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Jean-Pierre Bel
Question d'actualité au gouvernement N° 454 au Premier Ministre


Politique du Gouvernement après les régionales

Question soumise le 26 mars 2010

M. Jean-Pierre Bel. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.

Permettez-moi de faire un simple rappel : les élections régionales ont donné une très large victoire à la gauche – on peut considérer que celle-ci a remporté près de vingt-trois régions sur vingt-six ! –…

Un sénateur de l'UMP. Vous comptez le Languedoc-Roussillon ?

M. Jean-Pierre Bel. … tandis que les candidats de la majorité se sont vu infliger une sévère défaite.

Mais je recommanderai à chacun, compte tenu de l'état du pays, de garder le sens de la mesure : pas de triomphalisme hors de propos pour les uns, pas de politique de l'autruche, d'arrogance ou de mépris pour les autres.

Au-delà du vote sanction, qui apparaît comme une évidence, chacun doit essayer de comprendre ce que les Français ont voulu signifier. En tout cas, nous nous y sommes efforcés, et nous avons été nombreux, par-delà les clivages politiques, à les entendre dire qu'ils étaient victimes d'une injustice permanente dans leur vie quotidienne : injustice sociale, injustice territoriale, injustice générationnelle, injustice devant la contribution que chacun doit apporter à la nation...

« C'est pas juste ! », disent ceux qui ne parviennent plus à boucler leurs fins de mois et qui n'ont plus d'espoir de voir leur situation s'améliorer.

« C'est pas juste ! », disent les élus et les citoyens des territoires qui voient les entreprises disparaître de leur paysage et les services publics se réduire peu à peu comme peau de chagrin.

« C'est pas juste ! », disent les jeunes, comprenant qu'ils devront payer l'addition de la situation actuelle et assumer la charge de déficits historiques pour l'avenir.

« C'est pas juste ! », disent les contribuables, qui voient les cadeaux massifs faits aux plus riches et le fardeau toujours plus lourd qui pèse sur les classes moyennes et populaires.

M. Gérard Longuet. Les impôts socialistes !

M. Jean-Pierre Bel. Nous sommes donc en droit de vous demander, monsieur le Premier ministre, si vous avez entendu, après ces résultats, le message qui vous était adressé, notamment celui qui concerne la responsabilité de l'État républicain en matière d'équité, après que vous avez instauré le fameux bouclier fiscal exonérant fortement les plus nantis.

Cette mesure, je vous assure que les Français la ressentent comme le symbole même de l'injustice qui leur est faite, et non pas, ainsi que vous l'expliquez, comme un soutien à l'investissement... Ils y verraient plutôt un soutien aux privilégiés, sur le dos de ceux qui font les frais de la crise.

Monsieur le Premier Ministre, si vous avez vraiment entendu ce message, pouvez-vous répondre à cette seule et simple question : au moment où les Français sont confrontés à la crise, allez-vous revoir votre politique, allez-vous revoir le bouclier fiscal ?
(Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

Réponse émise le 26 mars 2010

M. François Fillon, Premier ministre. Vous me demandez, monsieur le sénateur, si nous allons tenir compte du résultat des élections régionales. Ma réponse est oui !

Les listes de la coalition de gauche ont remporté un grand succès lors des élections régionales.

M. Gérard Longuet. Sauf en Alsace !

M. François Fillon, Premier ministre. Vous allez présider vingt-deux ou vingt-trois régions sur les vingt-six que compte notre pays. C'est une très grande responsabilité, et je voudrais saluer, dans un esprit républicain, ceux et celles qui vont l'exercer.

Cette responsabilité est d'autant plus grande qu'elle s'exercera dans un contexte de sortie de crise qui exige une meilleure coordination entre les politiques locales et les politiques nationales. J'espère donc que nous pourrons conduire cette coordination dans un esprit républicain. Je l'espère d'autant plus que les régions ne sont pas des contre-pouvoirs, mais des éléments constitutifs de la nation et de l'État.
(Mme Catherine Procaccia et M. Nicolas About applaudissent.)

Mme Nicole Bricq. Et le Grand Paris ?

M. François Fillon, Premier ministre. Je prendrai dans les prochains jours des initiatives afin d'examiner, avec les présidents de conseil régional, le moyen de mieux assurer cette coopération entre l'État et les régions.

Cela étant dit, monsieur Bel, le vote de dimanche dernier n'a rien changé aux défis que notre pays doit relever, notamment celui de la compétitivité de l'économie française, qui n'est pas, nous devons le reconnaître, au niveau de celle de notre voisin allemand, pour ne prendre que cet exemple.

Il n'a rien changé au grave défi que, comme beaucoup d'autres pays européens, nous devons relever en matière d'endettement, et nous constatons chaque jour combien cette question est majeure pour l'avenir de notre pays et pour les générations futures.

Il n'a rien changé à la nécessité de protéger notre modèle social face à l'allongement de la durée de la vie.

Oui, monsieur Bel, nous allons amplifier nos efforts pour relever ces défis et protéger les Français.

M. Jean-Louis Carrère. Et le bouclier fiscal ?

M. François Fillon, Premier ministre. Mais vous, que proposez-vous, en dehors de votre rengaine sur le bouclier fiscal ?
(Rires sur les travées de l'UMP. – Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. David Assouline. C'est la rengaine des Français !

M. François Fillon, Premier ministre. Vous proposez soit de tout arrêter, ce qui aboutirait naturellement à la remise en cause de notre mode de vie, soit de mettre en œuvre un projet socialiste que je ne connais pas parce qu'il n'existe pas, en tout cas pas encore !
(Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)

J'ai bien entendu les critiques que vous formulez, ainsi que celles des Français. Mais au cours de cette campagne, monsieur Bel, je n'ai pas entendu les Français réclamer la fin de l'autonomie des universités, réclamer la fin du revenu de solidarité active ou encore la suppression de l'exonération des droits sur les petites et les moyennes successions !

M. Didier Boulaud. Continuez ! Surtout, ne changez rien !

M. Jean-Louis Carrère. Est-ce que vous allez revoir le bouclier fiscal ?

M. François Fillon, Premier ministre. Monsieur le président Bel, si votre question est : « Le Gouvernement va-t-il faire demi-tour ? », eh bien, ma réponse est non !
(Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP, ainsi que sur plusieurs travées de l'Union centriste.)

M. Jean-Louis Carrère. Vous l'avez déjà dit hier !

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