Mme Anne-Marie Payet appelle l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie sur l'instauration d'une taxe exceptionnelle au bénéfice des consommateurs sur les profits extraordinaires réalisés par les compagnies pétrolières françaises.
La hausse du cours du baril affecte fortement le pouvoir d'achat des ménages alors qu'elle permet la multiplication des profits des compagnies pétrolières. En 2005, la flambée du cours du pétrole a engendré, selon l'INSEE, un surcoût par ménage de 200 euros alors que TOTAL, ayant indexé ses marges amont et aval sur le cours du baril, a réalisé des profits extraordinaires de 12 milliards.
Force est de constater que l'accord conclu au mois d'octobre 2005 avec les compagnies pétrolières, n'a pas permis de remédier à cette criante iniquité. En effet, les prix de l'essence ont augmenté de 24 % entre mars 2004 et mars 2006 et la tendance du mois d'avril reste très inflationniste (les relevés partiels de la DGCCRF font état d'une augmentation de 1 à 2 centimes d'euros au litre, soit 0,7 % à 1,5 % d'augmentation sur ce seul mois). De son coté, le groupe TOTAL annonce des surprofits toujours aussi vertigineux pour le premier trimestre 2006 (3 683 milliards d'euros contre 3 208 milliards à la même période l'année dernière). A ce rythme, TOTAL devrait passer la barre des 15 milliards d'euros de profits en 2006.
Il convient en effet de relever que la croissance exponentielle des profits pétroliers ne répond pas à une quelconque stratégie économique mais repose sur un effet d'aubaine lié à l'absence de concurrence au niveau de l'amont. Une action corrective tendant à ce qu'une partie des profits extraordinaires des compagnies pétrolières soit redistribuée dans l'intérêt général des consommateurs paraît donc plus que jamais opportune. La multiplication des exemples étrangers nous y invite. Après la Grande Bretagne qui a doublé la taxation des profits pétroliers de la Mer du Nord, les Etats-Unis s'apprêtent, à l'invitation appuyée de leur Président, à adopter des mesures correctrices au bénéfice du consommateur.
L'UFC-Que Choisir propose l'instauration d'une taxe exceptionnelle de 40% sur les bénéfices des compagnies pétrolières françaises, et notamment du principal groupe pétrolier, afin d'investir dans le développement des transports en commun et d'offrir aux usagers une réduction tarifaire temporaire. S'appliquant à l'ensemble des compagnies pétrolières, ce dispositif respecte l'égalité devant les charges publiques et préserve la santé financière de chaque compagnie.
En effet, il importe de souligner que cette taxe exceptionnelle, bien qu'engageant des montants très importants -plusieurs milliards d'euros- n'a aucune incidence sur la santé financière des groupes pétroliers, le reliquat étant largement supérieur aux bénéfices des années précédentes et couvrant largement les besoins d'investissements du groupe. L'application du prélèvement aux bénéfices 2005 de TOTAL permettrait ainsi de dégager 5 milliards et lui laisserait un niveau exceptionnel de 7 milliards d'euros de bénéfice. Mécanisme simple et efficace, cette taxe exceptionnelle inciterait en outre les groupes pétroliers à réviser leur politique tarifaire en calculant leurs profits sur des bases rationnelles et objectives, telles que la productivité et le niveau des investissements.
Elle lui demande en conséquence de bien vouloir lui indiquer les mesures que le gouvernement compte prendre s'agissant de cette action corrective que tant de consommateurs attendent.
Si le Gouvernement est très attentif aux difficultés que pose la montée des prix de l'énergie à nos concitoyens, l'instauration d'une taxe exceptionnelle des compagnies pétrolières n'est pas prévue aujourd'hui. Elle serait contraire à la volonté du Gouvernement de poursuivre une politique de baisse générale des prélèvements pesant sur les bénéfices des entreprises afin de favoriser leur compétitivité. Toutefois, le Gouvernement s'emploie à répondre aux préoccupations de nos concitoyens concernant cette forte hausse des prix du pétrole, et sollicite les acteurs industriels concernés pour remplir ces objectifs. Témoignent ainsi de cette volonté la mise en oeuvre de la loi d'orientation sur l'énergie votée le 13 juillet 2005, l'adoption de mesures conjoncturelles de soutien aux professions les plus exposées, agriculteurs et transporteurs routiers notamment, et la compensation de certains effets de la hausse du prix du pétrole sur le pouvoir d'achat des particuliers, avec la prime à la cuve. Par ailleurs, le Gouvernement a obtenu de la part des producteurs et distributeurs de carburants d'importants engagements à la suite de la table ronde du 16 septembre 2005 et notamment un programme d'investissements en France de 3,5 MdEUR dans des capacités de raffinage. Ces engagements permettront également de préparer l'avenir en augmentant et en accélérant le rythme des investissements des acteurs du secteur pétrolier en faveur de nouvelles technologies, de la production d'énergies renouvelables et des économies d'énergies (600 MEUR d'investissements supplémentaires en Recherche & Développement). Le Premier ministre a annoncé plusieurs mesures au cours de son intervention du 15 mai 2006. En premier lieu, la volonté de diminuer la facture pétrolière nationale a été réaffirmée, notamment en poursuivant le développement des autres filières énergétiques comme le nucléaire pour produire de l'électricité. Le second axe est de partager équitablement le fardeau pétrolier qui pèse sur l'ensemble de nos concitoyens. A cet effet, les investissements dans le domaine de l'énergie vont être relancés afin de préparer l'avenir. En ce qui concerne les ménages français, le Gouvernement vient d'annoncer une série de mesures qui leur est favorable, comme par exemple le renforcement des incitations pour l'achat de véhicules propres ou encore pour la construction d'équipements peu gourmands en énergie. C'est également dans ce cadre que le Premier ministre souhaite que les Français qui le désirent puissent rouler avec un carburant à haute teneur d'éthanol en lieu et place de l'essence, pour les prochaines années. Enfin, le Gouvernement va rester attentif à l'évolution des prix des énergies pour les consommateurs afin que ces derniers ne soient pas trop fortement touchés par la hausse des prix des énergies. A cet effet, une commission, composée notamment de parlementaires, avait été nommée au mois de septembre 2005 afin d'examiner s'il existait d'éventuels surplus de fiscalité pétrolière perçus par l'Etat en raison de la hausse des prix constatée. Le rapport définitif communiqué par cette commission constate que l'évolution des prix des produits pétroliers a entraîné pour l'année 2005 une baisse des taxes pétrolières à hauteur de 212 MEUR. Cette commission a été réactivée pour l'année 2006 et le Premier ministre a annoncé récemment que les recettes liées à la fiscalité pétrolière feraient l'objet d'une évaluation chaque fois que le baril de pétrole brut est au-dessus de 60 dollars. Si ce niveau de prix devait engendrer un surplus de recettes fiscales, l'Etat rétrocéderait dès cette année ce dernier aux Français. Ces orientations tiennent compte du fait que le niveau de prix que nous connaissons actuellement est appelé à rester durablement élevé et impose donc, en premier lieu, de modifier les comportements de chacun. A ce titre, différents opérateurs pétroliers s'engagent dans un effort de transparence à l'égard des consommateurs. C'est ainsi qu'un dispositif va prochainement être mis en place afin que chaque distributeur de carburant rende publics ses prix, ce qui permettra aux consommateurs de faire jouer la concurrence, et par là-même de profiter des meilleurs prix. Ce travail, en vue de réduire la facture énergétique, doit également s'accompagner d'actions de communication à l'attention du grand public. C'est pourquoi un décret sera publié prochainement destiné à définir les termes d'une mention obligatoire que tous les fournisseurs devront apposer sur leurs publicités. Enfin, les opérateurs pétroliers seront associés à cette initiative et devront prendre des mesures pour sensibiliser les consommateurs aux économies d'énergie qu'ils seront à même de réaliser. En plus des incitations fortes aux changements de comportement, il importe, en second lieu, de préparer dès aujourd'hui l'ère de l'après-pétrole. Le Gouvernement entend pour cela développer les énergies dont le potentiel n'est pas encore totalement exploité. C'est tout d'abord le cas de l'énergie hydroélectrique, dont un rapport souligne que la France dispose d'une réserve de 40 % environ de son potentiel hydroélectrique. Mais c'est surtout dans le domaine des biocarburants que les possibilités semblent les plus prometteuses. Au-delà de l'objectif d'incorporation de 10 % à l'horizon 2015, soit au-delà de ce qu'exige l'Union européenne, il est souhaitable que les Français bénéficient, dans les prochaines années, de la possibilité de consommer un carburant d'origine non pétrolière. C'est ainsi qu'un groupe de travail « Flex fuel 2010 » a été installé le 7 juin 2006, présidé par M. Alain Prost et réunissant l'ensemble des acteurs concernés par le sujet, opérateurs et distributeurs pétroliers, constructeurs automobiles, monde agricole, associations de consommateurs ainsi que les administrations concernées. Ce groupe de travail a remis le 5 septembre 2006 un rapport préconisant le développement du superéthanol en France. Il a ainsi été demandé aux constructeurs automobiles et aux distributeurs de carburants de tout mettre en oeuvre pour donner le plus rapidement possible au consommateur la possibilité d'utiliser ce nouveau carburant. Parallèlement, des mesures nécessaires vont être prises concernant la mise à la consommation de ce produit. Enfin, l'action du Gouvernement sur les opérateurs pétroliers a permis de faire baisser les prix depuis le début du mois d'août 2006. En effet, les cours internationaux de pétrole brut ayant reculé, les prix à la consommation ont répercuté cette baisse pour le bénéfice du consommateur. Le prix moyen de l'essence a ainsi baissé de près de 18 cEUR/l, celui du gazole de 9 cEUR/l et celui du fioul domestique de 8 cEUR/l. La vigilance du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie reste entière sur ce sujet clé et cette démarche de concertation et de réflexion commune paraît préférable dans la situation actuelle à la mise en place d'une taxation sectorielle et exceptionnelle.
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