M. François Rebsamen. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.
Monsieur le ministre, si l'on en croit les informations publiées hier par le journal Le Monde, un scandale sans précédent pourrait ébranler la préfecture de police de Paris et, au-delà, les plus hautes autorités de notre pays.
À l'approche de l'élection présidentielle de 2007, l'Inspection générale des services aurait utilisé sciemment des documents truqués pour aboutir à la mise en cause de fonctionnaires réputés proches de la gauche : tels sont les faits que la justice cherche à établir.
Quatre fonctionnaires de police, innocentés en janvier 2011 par la cour d'appel de Paris, ont donc été suspendus en 2007, injustement mis en examen, humiliés, déshonorés, à la suite d'une affaire qui aurait été montée de toutes pièces par le corps vénérable et respecté de la « police des polices ».
Monsieur le ministre, aujourd'hui, l'honneur de la police républicaine est en cause. Il est donc essentiel que toute la clarté soit faite sur cette affaire et sur les responsables de ce qui s'apparente à un grave dérapage, si les faits sont prouvés.
Contrairement à ce que vous avez affirmé hier devant les députés, il ne s'agit pas d'instruire un faux procès ni de pratiquer des amalgames ou des manipulations, il s'agit d'obtenir des réponses claires et précises sur la chaîne des responsabilités dans ce qui s'apparenterait à une affaire d'État si les faits étaient établis. Peut-être pourriez-vous nous fournir ces réponses, monsieur le ministre, puisque vous étiez, au moment des faits, directeur de cabinet du ministre de l'intérieur ? Cela serait beaucoup plus simple et vous faciliteriez le travail de la justice, derrière laquelle vous avez tenté de vous abriter.
Monsieur le ministre, mes questions sont donc les suivantes : premièrement, nous souhaiterions savoir quelle est l'autorité qui a diligenté cette enquête ; deuxièmement, sur l'ordre de qui l'Inspection générale des services a-t-elle utilisé des documents qui auraient été truqués pour mettre en cause des fonctionnaires de police dont le seul tort, à la veille de l'élection présidentielle de 2007, était d'être proches de la gauche ? Je vous remercie de votre réponse.
(Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC, du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Claude Guéant, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration. Monsieur le sénateur François Rebsamen, je persiste et je signe : une fois de plus, l'approximation et l'amalgame tiennent lieu de raisonnement.
Mme Isabelle Debré. Eh oui !
M. Alain Gournac. C'est habituel !
M. Claude Guéant, ministre. Votre candidat à l'élection présidentielle appelle - et il a raison ! - à faire taire les polémiques, mais ses lieutenants ne cessent d'en lancer de nouvelles et de les alimenter en procédant à des affirmations que n'étaye aucun commencement de preuve !
(Applaudissements sur plusieurs travées de l'UMP. - Protestations sur les travées du groupe socialiste.)
Il y a quelques jours, vous cherchiez à mettre en cause le ministre du budget qui était en fonctions entre 1993 et 1995 dans une affaire de versement de commissions à l'occasion de la vente de sous-marins au Pakistan.
Plusieurs sénateurs du groupe socialiste. Ce n'est pas la question !
M. Jean-Pierre Godefroy. Mais on peut en parler, si vous voulez !
M. Claude Guéant, ministre. Vous vous appuyez, à cette fin, sur des propos émis au conditionnel par un certain M. Menayas. Le Président de la République, ministre du budget à l'époque, n'a rien à voir avec cette affaire et je vous invite, puisque vous accordez une grande confiance aux carnets de M. Menayas, à les lire - ils sont disponibles sur un site d'information bien connu - : ils mettent directement en cause, non pas au conditionnel, mais de façon affirmative, le parti socialiste et un certain nombre de ses responsables !
(Protestations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Robert Hue. C'est de la diversion !
M. Jacky Le Menn. Répondez donc à la question !
M. Jean-Pierre Godefroy. Et les onze morts et les trente orphelins de Karachi ?
M. Claude Guéant, ministre. Aujourd'hui, vous recommencez : vous mettez en cause le préfet de police de Paris, au motif qu'il est proche du Président de la République - j'emploie le « vous » de façon générique, car j'ai aussi lu les propos d'autres responsables du parti socialiste.
M. Didier Boulaud. Vous ne répondez pas à la question !
M. Claude Guéant, ministre. J'y réponds ! Vous n'omettez qu'un seul point : l'intéressé n'exerçait pas les fonctions de préfet de police à l'époque des faits en cause.
(M. Alain Gournac s'esclaffe.)
M. Christian Cambon. Dommage !
M. Claude Guéant, ministre. D'autres de vos collègues, hier, m'ont mis en cause directement. Je n'ai rien à voir avec cette histoire ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.) Puisque j'ai été mis en cause hors de l'hémicycle d'une assemblée parlementaire, je vous indique que, dès cet après-midi, je demande au garde des sceaux de poursuivre en diffamation M. Bruno Le Roux.
(Protestations sur les mêmes travées.)
M. David Assouline. On a peur !
M. Didier Boulaud. Gardez votre sang-froid, monsieur le ministre !
M. Claude Guéant, ministre. Il y a des limites à tout et certaines accusations sont insupportables ! Puisque vous m'avez mis en cause, monsieur Rebsamen, faites-le également en dehors de cet hémicycle, cela me permettra de vous poursuivre en diffamation !
(M. Jean-Pierre Michel s'exclame.)
Vous n'hésitez pas à recourir à des arguments invraisemblables : pourquoi voulez-vous qu'une enquête ait été manipulée pour aboutir au changement d'affectation d'un haut fonctionnaire dont le poste est à la discrétion du Gouvernement ? Vous n'hésitez pas à déformer la réalité pour salir : je vous rappelle que l'Inspection générale des services, lorsqu'elle intervient en matière judiciaire, est placée sous l'autorité des magistrats et non pas sous l'autorité du préfet de police ! (M. Didier Boulaud s'exclame.) Vous n'hésitez pas à taire l'essentiel, à savoir que, si une enquête a eu lieu, c'était sur décision judiciaire, et si un non-lieu a été prononcé, il a fait suite à une mise en examen.
Plusieurs sénateurs du groupe socialiste. C'est laborieux !
M. Claude Guéant, ministre. Comme en d'autres occasions, vous vous attaquez aux personnes et aux institutions, pour les déstabiliser et les déshonorer...
M. Didier Boulaud. C'est laborieux !
M. Claude Guéant, ministre. C'est peut-être laborieux, mais ce que vous faites est grave !
(M. Didier Boulaud s'exclame.)
Le chef de l'Inspection générale des services et le préfet de police démentent toutes les allégations proférées à leur encontre par un journal et relayées par des responsables du parti socialiste. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.) Nous n'avons pas peur de la vérité, mais je vous le dis, monsieur Rebsamen : nous ne sommes pas ici au congrès de Valence (Protestations sur les mêmes travées.),...
M. Robert Hue. Vous perdez votre sang-froid !
M. Claude Guéant, ministre. ... et on ne condamne pas sans preuves !
(Applaudissements sur les travées de l'UMP. - Ouh ! sur les travées du groupe socialiste.)
M. Didier Boulaud. Dire qu'il a été préfet ! Ça rassure !
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