M. Dominique Braye appelle l'attention de M. le ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat et des professions libérales sur l'ouverture dominicale des commerces sur le territoire de la commune de Buchelay, dont il est le maire, à propos de laquelle le conseil municipal a émis un avis favorable. En effet, depuis deux ans, plusieurs entreprises, qui avaient jusque-là bénéficié de dérogations préfectorales à la réglementation relative au repos dominical, n'ont pas vu leur demande de dérogation renouvelée, sans justification de la part des services de l'Etat. Ceux-ci ont pourtant laissé perdurer de fait l'ouverture dominicale, jusqu'à ce que l'inspection du travail des Yvelines signifie récemment aux enseignes concernées leur infraction à la réglementation. Or, durant les nombreuses années où l'ouverture le dimanche a été autorisée ou tolérée de fait, les commerces concernés se sont organisés, ont investi et recruté en fonction de l'ouverture dominicale. L'obligation de fermer le dimanche les pénaliserait lourdement, en termes d'organisation et d'équilibre financier, et les obligerait à supprimer nombre d'emplois. Par ailleurs, cela créerait une distorsion de concurrence par rapport à d'autres magasins ayant une activité similaire, installés dans la même zone de chalandise, sur des zones commerciales de communes voisines, dont l'ouverture dominicale est tolérée. Il lui demande donc quelles mesures il envisage de prendre pour permettre aux magasins situés sur sa commune de poursuivre leur ouverture dominicale, afin de garantir la pérennité de leur activité et des emplois créés, d'assurer localement l'équité de la concurrence et de répondre aux nouvelles habitudes des consommateurs.
M. le président. La parole est à M. Dominique Braye, auteur de la question n° 1178, adressée à M. le ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat et des professions libérales.
M. Dominique Braye. Monsieur le ministre, le problème de l'ouverture des magasins le dimanche est aujourd'hui largement débattu, vous en conviendrez. Il concerne le secteur commercial, mais aussi nos concitoyens, dont tous les sondages nous affirment qu'ils sont très majoritairement favorables à l'ouverture du dimanche - dès lors, bien sûr, que les employés des magasins concernés sont volontaires -, et ce tout simplement parce que nombre d'entre eux ne peuvent faire leurs courses que le week-end !
L'ouverture dominicale des magasins ne peut plus aujourd'hui être écartée d'un revers de main, sous prétexte de protection du petit commerce. Elle répond, en France comme chez nos voisins européens, qui la pratiquent plus largement, à l'évolution des modes de consommation et à une nécessité économique, face à la concurrence des magasins automatiques et du commerce électronique par Internet, dont l'activité est permanente, 24 heures sur 24 et 365 jours sur 365.
Cette question se pose avec une acuité particulière dans les grandes agglomérations et leurs périphéries, où nos concitoyens travaillent tard et rentrent tard chez eux, du fait notamment de la longueur des temps de transport. Inévitablement, ils ne peuvent donc faire leurs achats que le week-end.
Or, comme je le constate dans ma commune de Buchelay, les zones commerciales sont totalement saturées le week-end, ce qui empêche tout report de l'activité dominicale sur le samedi. Tous ceux qui l'observent peuvent l'affirmer ! L'interdiction d'ouverture dominicale pénalise donc gravement les enseignes concernées et leurs salariés, mais aussi, et peut-être surtout, leurs clients.
Comme vous l'avez souligné dans votre réponse précédente, monsieur le ministre, l'ouverture dominicale des magasins dans les zones commerciales périurbaines ne peut être autorisée que dans le seul respect d'un équilibre entre le commerce de centre-ville et le commerce des zones périphériques, afin de préserver le petit commerce de proximité et l'animation des centres-villes. Mais ceux-ci ne dépendent nullement de l'ouverture des centres des zones périphériques le dimanche ; ils dépendent de la répartition des commerces entre la périphérie et le centre-ville.
C'est précisément cet équilibre qu'ont voulu instaurer les élus de la communauté d'agglomération de Mantes-en-Yvelines que j'ai l'honneur de présider, en interdisant l'implantation dans les zones commerciales d'enseignes concurrentes des commerces de centre-ville concernant, par exemple, l'alimentation spécialisée, l'équipement et les soins de la personne.
Sous cette réserve, et sous celle de fonder le travail dominical exclusivement bien entendu sur le volontariat et sur une compensation financière substantielle, l'ouverture dominicale est, nous le savons tous, inéluctable, et il appartiendra au législateur de se saisir de ce sujet.
En attendant cette nécessaire évolution, permettez-moi, monsieur le ministre, d'attirer votre attention sur l'exemple représentatif des zones commerciales de Buchelay, dans les Yvelines, dans la grande couronne parisienne, avec une activité concentrée le week-end, pour les raisons que j'ai précédemment évoquées.
Tous les acteurs et observateurs concernés constatent une application ubuesque, inéquitable et incompréhensible de la réglementation relative au régime d'autorisation d'ouverture dominicale.
Pourquoi ce régime varie-t-il, sur le plan régional, d'un département à l'autre ? Ainsi, dans le département de l'Essonne, la zone commerciale de Sainte-Geneviève-des-Bois voit ses commerces bénéficier régulièrement, tous les deux ans, du renouvellement de ses autorisations, ce qui n'est pas le cas des zones commerciales du département limitrophe, les Yvelines.
Vous en conviendrez, monsieur le ministre, cette situation est déjà surprenante et totalement injuste, mais peut s'expliquer par le fait que chaque département dépend d'une autorité compétente différente, à savoir le préfet, qui peut avoir son idée personnelle, voire originale, sur la manière de lire et d'appliquer la loi.
Mais ce qui est encore plus surprenant, encore plus inéquitable et encore plus inexplicable, c'est que, au sein d'un même département, les Yvelines, la même autorité, le préfet, peut, pour les mêmes activités commerciales, sur la même zone de chalandise, traiter de façon différente des commerces appartenant au même secteur d'activité.
Ainsi, à Buchelay, des responsables se voient refuser l'autorisation d'ouverture dominicale, et sont donc contraints de fermer leur magasin, tandis que leurs concurrents à Flins-sur-Seine ou à Orgeval et à Plaisir, des villes situées entre cinq minutes et quinze minutes en voiture dans la même zone de chalandise, restent ouverts sans être aucunement inquiétés.
Comment expliquer de telles disparités de traitement, qui semblent être pratiquées « à la tête du client » et qui faussent la loyauté de la concurrence ? Comment les services de l'État peuvent-ils créer et accepter de telles injustices ? Ne heurtent-elles pas, monsieur le ministre, votre sens de l'équité républicaine ?
Plus grave encore, les services de l'État, qui souhaitent aujourd'hui la fermeture dominicale des magasins de Buchelay, après l'avoir autorisée pendant sept ans, voire quinze ans, ont-ils mesuré les conséquences économiques et sociales d'une telle décision ?
Pendant toutes ces années, ils ont laissé ces magasins s'organiser, investir et recruter en fonction de l'ouverture dominicale, et viennent maintenant les menacer d'interdiction d'ouverture et de sanctions, ce qui signifierait, pour les magasins concernés, une perte de chiffre d'affaires de 20 % ; pour les salariés volontaires, une baisse de rémunération mensuelle de 20 % ; pour la cinquantaine d'étudiants employés à temps partiel, le licenciement et des difficultés pour financer leurs études, comme ils me l'ont tous confié ; et, pour les clients, enfin, une grande insatisfaction et une totale incompréhension devant cette politique de Gribouille.
Incompréhension, inéquité et révolte, tels sont les mots qui reviennent actuellement non seulement chez les responsables de ces magasins et les salariés, mais également chez les clients.
Quelles mesures entendez-vous prendre, monsieur le ministre, pour rétablir un minimum d'équité et de lisibilité concernant le régime des autorisations d'ouverture dominicale et pour ne pas pénaliser l'activité économique, l'emploi et les consommateurs ?
M. René-Pierre Signé. Quelle éloquence !
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Renaud Dutreil, ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat et des professions libérales. Je vous le dis tout de go, monsieur le sénateur, je ne suis pas fermé à une évolution de la législation relative au repos dominical. Mais, s'agissant d'un sujet aussi sensible, nous devons veiller à trouver le bon équilibre.
La règle du repos dominical est ancienne et ancrée dans nos comportements culturels. Elle est souvent liée à la vie familiale, mais elle se justifie également d'un point de vue économique.
Si, aujourd'hui, nous libéralisions totalement l'ouverture des magasins le dimanche, les petits commerces, qui sont bien souvent tenus par un couple, ne pourraient pas travailler sept jours sur sept et concurrencer les grandes surfaces qui peuvent, elles, organiser la rotation des salariés, selon la réglementation hebdomadaire du travail. Ainsi, perdant une part de leur chiffre d'affaires, ils disparaîtraient par milliers. Or, nous ne voulons pas - tout comme vous, monsieur le sénateur - supprimer toutes ces petites entreprises, qui sont aujourd'hui souvent prospères en France, et tous les emplois qui y sont liés.
La loi prévoit, je le rappelle, des dérogations à la règle du repos dominical pour le commerce alimentaire de détail et pour certains secteurs dans lesquels l'ouverture le dimanche est « nécessaire à une vie économique et sociale minimale ». À ce titre, un décret du 2 août 2005 a récemment élargi cette dérogation permanente à des secteurs comme l'assistance informatique, la surveillance, les ports de plaisance, la location de vidéo ou la jardinerie.
Des dérogations sont également prévues dans les zones touristiques d'affluence exceptionnelle.
Enfin, un contingent de cinq dimanches par an peut être ouvert par arrêté municipal.
Nous sommes conscients qu'il y a aujourd'hui des aberrations non seulement dans la législation elle-même, mais également dans son application, comme vous l'avez, à juste titre, indiqué, monsieur le sénateur, en prenant l'exemple de votre département.
Le Premier ministre a saisi d'une demande d'avis sur ce sujet le Conseil économique et social - instance appropriée qui réunit les organisations syndicales et patronales -, qui lui remettra ses propositions à la fin du mois de février prochain.
Je suis convaincu que nous pourrons alors, sans attendre, apporter des réponses de bon sens à cette question difficile, tout en tenant compte de l'évolution des attentes de nos concitoyens et de la légitime préoccupation des commerçants.
M. le président. La parole est à M. Dominique Braye.
M. Dominique Braye. Monsieur le ministre, je tiens à dire que mon intervention est très mesurée par rapport aux réactions de révolte que j'ai recueillies sur le terrain aussi bien parmi les salariés, qui sont tous volontaires et voient leur salaire diminuer de 20 % du jour au lendemain à cause de la décision d'un technocrate, que parmi les étudiants et les clients.
Je suis tout à fait d'accord pour que l'ouverture dominicale des magasins fasse l'objet d'un large débat, qui serait constructif, au Parlement. Mais il ne faut pas le repousser aux calendes grecques !
Par ailleurs, pour vivre ces problèmes sur le terrain, je ne partage pas votre analyse, monsieur le ministre. La concurrence entre le petit commerce et le commerce de périphérie dépend non pas des heures d'ouverture, mais de la répartition des secteurs d'activité.
S'il n'existe pas de magasin spécialisé en équipement de la personne dans une zone périphérique, les clients iront en centre-ville. Si nous avions adopté les dispositions législatives adéquates pour répartir correctement les commerces dans les agglomérations, nous n'en serions peut-être pas là aujourd'hui ! Nous sommes responsables de cette situation, monsieur le ministre, et nous devrions en tirer des conclusions.
En revanche, vous n'avez pas répondu à la question centrale que je vous ai posée et que je continuerai à poser tant que je n'aurai pas obtenu de réponse.
Je souhaite que la législation soit appliquée de manière juste. Il ne peut pas y avoir deux poids deux mesures : soit, dans le même secteur d'activité, les magasins sont tous fermés soit ils sont tous ouverts ! C'est aussi simple que cela !
Monsieur le ministre, pour quelles raisons objectives un préfet peut-il autoriser, dans une même zone de chalandise, l'ouverture d'un magasin de bricolage le dimanche et la refuser à un autre ? Personnellement, je ne comprends pas, tout comme mes concitoyens et les responsables de ces magasins. Mais je ne doute pas que les hautes sphères politiques seront à même de me donner des explications !
Monsieur le ministre, je vous demande donc de faire respecter l'application de la loi et de nous apporter des réponses en la matière.
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