, de tolérer la création de centrales de vente ?

Les relations commerciales établies par la loi Galland sont fragiles ; c'est pourquoi, madame le ministre, je souhaite connaître les intentions du gouvernement français sur cette question sensible.

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Claudie Haigneré, ministre déléguée aux affaires européennes. Monsieur le sénateur, je vous remercie de votre question, qui va me permettre de préciser, au nom de M. Patrick Devedjian, le projet du Gouvernement.

En aucun cas, en effet, le Gouvernement n'a l'intention de régulariser la pratique des marges arrières. Il a même indiqué, à plusieurs reprises et de manière non ambiguë, qu'il avait exactement l'intention inverse.

Depuis plusieurs années, en effet, les marges arrières sont en constante dérive : elles augmentent de un à deux points chaque année et atteignent désormais une moyenne de 35%, voire davantage sur certains segments du marché. Aucun de nos partenaires européens ne connaît une dérive comparable.

Aucun acteur de la filière ne porte à lui seul la responsabilité de cette dérive : ni les industriels, qui doivent compenser par leurs prix le poids de la coopération commerciale, ni les distributeurs, qui sont de grandes entreprises créatrices d'emplois et de croissance que nos concitoyens apprécient pour des raisons qui ne tiennent pas seulement aux prix.

Il se trouve que le système a progressivement migré vers cet équilibre, parce que les distributeurs et les grandes marques y ont trouvé un intérêt convergent.

En revanche, les victimes sont clairement identifiées : les PME, qui ne peuvent plus satisfaire aux exigences de la coopération commerciale et qui voient leurs parts de marché progressivement réduites par la concurrence du hard discount qui se fournit sur le marché européen et mondial ; les agriculteurs, dont la rémunération est sans commune mesure avec les prix des produits alimentaires dans les rayons ; enfin et surtout, les consommateurs, dont le pouvoir d'achat a baissé de 0,5 % par unité de consommation en 2003. Il n'y a aucune raison pour que le prix du yaourt de marque soit beaucoup plus cher en France qu'en Espagne !

Il est donc temps de mettre fin à la dérive des marges arrières, et il faut le faire rapidement. C'est pourquoi le Gouvernement souhaite parvenir à un accord mesuré - mais efficace - avec les différents acteurs de la filière. En aucun cas il n'est envisagé de remettre en cause les acquis de la loi Galland sur la revente à perte.

Les acteurs du commerce de proximité doivent prendre conscience du fait que les faiblesses de la consommation des ménages et la fragilité de la filière du commerce pénalisent tout le monde. Lorsque les Français ont moins de pouvoir d'achat, tous les commerçants en souffrent, les grands comme les petits.

Les chiffres de l'année 2003 le montrent, le commerce de proximité n'a pas mieux résisté que la grande distribution, alors même que les prix des produits de marque dans la grande distribution étaient élevés.

Si le Gouvernement parvient à faire baisser les prix des produits alimentaires des grandes surfaces, les Français ne consommeront pas davantage de ces produits, car la demande n'est, en réalité, pas élastique ; en revanche, ils pourront satisfaire d'autres besoins de consommation plus qualitatifs, au bénéfice du commerce de proximité.

M. le président. La parole est à M. Daniel Soulage.

M. Daniel Soulage. Je veux remercier très sincèrement Mme la ministre de sa réponse.

On comprend bien, en cette période, qu'il est important de soutenir l'activité économique. Je tiens donc à redire, alors que nous venons d'adopter le projet de loi relatif au développement des territoires ruraux, combien les producteurs, les agriculteurs, les commerçants de proximité, les PME, notamment celles de l'agroalimentaire, sont des éléments essentiels de la vie économique de nos territoires.

Vous venez de me faire connaître, madame la ministre, la réponse de M. le ministre Devedjian. J'ai le sentiment qu'il partage entièrement ce point de vue, et j'en suis ravi. Nous attendrons donc le résultat de la table ronde, qui nous paraît à tous très important...

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