M. Louis de Broissia souhaite appeler l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur la loi n° 98-468 du 17 Juin 1998 qui a introduit, pour les délinquants sexuels condamnés, une disposition complémentaire intitulée « le suivi socio-judiciaire ». Les dispositions législatives innovantes de cette loi avaient pour ambition de réduire de façon significative la récidive. Il semble toutefois que l'application de cette loi serait gravement déficiente. Il souhaiterait avoir des éléments chiffrés pour connaître le pourcentage de délinquants qui peuvent être effectivement suivis de façon thérapeutique.
Le garde des sceaux fait connaître à l'honorable parlementaire qu'il partage son souci de voir se développer la mesure de suivi sociojudiciaire. Au croisement de la peine et de la mesure de sûreté, le suivi sociojudiciaire, en imposant au condamné des mesures d'assistance et de surveillance, favorise la prévention de la récidive pour les auteurs d'infractions à caractère sexuel. D'un point de vue statistique, le nombre de suivis sociojudiciaires prononcés par les juridictions est en constante augmentation : 265 mesures ont été prononcées en 2000, 421 en 2001, 642 en 2002 et 795 en 2003. Les chiffres de 2004 ne sont pas à ce jour disponibles. Il n'en demeure pas moins que cette augmentation reste en-deçà des prévisions faites au moment de l'entrée en vigueur de la loi, traduisant ainsi les difficultés de mise en oeuvre de cette mesure. Le premier obstacle au développement de cette peine est le faible nombre de médecins coordonnateurs : les procureurs de la République ont ainsi de réelles difficultés à établir des listes de médecins coordonnateurs dans leur ressort. Certains parquets ont même du se regrouper pour établir une liste commune départementale. Le suivi sociojudiciaire repose en effet sur un médecin coordonnateur, véritable interface entre le juge de l'application des peines et le médecin traitant. En charge notamment de l'évaluation du suivi médical du médecin traitant, il doit parfaitement maîtriser la dynamique spécifique des soins aux délinquants sexuels. Cette fonction suscite un manque d'adhésion chez les psychiatres en raison principalement du faible nombre de praticiens spécialisés en délinquance sexuelle, de l'opposition de certains psychiatres à cette mesure perçue comme relevant du strict contrôle social et plus généralement, de la pénurie de médecins experts auprès des tribunaux. Le second obstacle réside dans le fait que les médecins coordonnateurs ne peuvent suivre qu'un nombre restreint de personnes condamnées à la peine de suivi sociojudiciaire (15). Par ailleurs, pour des raisons de déontologie professionnelle, ils ne doivent pas avoir procédé à des expertises au cours de la procédure sur le condamné dont ils vont être le médecin coordonnateur. Dans ces conditions, le suivi sociojudiciaire demande l'intervention d'au moins trois médecins : l'expert requis au cours de la procédure, le médecin coordonnateur et le médecin traitant. Dans un contexte déjà signalé de pénurie de médecins experts auprès des tribunaux, cette obligation éthique nuit au développement de la peine. Enfin, la mesure de suivi sociojudiciaire souffre plus simplement d'une absence de connaissance et de sensibilisation de l'ensemble des professionnels de la justice et de la santé au fonctionnement de cette mesure. Considérée comme complexe dans son dispositif et comme délicate à mettre en oeuvre, la peine de suivi sociojudiciaire est moins prononcée que le sursis avec mise à l'épreuve qui n'offre pourtant pas les mêmes garanties de contrôle du condamné. Afin de remédier à ces difficultés persistantes et d'apporter une nouvelle dynamique au prononcé de cette peine, le ministère de la justice et le ministère de la santé ont conjointement décidé de la mise en place d'un groupe de travail composé principalement de magistrats, de personnels pénitentiaires, de psychiatres et de psychologues. Entre autres solutions, un guide méthodologique portant sur le fonctionnement du suivi sociojudiciaire et sur le rôle et les interactions entre les acteurs professionnels de ce suivi (juge, conseiller d'insertion, médecin coordonnateur, médecin traitant) devrait ainsi voir le jour avant la fin de l'année 2005. Parallèlement, la proposition de loi relative au traitement de la récidive des infractions pénales actuellement débattue au Parlement devrait permettre aux psychologues d'être médecins traitants dans le cadre de l'injonction de soins et ainsi de pallier le manque de psychiatres dans ce domaine. Enfin, cette proposition de loi devrait donner un nouveau souffle à cette peine en élargissant son champ d'application jusque là limité aux infractions à caractère sexuel, aux auteurs de meurtre, assassinat, enlèvement et séquestration, tortures et actes de barbarie.
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