M. Jean-Pierre Bel. Ma question s'adressait à M. le Premier ministre. Comme il est absent, je la poserai à l'ensemble des membres du Gouvernement.
Plus de deux millions de Français sont descendus dans la rue mardi dernier,…
M. Guy Fischer. Deux millions et demi !
M. Jean-Pierre Bel. … et ils sont plus nombreux encore à avoir exprimé leur solidarité avec ce mouvement.
Ils ont, bien sûr, manifesté leur refus d'une réforme des retraites qu'ils considèrent comme injuste, parce qu'elle fait supporter l'essentiel de l'effort aux seuls salariés…
M. Guy Fischer. Les salariés la financeront à 85 % !
M. Jean-Pierre Bel. … et qu'elle épargne généreusement les grandes fortunes.
M. Roland Courteau. Exact !
M. Jean-Pierre Bel. Toutefois, le malaise est plus général encore. Il dépasse même cette question, pourtant essentielle.
Oui, on éprouve un malaise quand on a le sentiment de vivre dans une France où l'on est intransigeant et dur avec les faibles, conciliant et accommodant avec les forts.
Personne, ici, ne peut nier l'ampleur des problèmes et des difficultés auxquels la France et les Français sont confrontés : le chômage, qui frappe durement des pans entiers de la population, la précarité,…
M. Guy Fischer. Qui explose !
M. Jean-Pierre Bel. … qui touche dans leur vie quotidienne un nombre croissant de nos concitoyens.
M. Roland Courteau. C'est vrai !
M. Jean-Pierre Bel. Notre devoir, en tant qu'opposants responsables, est de montrer qu'une autre politique est possible et de présenter aux Français le projet d'alternance qu'ils attendent.
Je le dis avec beaucoup de gravité et en gardant le sens des responsabilités, sans lequel il n'y a pas d'engagement crédible : mesdames, messieurs les ministres, c'est vous et vos amis qui, depuis huit ans, êtes en charge de la France ; c'est vous qui préparez la société de demain, celle de nos enfants.
Le spectacle auquel nous assistons depuis le milieu du printemps n'a fait qu'aggraver la désespérance qui s'est exprimée mardi dernier. Les Français ne comprennent pas la confusion entre la vie publique et les tribulations des plus grandes fortunes de ce pays. Ils ne comprennent pas que, dans le même temps, on ait l'idée de supprimer les allocations de quelques familles modestes en difficulté, tout en manifestant beaucoup d'indulgence pour des patrons initiés, qui jouent de leurs stock-options en toute impunité.
M. Roland Courteau. En effet ! C'est scandaleux !
M. Guy Fischer. Et le bouclier fiscal !
M. Jean-Pierre Bel. Ils ne comprennent pas que l'on juge les gens non pas sur ce qu'ils font, mais plutôt sur ce qu'ils sont, comme ce fut le cas pour les Roms cet été. Ils ne comprennent pas qu'on laisse se creuser le fossé entre les régions riches et les régions pauvres.
Bref, les Français voient bien que ce sont toujours les mêmes qui doivent faire des sacrifices et que les valeurs qui nourrissent notre histoire sont souvent bafouées.
Je voulais dire à M. le Premier ministre, parce que je sais qu'il est un républicain, qu'il ne peut pas ne pas sentir les dangers que ces dérives, ces pratiques, cette politique font peser sur le pacte qui nous rassemble tous. Mesdames, messieurs les ministres, comment comptez-vous agir pour remettre le cap sur les valeurs de notre République ?
(Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Luc Chatel, ministre de l'éducation nationale, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le président du groupe socialiste, en cette période de rentrée, le Gouvernement est totalement concentré sur les difficultés des Français. Je pense évidemment à la situation économique, qui a connu pendant l'été une embellie.
(Exclamations amusées sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Mme Nicole Bricq. Formidable !
M. Luc Chatel, ministre. Mme Lagarde vient de rappeler que, après vingt et un mois difficiles, les chiffres du chômage s'étaient améliorés et que ceux de la croissance étaient encourageants pour cette année, malgré la crise.
Le Gouvernement est aussi concentré sur la problématique de la sécurité, autour de M. Hortefeux.
M. Guy Fischer. La honte !
M. Luc Chatel, ministre. Nous avons obtenu en la matière des résultats absolument sans précédent,…
M. David Assouline. Ce n'est que de l'esbroufe !
M. Luc Chatel, ministre. … puisque la délinquance a baissé de 17 % dans notre pays. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.) C'est le résultat d'une politique volontariste menée depuis maintenant plus de huit ans sous l'autorité de Nicolas Sarkozy.
Le Gouvernement est également concentré sur la baisse de nos déficits. Dans le cadre du prochain projet de loi de finances, il vous proposera un certain nombre d'économies sur les niches fiscales, que M. Baroin a eu l'occasion d'évoquer ce matin.
M. Guy Fischer. À peine !
M. Luc Chatel, ministre. Monsieur le président du groupe socialiste, le Gouvernement est enfin totalement mobilisé sur un sujet qui est absolument capital pour les Français et qui se trouve au cœur de notre pacte républicain : l'avenir de notre système de retraites.
M. Guy Fischer. Parlons-en !
M. Luc Chatel, ministre. Celui-ci est en danger, puisque, aujourd'hui, une pension sur dix est financée à crédit. Or nos concitoyens sont très attachés au système par répartition, qui, d'une part, garantit la solidarité entre les générations, et, d'autre part, permet d'assurer une retraite méritée à l'ensemble de nos concitoyens, après une vie de travail et d'efforts.
Comment sauvegarder ce système ?
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C'est toute la question !
M. Guy Fischer. Pas par votre réforme !
M. Luc Chatel, ministre. Il n'y a pas cinquante solutions !
M. David Assouline. Il faut faire payer les pauvres !
(Sourires sur les travées du groupe socialiste.)
M. Luc Chatel, ministre. Soit on réduit le niveau des pensions : ce serait insupportable ; soit on augmente le niveau des cotisations : ce serait inacceptable.
M. Roland Courteau. C'est du racket !
M. Luc Chatel, ministre. Nous avons choisi la voie du bon sens, celle qu'ont d'ailleurs suivie tous les grands pays développés voisins et qui consiste à financer par le travail les années de vie supplémentaires.
(Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Roland Courteau. Quelle rengaine !
M. Luc Chatel, ministre. Nos compatriotes ont gagné quinze années de vie, qui seront financées par deux années de travail supplémentaires.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Non !
M. Luc Chatel, ministre. Le Président de la République veille tout particulièrement à ce que cette réforme soit juste et équitable.
M. Guy Fischer. Elle est injuste ! Les fonctionnaires devront verser 34 milliards d'euros !
M. Luc Chatel, ministre. Il a fait des propositions hier pour les carrières longues.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il n'a rien proposé du tout !
M. Luc Chatel, ministre. Il a fait des propositions hier sur la pénibilité.
M. David Assouline. Elles ne sont pas à la hauteur !
M. Luc Chatel, ministre. La réforme que nous proposons garantit l'équité entre les systèmes.
M. le président. Veuillez conclure, monsieur le ministre.
M. Luc Chatel, ministre. Nous mettons donc chaque parlementaire face à ses responsabilités. Monsieur le président du groupe socialiste, j'observe que votre famille politique n'a jamais beaucoup agi sur ce sujet.
(Protestations sur les travées du groupe socialiste. – Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Jacques Mahéas. C'est tout de même nous qui avons lancé la réflexion sur les retraites !
M. Luc Chatel, ministre. Dans l'expression « responsable politique », monsieur Bel, il y a le mot « responsable » : j'invite le parti socialiste à y réfléchir !
(Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Roland Courteau. Zéro pointé !
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