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Jean-Pierre Bel
Question crible thématique N° 166 au Ministère de la défense


Situation en Afghanistan

Question soumise le 4 mars 2011

M. Jean-Pierre Bel. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je vais essayer de dire les choses simplement.

En Afghanistan, l'enjeu, c'est la guerre ou la paix. L'enjeu, c'est la stabilité d'une région traversée par des tensions de toute nature. L'enjeu, c'est le rôle de la France et de l'Europe dans les relations internationales.

C'est pourquoi nous devons bien sûr aborder ce dossier brûlant et sensible avec gravité et esprit de responsabilité.

Monsieur le ministre, nos collègues Jean-Louis Carrère, Michelle Demessine et Jean-Pierre Chevènement ont posé une question de fond sur le tragique conflit qui déchire l'Afghanistan et sur notre engagement dans ces combats.

Il faut, d'abord, éviter les malentendus et les mauvais procès. Un point, je crois, fait largement consensus : c'est la nécessité de nous donner les moyens – tous les moyens ! – de lutter contre le terrorisme international.

On a bien compris que l'objectif était de lutter contre les terroristes là où ils se trouvent, et avec des moyens appropriés.

Mais, ce matin, je tiens à apporter un éclairage sur ce qu'il faut bien appeler un angle mort de notre action : je veux parler de la prise en compte de la dimension régionale, et notamment du Pakistan, dans le cadre de la stratégie en cours.

Les informations recueillies lors d'un voyage que nous avions effectué ensemble, monsieur le ministre, dans le cadre de la mission sénatoriale diligentée par le président Larcher, et celles que nous détenons par ailleurs démontrent, d'une part, que les talibans recrutent localement et, d'autre part, qu'ils peuvent compter sur le soutien de forces venues du Pakistan. Ce flux-là semble loin de se tarir. Mais peut-être disposez-vous d'autres informations, monsieur le ministre, que vous souhaiteriez communiquer au Sénat ?

Dans ce contexte, les opérations menées par les États-Unis sur le territoire pakistanais soulèvent de nombreuses interrogations.

D'où mes questions, qui seront simples dans leur énoncé, mais ô combien complexes, bien sûr, dans leurs implications !

La France participe-t-elle, aux côtés des États-Unis, aux opérations menées dans les zones tribales qui servent de sanctuaires aux talibans afghans et à Al-Qaïda ?

Sommes-nous associés, et si oui, de quelle manière, aux décisions qui conduisent à des frappes militaires sur la zone frontalière pakistanaise ? Avons-nous des échanges diplomatiques avec le Pakistan sur cette question ?

Comment entendons-nous agir pour obtenir une clarification de la position du Pakistan, dont nous avions tous reconnu qu'elle était pour le moins ambiguë ?
(MM. Jean-Louis Carrère, Daniel Reiner et Jacques Mézard applaudissent.)

Réponse émise le 4 mars 2011

M. Gérard Longuet, ministre. Je remercie M. Bel d'avoir évoqué le déplacement à Kaboul, organisé sur votre initiative, monsieur le président Larcher et que nous avons effectué il y a presque dix-huit mois. Ce déplacement m'a sans doute permis de connaître un peu plus rapidement ce dossier majeur du ministère que j'ai l'honneur de diriger.

Je vous le dis d'une façon catégorique, monsieur Bel : l'armée française, directement ou indirectement, n'intervient pas au Pakistan. Peut-être d'autres le font-ils – vous avez évoqué quelques hypothèses... –, mais pas l'armée française ! Sa mission se limite à l'Afghanistan et à l'application de la résolution 1386 du Conseil de sécurité des Nations unies. En aucun cas notre armée ne sort du mandat que nous tenons de cette résolution, et des territoires situés à l'est de Kaboul, mais très clairement à l'intérieur des frontières de l'Afghanistan.

En revanche, vous avez mille fois raison de dire que nous avons le devoir, sur le plan diplomatique, – mais ce dossier relève de la responsabilité de mon collègue Alain Juppé ! – d'aider le Pakistan à rétablir des relations apaisées avec la communauté internationale.

Je me garderai bien de porter un jugement sur les inquiétudes et les conflits qui traversent ce pays, mais nous savons bien que ceux-ci troublent la sérénité du sous-continent indien. Des conflits majeurs l'opposent en effet à son grand voisin, et l'on peut tout à fait supposer que les décisions prises par le Pakistan concernant son voisin de l'ouest sont conditionnées par les inquiétudes qu'il ressent à l'est. Le débat international est donc au cœur du sujet.

L'Afghanistan est l'un des éléments d'un système complexe, qui comprend la société afghane, dont j'ai parlé lors d'une réponse à un précédent orateur, et la situation particulière de ce pays, d'où sont parties les dynasties mogholes qui ont contrôlé l'Inde.

Vus de l'extérieur, il s'agit de pays différents. Lorsqu'on les connaît, la réalité s'avère être plus complexe. Vous avez donc raison, une réflexion diplomatique d'ensemble est nécessaire, mais celle-ci relève de la responsabilité du ministère des affaires étrangères, sous l'autorité du Président de la République. C'est donc M. Juppé que vous devriez interroger sur ce sujet.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Bel, pour la réplique.

M. Jean-Pierre Bel. Tout le monde, qu'il s'agisse des experts, des analystes, des diplomates ou des militaires, reconnaît qu'une victoire militaire en Afghanistan est désormais impossible.

La France se trouve dans une situation délicate du fait de sa stratégie au sein de l'OTAN, qui nous interdit de définir nos propres objectifs stratégiques. C'est pourquoi nous demandons une nouvelle fois un débat au Parlement, suivi d'un vote, sur l'engagement militaire en Afghanistan.

Le courage et le sens du devoir de nos soldats sur place ne changent rien à un constat de fait : notre stratégie est insuffisante et ne peut aboutir. Par conséquent, il faut nous engager sur un calendrier précis, comportant l'annonce d'un retrait progressif et planifié, concerté avec nos alliés, nos partenaires européens et les autorités afghanes. Tel est le sens de nos interventions d'aujourd'hui.
(M. Jean-Louis Carrère applaudit.)

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