M. Jean-Pierre Bel. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre, que je remercie d'être présent pour me répondre.
Monsieur le Premier ministre, un rapport récent du Centre d'analyse stratégique, placé sous votre autorité, met en évidence un sentiment fort, éprouvé par un grand nombre de nos concitoyens : ceux-ci expriment une véritable angoisse de l'avenir.
M. Bruno Sido. Ils ont peur de Ségolène Royal !
M. Jean-Pierre Bel. Ils sont très nombreux à craindre pour leur situation ou celle de leurs proches.
L'image qu'ils ont, ainsi que le rapport le souligne, c'est celle d'un pays qui s'enfonce dans la précarité. Ils ont un sentiment d'insécurité sociale accru.
Cette nouvelle misère sociale qui frappe en priorité les jeunes et les femmes concerne aussi - et cela est nouveau - ceux qui ont un emploi, avec l'apparition des travailleurs pauvres, de salariés qui expriment leur crainte de se voir demain eux-mêmes exclus ou - pourquoi pas ? - SDF.
Nous prenons connaissance aussi, dans le même temps, des salaires ahurissants perçus par les patrons des très grands groupes.
Nous devons tous ici, par-delà nos divergences, prendre en compte cette question des inégalités, avec esprit de responsabilité, et nous garder de toute surenchère ou démagogie.
Dans les jours à venir, chacun devra apporter sa réponse face à cette situation, mais, aujourd'hui, monsieur le Premier ministre, c'est vous qui êtes comptable du bilan, de réalités qui sont la marque de votre politique.
Comment vous comprendre dans ces conditions ? Pourquoi avoir ici, lors de la discussion budgétaire, systématiquement refusé nos amendements visant à mieux réglementer et à rendre transparentes les rémunérations des grands patrons ?
Quel est le sens de ces décisions prises au profit des 10 % des Français les plus riches, parmi lesquels figurent cent patrons des entreprises cotées en bourse, dont on nous dit qu'ils gagnent en moyenne trois cents fois le SMIC ?
M. Didier Boulaud. Voire quatre cents fois !
M. Jean-Pierre Bel. Pourquoi toujours favoriser les mêmes en affaiblissant l'impôt sur la fortune, en modifiant le régime des donations, en instaurant un bouclier fiscal qui exonère les plus nantis ?
Monsieur le Premier ministre, il vous reste cent jours avant de rendre des comptes devant les Français. Autant dire que beaucoup des décisions que vous annoncez aujourd'hui résonnent aux oreilles de nos compatriotes comme des mesures tardives relevant plus de l'incantation que de la mise en oeuvre de véritables politiques.
Néanmoins, au moment où le Président de la République préconise pour les années à venir une baisse massive de l'impôt sur les sociétés, pouvez-vous m'éclairer sur ce point et me dire, sans vous abriter derrière l'argument de la compétitivité des entreprises, comment vous comptez procéder pour que cette mesure n'aboutisse pas à un nouveau bonus pour les actionnaires ?
Monsieur le Premier ministre, en définitive, aujourd'hui, douze ans après la première élection de Jacques Chirac, qu'est-ce qui vous permet de dire que vous avez réduit la fracture sociale ?
(Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Jean-Pierre Raffarin. La baisse du chômage !
M. Dominique de Villepin, Premier ministre. Monsieur Bel, j'ai placé le combat contre les inégalités dans notre pays au coeur de l'action du Gouvernement.
M. René-Pierre Signé. C'est raté !
M. Dominique de Villepin, Premier ministre. En ce domaine, deux voies sont possibles.
La première, c'est...
M. Jacques Mahéas. La fracture sociale !
M. Dominique de Villepin, Premier ministre.... celle des vaines promesses ; nous l'avons connue dans le passé,...
M. Yannick Bodin. Vous parlez de Raffarin !
M. Dominique de Villepin, Premier ministre.... à coups de subventions, d'augmentation de la dépense publique et de réduction du temps de travail. Ce n'est pas la voie que nous avons choisie.
Nous avons, au contraire, fait des choix politiques clairs : la défense de notre pacte républicain, la laïcité, l'égalité des chances, le plein-emploi en mobilisant toutes les forces du pays pour faire reculer le chômage,...
M. Jacques Mahéas. Venez dans nos banlieues !
M. Dominique de Villepin, Premier ministre.... la croissance et l'innovation.
Un sénateur socialiste. Même pas 2 % !
M. Dominique de Villepin, Premier ministre. Les résultats parlent d'eux-mêmes : le chômage est passé à 8,6 % et nous nous rapprocherons de 8 % à la mi-2007.
M. Alain Gournac. Très bien !
M. Jacques Mahéas. C'est faux !
M. Dominique de Villepin, Premier ministre. Nous avons construit des logements à un rythme sans précédent depuis vingt-cinq ans (Applaudissements sur les travées de l'UMP.) Nous avons doublé la mise en chantier de logements sociaux par rapport à la période pendant laquelle vous étiez aux affaires, et je veux ici en remercier Jean-Louis Borloo et Catherine Vautrin.
(Applaudissements sur les mêmes travées.)
Nous avons mis des moyens considérables au service des élèves les plus défavorisés : 1 000 enseignants expérimentés, 3 000 assistants pédagogiques ont été affectés, à la rentrée 2006, dans les collèges « ambition réussite ».
(Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Jacques Mahéas. En supprimant 7 000 emplois ailleurs !
M. Dominique de Villepin, Premier ministre. En matière de pouvoir d'achat, nous avons multiplié les initiatives.
M. Jacques Mahéas. C'est invraisemblable !
M. Dominique de Villepin, Premier ministre. Nous avons doublé la prime pour l'emploi, soit l'équivalent d'un treizième mois pour ceux qui sont au niveau du SMIC, ce que vous n'avez jamais fait lorsque vous étiez au pouvoir !
Nous avons enfin créé des outils de lutte contre les discriminations, sujet dont vous ne vous êtes pas non plus préoccupés.
M. Didier Boulaud. Heureusement qu'il y a Azouz Begag !
M. Dominique de Villepin, Premier ministre. L'enjeu, aujourd'hui, c'est bien de savoir comment nous pouvons aller plus loin, comment passer de 8 % à 6 % de chômage, comment répondre aux préoccupations de nos concitoyens en matière de logement, comment aider les jeunes à s'en sortir.
Nous choisissons la persévérance en menant jusqu'aux derniers jours la bataille de l'emploi. Nous choisissons le pragmatisme en nous fixant des objectifs réalistes, et c'est pourquoi nous avançons dans la voie du droit au logement opposable.
Dès 2008, chacune des personnes qui sont dans les situations les plus dramatiques se verra proposer une solution.
Nous faisons, enfin, le choix de l'ambition en jetant les bases d'une université qui soit un véritable passeport pour l'emploi. C'est tout le sens du schéma national d'insertion et d'orientation qui sera mis en place dans les toutes prochaines semaines.
Persévérance, pragmatisme et ambition : tel est le triptyque qui caractérise la volonté gouvernementale !
(Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
M. Jacques Mahéas. Le salaire des grands patrons est passé à la trappe !
M. Paul Raoult. Il n'a pas répondu à la question !
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