M. Jean-Claude Carle souhaite appeler l'attention de M. le secrétaire d'État chargé du logement et de l'urbanisme sur la nécessité de réformer l'article 55 de la loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains, dite loi SRU.
Dans nombre de départements, l'application de cet article pose de réelles difficultés. Par exemple en Haute-Savoie. Le prix du foncier y est nettement plus élevé que la moyenne. Avec les dépenses induites par ces constructions et l'accueil des populations (aménagements, équipements et services publics), le coût de la construction de logements sociaux devient prohibitif. Lorsqu'ils le comparent au montant de la pénalité prévue pour déficit de logements sociaux, beaucoup de maires restent perplexes et s'interrogent sur la volonté réelle de l'État de voir augmenter le parc social.
À cela s'ajoute la nécessité de préserver le foncier agricole. En effet, l'agriculture occupe une place majeure dans notre économie. Or, notre département connaît depuis vingt ans une croissance de population conséquente. C'est un département touristique, qui doit donc offrir des capacités d'accueil et préserver ses espaces naturels. Et c'est un territoire contraint par les reliefs. Tous ces facteurs surenchérissent le prix du m² constructible.
Enfin, l'actuelle crise économique est venue aggraver la difficulté des collectivités à lancer des programmes. Aujourd'hui, de nombreuses communes se voient pénalisées, parce qu'elles ne parviennent pas à atteindre l'objectif fixé par la loi, alors qu'elles souhaiteraient y parvenir et font des efforts en ce sens. Ce que les maires ressentent comme une injustice.
Pourtant, quelques mesures pourraient éviter cette injustice. D'abord conserver définitivement dans le décompte des logements sociaux ceux qui en ont été exclus du fait de leur acquisition par des ménages ayant bénéficié du PSLA. Ils sont issus du parc locatif social et les conditions de ressources des acquéreurs restent les mêmes après l'achat.
D'autre part, inclure les constructions de logements en accession à la propriété très aidés dans le décompte des 20 %. Car, d'une part, elles bénéficient du processus d'aide à la mobilisation foncière, d'autre part elles s'adressent à des populations modestes, et enfin les acquéreurs libèrent autant de logements sociaux.
Enfin, inclure dans ce quota les emplacements destinés à l'accueil des gens du voyage.
Il lui demande si au regard de l'ensemble de ces éléments, le Gouvernement est disposé à faire évoluer l'article 55 de la loi du 13 décembre 2000.
M. Jean-Claude Carle. Madame la secrétaire d'État, je souhaite attirer votre attention sur la nécessité de réformer l'article 55 de la loi du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains, dite « loi SRU », et notamment d'élargir la nomenclature des logements dits « sociaux ».
Dans de nombreux départements, l'application des dispositions de l'article 55 de la loi SRU pose de réelles difficultés. Je prendrai l'exemple d'un département que je connais bien puisque c'est le mien, celui de la Haute-Savoie.
Le prix du foncier, nettement au-dessus de la moyenne, y rend le coût de la construction de logements sociaux très onéreux pour la plupart des communes. Si l'on inclut toutes les dépenses induites par ces constructions et par l'accueil des populations occupant ces logements, en particulier les aménagements, équipements et services publics, ce coût devient littéralement prohibitif.
Lorsqu'ils comparent ce coût au montant de la pénalité prévue pour déficit de logements sociaux, beaucoup de maires restent perplexes. Certains en effet n'ont pas hésité à m'interroger sur la volonté réelle de l'État de voir augmenter le parc de logements sociaux.
À cela s'ajoute en Haute-Savoie la nécessité de ne pas « consommer » outre mesure le foncier, et de préserver le maximum de terres à vocation agricole. En effet, l'agriculture occupe une place majeure dans notre économie, et se caractérise par l'excellence des productions. Or, notre département connaît chaque année, depuis vingt ans, une croissance de population conséquente, de plus de 8 000 habitants par an. C'est en outre un département touristique, qui doit donc disposer de capacités d'accueil, et préserver ses espaces naturels. Enfin, il s'agit d'un département au territoire contraint par son relief. Tous ces facteurs ne peuvent que concourir à une surenchère du prix du mètre carré constructible.
Je terminerai ce tableau en parlant de la crise économique que connaît notre pays depuis bientôt deux ans. Elle a encore aggravé la difficulté que rencontrent les collectivités à mettre en chantier des programmes de logements sociaux.
De fait, aujourd'hui, de nombreuses communes se voient pénalisées par le prélèvement proportionnel prévu par la procédure du constat de carence, tout simplement parce qu'elles ne parviennent pas à atteindre l'objectif fixé par la loi. Elles souhaiteraient pourtant y parvenir, et font des efforts en ce sens. Les maires ressentent cela comme une injustice, et, pour ma part, je partage leur sentiment.
Pourtant, quelques mesures pourraient permettre de ne pas pénaliser injustement ces communes.
La première consisterait à réintroduire dans le décompte des logements sociaux ceux qui en ont été exclus du fait de leur acquisition par des ménages ayant bénéficié du prêt social de location accession, le PSLA. Ces logements, qui sont issus du parc locatif social, doivent en effet, à mon sens, continuer à être considérés comme des logements sociaux, car les conditions de ressources des acquéreurs restent les mêmes après l'achat, et ne dépassent pas les plafonds établis. Or, aujourd'hui, ces logements ne sont comptabilisés dans les 20 % prévus par la loi que durant cinq ans, ce qui fait bien évidemment baisser le quota atteint par les communes. Il conviendrait qu'ils soient pris en compte définitivement.
Par ailleurs, les constructions de logements en accession à la propriété très aidés devraient également être prises en considération dans le décompte des 20 %. Car, d'abord, elles bénéficient du processus d'aide à la mobilisation foncière, ensuite elles s'adressent à des populations modestes et, enfin, les acquéreurs libèrent autant de logements sociaux.
L'article 55 de la loi SRU ne serait certainement pas mis en péril par la souplesse ainsi amenée par ces mesures.
Enfin, de nombreux élus estiment qu'il serait opportun d'inclure dans le quota de 20 % les emplacements destinés à l'accueil des gens du voyage, eu égard à la situation de la majeure partie d'entre eux, très souvent bénéficiaires des prestations sociales.
Au regard de l'ensemble de ces éléments, le Gouvernement est-il disposé, madame la secrétaire d'État, à faire évoluer l'article 55 de la loi du 13 décembre 2000 ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Valérie Létard, secrétaire d'État en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat. Monsieur le sénateur, vous m'interrogez sur les difficultés d'application de l'article 55 de la loi SRU, en particulier dans votre département de la Haute-Savoie.
Vous évoquez, notamment, le prix du foncier, la nécessité de préserver le foncier agricole, les contraintes imposées par le relief, tant de facteurs liés aux spécificités de votre territoire, qui surenchérissent le prix du mètre carré constructible. Il est exact que de tels phénomènes peuvent représenter un frein à la construction de logements.
Cependant, je note que votre département est parvenu à surmonter, au moins en partie, ces obstacles. Vous avez en effet pu maintenir, sur la période 2006-2009, un rythme satisfaisant de construction de logements. Pendant ces quatre années, plus de 38 000 logements ont fait l'objet d'un permis de construire en Haute-Savoie, dont environ 15 % de logements locatifs sociaux neufs, puisqu'un peu moins de 6 000 logements ont été financés au cours de cette période.
Vous déplorez que ne soient pas décomptés comme logements sociaux les logements vendus à leurs occupants via le dispositif dit de prêt social location accession, le PSLA, et vous proposez que soient décomptés également les logements en accession sociale à la propriété. Le législateur n'a en effet retenu que les logements locatifs sociaux, à partir du constat que la très grande majorité des ménages, dont les revenus sont modestes ou faibles, ne peut avoir accès qu'au parc des bailleurs sociaux.
Par ailleurs, vous proposez que soient inclus, dans ce décompte des logements sociaux, les emplacements destinés à l'accueil des gens du voyage.
Le législateur a déjà tenu compte des efforts de solidarité fournis par les communes pour accueillir les gens du voyage. En effet, leur contribution au financement de ces emplacements est prise en compte au titre des dépenses déductibles du prélèvement sur leurs ressources fiscales, prélèvement défini à l'article L. 302-7 du code de la construction et de l'habitation. Il semble difficile d'aller plus loin dans la prise en compte de ces aires d'accueil, dans la mesure où une aire d'accueil de gens du voyage ne peut en aucun cas être assimilée à une offre de logements locatifs sociaux.
L'article 55 de la loi SRU a pour objectif de développer une forme de solidarité entre les ménages et les territoires. Le fait que la Haute-Savoie soit un département fortement attractif a certes des conséquences sur le prix du foncier que les autorités publiques doivent compenser pour arriver à financer des logements dont les loyers soient accessibles aux plus modestes de nos concitoyens.
Je partage votre sentiment et c'est la raison pour laquelle le Gouvernement a décidé de concentrer ses aides à la réalisation de logement social sur les zones les plus tendues afin de mieux répondre à ce besoin de la population. Ainsi, le Gouvernement tente d'apporter des réponses aux questions que vous venez de soulever, monsieur le sénateur.
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Carle.
M. Jean-Claude Carle. Je souhaite remercier Mme la secrétaire d'État des précisions qu'elle a bien voulu m'apporter sur un sujet qui, s'il ne relève pas de ses compétences ministérielles actuelles, lui est familier en tant qu'élue locale. Je voudrais aussi la remercier de reconnaître l'effort engagé par le département de la Haute-Savoie dans des conditions très difficiles, essentiellement liées au surcoût foncier. Sans l'aide du conseil général et des communes, les bailleurs sociaux ne parviendraient pas à équilibrer financièrement leurs réalisations.
Cependant, je regrette que l'accession sociale au sens large ne soit pas comptabilisée dans le quota de logements sociaux. Il ne s'agit pas d'exonérer les communes de leurs obligations, mais de les inciter à accentuer leur effort pour faciliter la mixité sociale, en juxtaposant le logement destiné à l'accession sociale à la propriété et le logement social locatif. Cela lèverait certaines craintes tout en changeant le climat dans un certain nombre de lotissements, et permettrait d'aller un peu plus vite.
Quant aux aires d'accueil des gens du voyage, elles ne sont effectivement pas des logements sociaux ni même des logements locatifs. Elles permettent de recevoir des populations que chacun laisse à l'autre le soin d'accueillir. Leur prise en compte permettrait donc de faire un effort social, si vous me permettez d'employer ce terme.
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