M. Jean-Claude Carle. Ma question s'adresse à Mme la ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi.
La crise du lait, née d'une baisse soudaine et très brutale des prix, défraye la chronique depuis quelques semaines. De premières réponses ont été apportées, dont M. le ministre de l'agriculture nous a fait part ici même, mais le mouvement perdure, avec aujourd'hui des tentatives de blocage des plates-formes logistiques des grandes surfaces.
On peut, il est vrai, regretter que les difficultés connues en amont de la filière ne semblent pas prises en compte en aval. On peut aussi regretter que le remplacement de la loi Raffarin, votée en 1996, par la loi de modernisation de l'économie, la loi LME,…
M. Didier Boulaud. La loi Michel-Édouard Leclerc !
M. Jean-Claude Carle. … en 2008, ait donné le sentiment d'un possible laxisme à l'égard des grandes surfaces.
L'opacité des marges des distributeurs fait désormais débat, dans une grande confusion. La stigmatisation peut aller bon train, ce qui n'est souhaitable pour personne.
D'un côté, nous avons des producteurs qui ont du mal à vivre de leur travail en raison de la faiblesse des prix auxquels on achète leur lait ; de l'autre, nous voyons des prix à la consommation qui ne baissent pas, industriels de l'alimentaire et distributeurs se renvoyant la balle.
Mme Lagarde a mis en place l'Observatoire des prix et des marges afin d'apporter les meilleures réponses à l'augmentation des prix alimentaires. Rapports et propositions se succèdent, on avance des solutions, mais les interrogations demeurent sur l'efficacité de tout cela.
Mes collègues sénateurs et moi-même avons constaté que la loi de modernisation de l'économie n'était pas appliquée de manière satisfaisante dans le secteur laitier, où les mécanismes de contournement semblent bien rodés.
Mme Nicole Bricq. Il n'y a pas que dans le secteur laitier !
M. Jean-Claude Carle. Ne serait-il pas temps de faire travailler autrement la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, la DGCCRF, ainsi que l'Observatoire des prix et des marges, afin de garantir une répartition équitable de la valeur ajoutée sur l'ensemble de la filière ?
M. François Marc. Qui a voté la loi LME ?
M. Jean-Claude Carle. Ne serait-il pas également temps de conforter la fonction de production de nos agriculteurs, afin qu'ils ne deviennent pas des cantonniers de l'espace rural, mais qu'ils puissent vivre de leur activité plutôt que de dépendre des subventions, ce qui passe bien sûr par la reconnaissance de la préférence communautaire ?
Que compte faire le Gouvernement dans les semaines à venir pour répondre aux attentes des consommateurs et des producteurs et éviter le risque d'une radicalisation ?
(Applaudissements sur les travées de l'UMP et sur certaines travées de l'Union centriste.)
M. Didier Boulaud. Une table ronde !
Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'État chargée du commerce extérieur. Monsieur le sénateur, je puis vous assurer que le Gouvernement consacre tous ses efforts à accroître la transparence dans le domaine que vous avez évoqué et à trouver un équilibre satisfaisant pour les acteurs de la filière, ainsi que pour les consommateurs.
Ainsi, depuis une semaine, la DGCCRF a entrepris une vaste enquête de relevé de prix dans l'ensemble de la filière des produits laitiers, de manière à connaître la répartition des marges au cours des différentes étapes. Les résultats de cette enquête seront examinés par l'Observatoire des prix et des marges en vue de renforcer la transparence pour les consommateurs et les acteurs de la filière.
À la demande de Christine Lagarde et de Luc Chatel, la DGCCRF a par ailleurs lancé, depuis le mois d'avril, un plan de contrôle des relations entre les distributeurs et les fournisseurs dans l'optique des nouvelles règles de transparence et des garde-fous prévus par la loi de modernisation de l'économie. Ce plan de contrôle couvre largement l'ensemble du secteur alimentaire : la viande, le lait, les produits alimentaires élaborés, les céréales, l'huile, le sucre, les boissons, l'alcool…
Cela permettra de porter une appréciation sur les conditions dans lesquelles s'est déroulée la négociation de 2009. Il va de soi, monsieur le sénateur, que des relations manifestement déséquilibrées ou l'existence de manœuvres de contournement donneraient lieu à saisine du juge, y compris en référé, afin que soit rétabli l'équilibre entre les parties.
M. François Marc. Il faut changer la loi LME !
Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'État. Des sanctions sont possibles en cas d'abus avérés. Nous sommes donc loin du laxisme évoqué par certains.
L'Observatoire des prix et des marges a maintenant trouvé ses marques. Il s'est d'ailleurs réuni hier, et les membres du comité de pilotage ont décidé de publier, d'ici à la fin juin, les conclusions des travaux menés ces derniers mois, concernant en particulier la formation des prix dans la filière porcine.
L'investissement en temps et la nécessité de trouver un consensus sur la méthode expliquent le retard dans la mise en place du dispositif dans toute son efficacité. Cependant, cette phase était indispensable pour permettre à l'Observatoire des prix et des marges de conduire ensuite son action plus rapidement et, surtout, de manière totalement crédible s'agissant des autres produits inscrits à son programme de travail.
Je vous confirme donc, monsieur le sénateur, que les pouvoirs publics sont fortement mobilisés sur ce dossier.
(Applaudissements sur les travées de l'UMP et sur certaines travées de l'Union centriste.)
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