M. Jean-Pierre Bel attire l'attention de M. le ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville sur l'accueil des mineurs étrangers isolés dans le cadre de l'aide sociale à l'enfance.
Actuellement, un mineur étranger isolé en situation irrégulière qui manifeste sa présence sur notre territoire est confié par ordonnance du procureur de la République au président du conseil général du lieu où il se déclare. Ainsi, l'ensemble de la prise en charge financière, sociale et familiale est réalisée par le département. Cette procédure, effectuée en application des dispositions du code de la famille et de l'aide sociale à l'enfance, engendre pour certains départements, et notamment celui dont il est l'élu, l'Ariège, de nombreuses difficultés.
Tout d'abord, les règles applicables aux mineurs étrangers isolés sont différentes du régime de droit commun de l'aide sociale à l'enfance. Lorsqu'un mineur, dont le domicile est situé en dehors du département, fait l'objet d'un placement dans une structure installée dans ce département, c'est le conseil général du lieu d'habitation qui s'acquitte financièrement des charges d'accueil. Pour les mineurs étrangers isolés, il en est différemment, et alors que la solidarité nationale, à travers la prise en charge par le budget de l'État, devrait s'exprimer, ce n'est pas le cas. La conséquence financière de cette situation est le poids important sur les budgets départementaux du placement de mineurs étrangers. Par exemple, elle représente en Ariège 12 % du budget total de l'aide sociale à l'enfance.
À cette charge financière vient s'ajouter le souci de l'organisation du service en lui-même. En effet, les structures d'accueil liées à l'aide sociale à l'enfance se trouvent saturées. Récemment, dans son département, deux ordonnances de placement ont été prises et n'ont pu être honorées que pour l'une des deux, faute de places disponibles. Cette prise en charge importante numériquement pose également la question du placement en urgence d'enfants de familles ariégeoises lorsqu'il n'existe plus de places disponibles ou aucune autre possibilité.
Il ne s'agit pas ici d'opposer les uns aux autres, de choisir untel plutôt qu'un autre, mais de répondre à une situation urgente qui peut provoquer des drames. La politique d'accueil et les actions à mettre en œuvre pour les mineurs étrangers isolés doivent rester de la seule compétence de l'État, surtout au moment où les départements vont se trouver dans l'incapacité de les financer suite aux projets de réforme en cours de discussion, notamment la réforme de la taxe professionnelle qui va priver les conseils généraux d'une partie de leurs ressources et de leur autonomie fiscale.
Fort de ce constat, il lui demande de lui dire s'il compte faire évoluer la loi afin que l'État exerce seul la compétence d'accueil des mineurs étrangers isolés, et répondre ainsi à une situation humaine dramatique.
M. Jean Besson. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais tout d'abord vous demander de bien vouloir excuser l'absence de Jean-Pierre Bel, qui préside actuellement une réunion de notre groupe et m'a donc demandé de le remplacer.
J'attitre votre attention, monsieur le ministre, sur la charge financière considérable supportée par les départements pour l'accueil des mineurs étrangers isolés dans le cadre de l'aide sociale à l'enfance, ou ASE.
Actuellement, un mineur étranger isolé en situation irrégulière qui manifeste sa présence sur notre territoire est confié par ordonnance du procureur de la République au président du conseil général du lieu où il se déclare. Ainsi, l'ensemble de la prise en charge financière, sociale et familiale est réalisé par le département.
Cette procédure, effectuée en application des dispositions du code de la famille et de l'aide sociale, engendre, pour certains départements – c'est le cas de l'Ariège, le département de M. Bel –, de nombreuses difficultés.
Tout d'abord, les règles applicables aux mineurs étrangers isolés sont différentes du régime de droit commun de l'aide sociale à l'enfance.
Lorsqu'un mineur, dont le domicile est situé en dehors du département, fait l'objet d'un placement dans une structure installée dans ce département, c'est le conseil général du lieu d'habitation qui s'acquitte financièrement des charges d'accueil. Pour les mineurs étrangers isolés, il en va différemment. Et, alors que la solidarité nationale, à travers la prise en charge par le budget de l'État, devrait s'exprimer, ce n'est pas le cas.
La conséquence financière de cette situation est le poids important sur les budgets départementaux du placement de mineurs étrangers. Cela représente ainsi, en Ariège, 12 % du budget total de l'aide sociale à l'enfance.
À cette charge financière vient s'ajouter le souci de l'organisation du service en lui-même. En effet, les structures d'accueil liées à l'aide sociale à l'enfance se trouvent saturées. Récemment, dans le département de l'Ariège, deux ordonnances de placement ont été prises, mais une seule a pu être honorée, faute de places disponibles.
Cette prise en charge importante numériquement pose également la question du placement en urgence de tous les enfants, qu'ils soient étrangers ou ressortissants du département, lorsqu'il n'existe plus de places disponibles ou aucune autre possibilité.
Naturellement, monsieur le ministre, je ne remets absolument pas en cause le principe d'accueil des mineurs étrangers et je n'oppose en aucune façon un jeune à un autre. Il s'agit simplement de savoir comment peut être traitée une situation urgente. L'État entend-il prendre ses responsabilités ?
La politique d'accueil et les actions à mettre en œuvre pour les mineurs étrangers isolés doivent relever de la seule compétence de l'État, surtout à un moment où les départements vont se trouver dans l'incapacité d'apporter les financements nécessaires, à la suite des projets de réforme en cours de discussion, notamment de la réforme de la taxe professionnelle qui privera les conseils généraux d'une partie de leurs ressources et de leur autonomie fiscale.
Fort de ce constat, monsieur le ministre, comptez-vous faire évoluer la loi afin que l'État exerce seul la compétence d'accueil des mineurs étrangers isolés, et réponde ainsi à une situation humaine dramatique ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Éric Besson, ministre. Monsieur le sénateur, j'espère ne pas vous porter préjudice auprès de votre groupe en vous disant que j'ai un plaisir personnel particulier à vous répondre.
(Sourires.)
Il s'agit là d'un sujet complexe et délicat, qui concerne un public particulièrement fragile, estimé entre 3 000 et 4 000 mineurs.
Cette question ne doit pas donner lieu à des querelles partisanes, comme en témoignent le sens et l'esprit de votre intervention. Elle appelle, dans le respect des compétences de chacun, une coopération étroite de l'ensemble des acteurs concernés.
J'ai rendu visite, dès février 2009, aux associations qui mettent en œuvre, à Paris, le dispositif de mise à l'abri des mineurs étrangers isolés, financé par l'État à hauteur de 2,7 millions d'euros.
J'ai mis en place, en mai dernier, un groupe de travail pluraliste sur les mineurs étrangers isolés, avec mission d'établir un diagnostic partagé et de présenter des propositions d'amélioration du dispositif de prise en charge. Il comprenait des représentants de l'Association des maires de France, l'AMF, et de l'Association des départements de France, l'ADF.
Son rapport m'a été remis le 16 novembre, et j'ai fait connaître mes premières propositions, telle la séparation absolue des mineurs et des majeurs dans les zones d'attente créées en 1992 par le gouvernement de Pierre Bérégovoy.
En ce qui concerne la prise en charge financière des mineurs étrangers isolés au titre de l'aide sociale à l'enfance, je veux rappeler, sans en négliger l'incidence sur les budgets des collectivités départementales, qu'un mineur étranger isolé est légalement considéré, d'abord, comme un mineur.
Il n'est pas envisageable, sans heurter nos principes républicains les mieux établis, d'opérer des distinctions selon l'origine des mineurs confiés à l'aide sociale à l'enfance.
Je veux également indiquer que la loi du 5 mars 2007 sur la protection de l'enfance a clairement rappelé la compétence des services d'aide sociale à l'enfance, et donc des départements.
L'État se montre déjà solidaire des collectivités départementales. Il finance, pour un montant annuel de 7 millions d'euros, des structures d'accueil et d'hébergement de mineurs étrangers isolés : dispositif parisien, lieu d'accueil et d'orientation de Taverny, centre d'accueil et d'orientation des mineurs isolés demandeurs d'asile de Boissy-Saint-Léger.
J'ai également décidé l'ouverture, en septembre dernier, à Vitry-sur-Orne, en Moselle, d'un centre de 50 places pour mettre à l'abri et prendre en charge les mineurs étrangers isolés, livrés jusque-là aux filières mafieuses de la « jungle » de Calais.
Mais vous avez raison de le souligner, la prise en charge des mineurs étrangers isolés n'est pas équitablement répartie entre les départements. Sans doute une meilleure utilisation, par les parquets et les juges des enfants, du pouvoir de placement dont ils disposent sur l'ensemble du territoire pourrait-elle faciliter une meilleure répartition géographique de cette prise en charge.
Je suis, de plus, prêt à rechercher, avec le président de l'Association des départements de France, une plus grande efficacité du dispositif.
En outre, je crois nécessaire, s'agissant d'une question européenne, de mobiliser des financements communautaires dans le cadre d'un fonds européen, qui serait à créer, de protection des mineurs étrangers isolés. J'ai demandé à la présidence espagnole de l'Union européenne, qui débutera le 1er janvier prochain, d'inscrire ce sujet à l'ordre du jour, et je crois savoir qu'elle est d'accord.
Je voudrais enfin rappeler que la France est exemplaire : notre pays est l'un des seuls en Europe à offrir une protection absolue aux mineurs étrangers présents sur son territoire, ces jeunes ne pouvant faire l'objet ni d'une mesure d'éloignement contraint ni d'une remise à un autre État membre de l'Union européenne.
M. le président. La parole est à M. Jean Besson.
M. Jean Besson. Monsieur le ministre, je vous remercie de vos réponses, qui vont dans le bon sens.
Mon collègue Jean-Pierre Bel est sénateur de l'Ariège, département transfrontalier où les problèmes quant aux mineurs étrangers isolés sont plus importants que dans le département de la Drôme, qui nous est cher à tous les deux, monsieur le ministre.
Mais le maire que vous êtes sait bien que les collectivités territoriales connaissent de nombreuses difficultés d'ordre financier. Et c'est en raison de ces dernières que mon collègue Jean-Pierre Bel vous a posé cette question.
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