M. Dominique Mortemousque. Monsieur le ministre de l'agriculture et de la pêche, depuis plusieurs semaines, la hausse du prix des matières premières s'amplifie, provoquant celle du prix des produits alimentaires.
Selon la FAO, l'organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture, les prix de ces produits ont augmenté de près de 40 % en 2007 à l'échelle mondiale.
Les « émeutes de la faim » se multiplient à travers la planète : au Sénégal, au Burkina Faso ou encore au Cameroun. Nous ne pouvons pas fermer les yeux sur la situation dramatique de ces populations, en Afrique ou en Asie.
(Marques d'approbation sur les travées de l'UMP.)
Ces émeutes de la faim me conduisent à vous interroger sur la sécurité alimentaire en Europe et à travers le monde. La population mondiale augmente : nous devons nous préparer à être 9 milliards d'humains en 2050. Monsieur le ministre, que pouvons-nous faire pour répondre à ce nouveau besoin alimentaire ?
L'une des réponses consisterait à augmenter la productivité des agricultures, d'autant que la surface agricole diminue constamment.
M. François Autain. Les OGM !
M. Dominique Mortemousque. Comment faire et quels sont les leviers dont vous disposez dans le cadre des négociations que vous menez avec nos partenaires européens ?
Enfin, monsieur le ministre, quelle est la position du Gouvernement quant à la libéralisation des échanges agricoles ?
(Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et sur certaines travées de l'UC-UDF.)
M. Michel Barnier, ministre de l'agriculture et de la pêche. Monsieur Mortemousque, nous sommes tous touchés par la détresse qui s'est exprimée à Yaoundé, à Haïti et dans d'autres endroits du monde.
On voit bien les tragédies que peut provoquer la faim. Le manque d'eau est également un véritable fléau, susceptible d'entraîner des guerres dans les temps à venir.
M. Charles Revet. Tout à fait !
M. Michel Barnier, ministre. Il importe donc que nous regardions les choses de très près.
En réalité, tout cela est dû, d'une part, à une certaine indifférence des organisations internationales à l'égard de l'agriculture, de la production agricole et des bailleurs de fonds, et, d'autre part - je n'hésite pas à le dire -, à un trop grand libéralisme (Marques d'approbation sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC), qui a encouragé toutes les spéculations locales et internationales.
Vous avez raison, monsieur Mortemousque, nous ne pouvons pas laisser l'alimentation des gens aux seules lois du marché et à la spéculation internationale.
(Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. René-Pierre Signé. Vive le socialisme !
M. Paul Raoult. C'est un bolchevik !
(Sourires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Un dangereux révolutionnaire !
M. Robert Hue. Attention aux gros mots !
(Même mouvement sur les mêmes travées.)
M. René-Pierre Signé. Il va prendre sa carte !
M. Michel Barnier, ministre. Voilà pourquoi il est urgent, à mon sens, d'imaginer d'autres solutions. Je travaille d'ailleurs actuellement avec Bernard Kouchner à ce que j'appellerais une initiative européenne de sécurité alimentaire. Pas plus tard que lundi prochain, j'évoquerai cette idée devant les ministres européens de l'agriculture et de la pêche qui seront réunis à Luxembourg.
Notre initiative est construite autour de cinq objectifs principaux.
Premièrement, il faut produire plus et mieux, et consacrer la priorité de la production agricole à l'alimentation.
Deuxièmement, il convient d'abonder le Fonds alimentaire mondial, auquel il manque d'urgence 500 à 600 millions d'euros.
Troisièmement, il importe d'aider les pays touchés à se construire une autonomie agricole.
M. Charles Revet. Tout à fait ! C'est le plus important !
M. Michel Barnier, ministre. Nous pouvons leur apporter notre expertise dans ce domaine pour les aider à disposer d'une production autonome qui leur fait aujourd'hui cruellement défaut.
M. Charles Revet. Très bien !
M. Paul Raoult. Et les biocarburants ?
M. Michel Barnier, ministre. Quatrièmement, il s'agit de réorienter nos programmes d'aide au développement vers l'agriculture. Cette dernière a été délaissée aussi bien par le Fonds européen de développement, ce qu'a reconnu le commissaire européen au développement et à l'aide humanitaire lui-même, M. Louis Michel, que par notre propre coopération bilatérale. Pour la France, en effet, l'agriculture n'est devenue que la cinquième ou sixième priorité dans le domaine de l'aide au développement.
M. Jean-Marc Pastor. Avec quelle enveloppe budgétaire ?
M. Paul Raoult. Vous diminuez les aides publiques !
M. Michel Barnier, ministre. Enfin, cinquièmement, il est urgent de donner la priorité à l'alimentation. C'est un objectif très précis.
Du reste, ce qui vaut pour les pays les plus pauvres vaut aussi pour nous, car il nous faut préserver notre capacité de production.
Monsieur Mortemousque, dans le cadre de l'OMC, nous n'accepterons pas un mauvais accord, où l'agriculture et l'alimentation serviraient de variable d'ajustement. Nous préférons ne conclure aucun accord plutôt qu'un mauvais accord, car, nous le savons, les pays les plus pauvres qui souffrent de la faim en seraient les premières victimes.
(Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Paul Raoult. Supprimons les biocarburants !
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