La parole est à M. Daniel Soulage, pour le groupe de l'Union centriste.
M. Daniel Soulage. Je représente dans cette enceinte le Lot-et-Garonne, département de polyculture et d'élevage du Sud-Ouest, qui compte 5 000 agriculteurs et 15 000 salariés agricoles. Le chiffre d'affaires de la filière des fruits et légumes correspond à 44 % du chiffre d'affaires total de la ferme agricole départementale. C'est dire l'importance de ce secteur pour notre économie !
La semaine dernière, au cours d'une réunion de crise relative à cette filière, les responsables de mon département ont souhaité que je vous transmette leurs demandes, monsieur le ministre. Je me fais donc leur interprète, à travers quatre questions courtes.
En ce qui concerne les prix, pourquoi, en période de crise grave, ne pas utiliser le coefficient multiplicateur ? Cette mesure a été votée par le Parlement, le Gouvernement a publié les décrets d'application, mais l'efficacité de cette disposition n'a jamais été testée.
S'agissant des mesures sociales, les exonérations de charges patronales mises en place ne concernent que le personnel occasionnel ; il paraît indispensable que le Gouvernement prenne également en compte le personnel permanent.
Concernant encore les mesures sociales, serait-il possible, monsieur le ministre, de créer la TVA sociale pour le secteur des fruits et légumes, ce qui aurait pour conséquence de baisser durablement le coût de main-d'œuvre ? Cela semble possible, compte tenu du niveau de la TVA sur les produits agricoles.
Par ailleurs, la situation financière des producteurs étant catastrophique, les agriculteurs ne pouvant faire face à leurs engagements financiers, vous devriez, monsieur le ministre, prendre des mesures afin de tenir compte des intérêts des emprunts et de reporter en fin de tableau la charge en capital de ces emprunts. Pouvez-vous répondre positivement à cette demande ?
M. le président. Plus que trente secondes !
M. Daniel Soulage. Pour ce qui est de la règle actuelle de minimis, le montant maximal de l'aide de l'État, fixé à 7 500 euros, doit pouvoir être dépassé en période de crise.
Certains trouveront que les producteurs sont exigeants, que ces mesures sont financièrement trop lourdes. Mais la situation est grave et ce n'est qu'à ce prix que l'on conservera un secteur « fruits et légumes » de qualité.
Si nous sommes contraints d'acheter notre nourriture à l'extérieur de la ferme France, nous perdrons nos marchés, nos emplois, et nous appauvrirons nos territoires. Il deviendra inutile de parler de sécurité sanitaire ou alimentaire.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP.)
M. Bruno Le Maire, ministre. Monsieur Soulage, permettez-moi d'insister : la crise agricole concerne non pas uniquement la filière du lait, mais toutes les filières agricoles.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Bien sûr !
M. Bruno Le Maire, ministre. Je l'ai dit tout à l'heure à l'Assemblée nationale : c'est la France agricole tout entière qui souffre aujourd'hui.
En ce qui concerne la filière des fruits et légumes, nous souhaitons – je l'ai déjà affirmé cet été – apporter des réponses les plus concrètes possibles pour la soutenir et pour lui permettre de passer un cap difficile et, surtout, de trouver un nouvel élan.
Je suis néanmoins attentif à ne pas créer d'illusions ou de déceptions sur des mesures qui me paraissent hasardeuses ou difficiles à mettre en œuvre.
S'agissant du coefficient multiplicateur, nous pouvons bien sûr l'expérimenter – je suis ouvert à toute expérimentation. J'attire cependant votre attention, mesdames, messieurs les sénateurs, sur le risque d'une importation massive de produits étrangers que la mise en place d'un tel coefficient ferait courir. Nous nous demandons déjà si la présence d'un grand nombre de produits d'importation sur nos étals est vraiment légitime. Je pense plus particulièrement aux pommes du Chili, alors que la production française permet largement de répondre à la demande des consommateurs. Veillons à ne pas favoriser les importations de produits étrangers.
Pour ce qui est de la TVA sociale, prenons garde à ne pas créer de faux espoirs ou des illusions. Cette taxe comporte deux risques. D'une part, elle risque d'être incompatible avec les règles communautaires. D'autre part, on peut craindre qu'elle ne grève le pouvoir d'achat des Français…
M. le président. Plus que vingt-cinq secondes !
M. Bruno Le Maire, ministre. … et un prix trop élevé des fruits et légumes pourrait détourner nos concitoyens de ces produits, alors qu'il est déjà difficile de les inciter à en consommer.
En revanche, sur la question de l'allégement des charges pour les personnels temporaires, les saisonniers du secteur des fruits et légumes, nous sommes prêts à avancer le plus loin possible. Le Président de la République aura l'occasion de s'exprimer sur ce sujet prochainement.
(Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Daniel Soulage, pour la réplique.
M. Daniel Soulage. Monsieur le ministre, je vous remercie de vos réponses et de votre engagement au service de l'agriculture française et de nos agriculteurs.
Cependant, les producteurs de fruits et légumes, comme ceux de la filière laitière ou d'autres filières dont on a moins parlé, sont confrontés à un grave problème de revenu et de trésorerie à très court terme. Les agriculteurs ont besoin d'une intervention rapide et concrète de la collectivité nationale. Monsieur le ministre, nous comptons sur vous et sur le Gouvernement. Il y va de la survie de très nombreuses exploitations de notre pays.
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