M. Jean-Claude Carle appelle l'attention de M. le ministre de l'économie et des finances sur le récent assujettissement à la TVA des honoraires médicaux en cas de chirurgie esthétique, et ses conséquences.
Celui-ci a été annoncé sous forme d'un rescrit publié par l'administration fiscale le 27 septembre 2012, lequel stipule que les actes de chirurgie esthétique doivent être soumis à la TVA, au taux de 19,6 %, et fixant comme seul critère d'assujettissement leur non-remboursement par la Sécurité Sociale.
Tout d'abord, il est quelque peu surprenant que cette décision ait pour date d'application le 1er octobre 2012, soit un seul et unique jour ouvrable plus tard. Son caractère brutal lui apparaît dénué de responsabilité, en ce sens qu'elle n'a pas laissé aux professionnels le temps de se préparer à ce changement.
Tous ont de nombreuses interventions prévues pour les mois à venir, actées par des devis signés sur la base des anciennes règles, donc sans TVA. Quelles solutions s'offrent alors à eux ? Soit prendre à leur charge le règlement de la TVA nouvellement instaurée, sur l'activité de plusieurs mois, ce qui les conduirait immanquablement à la faillite, soit appliquer une hausse subite de près de 20 % du coût de leur intervention. Aucune de ces options n'est acceptable.
D'autre part, à terme, il est probable que cette augmentation du coût de la chirurgie esthétique entraîne une fuite des patients vers des pays aux tarifs plus attractifs, mais avec parfois un niveau de sécurité sanitaire moindre, ce qui ne serait pas sans risque pour leur santé et une baisse d'activité des chirurgiens français.
Par ailleurs, il s'interroge sur la légalité de cette décision. En effet, le droit européen demande que les actes à finalité thérapeutique soient exonérés de TVA. Or, le fait de décider qu'un acte chirurgical n'a de finalité thérapeutique que s'il est pris en charge par notre sécurité sociale est dénué de tout fondement juridique. Le caractère thérapeutique d'un acte et son simple remboursement par une assurance ne sont pas assimilables. Le non-remboursement des actes de chirurgie esthétique ne signifie pas obligatoirement que ceux-ci n'ont aucune finalité thérapeutique. Un acte de chirurgie esthétique est avant tout un acte médical, réalisé par un chirurgien qui est par essence un prestataire de soins médicaux.
Enfin, contester cela par un assujettissement à la TVA représente une atteinte à la qualité de médecin des chirurgiens plasticiens, ce qui provoque un sérieux malaise au sein de la profession.
Il lui demande donc de bien vouloir revenir sur cette décision. À tout le moins, il lui demande s'il ne serait pas opportun d'en reporter l'application, le temps d'organiser une concertation approfondie avec les représentants de la profession. De plus, ne serait-il pas judicieux de définir des mesures transitoires, s'appliquant aux actes prévus de longue date et devant intervenir dans les prochains mois ? Enfin, suite aux incertitudes induites par cette décision, il souhaiterait savoir si le Gouvernement entend préciser et sécuriser le statut des chirurgiens plasticiens.
L'article 261-4-1° du code général des impôts constitue la transposition fidèle des dispositions de l'article 132 § 1 sous c de la directive TVA n° 2006/112/CE du 28 novembre 2006, qui vise les soins aux personnes effectués par les membres des professions médicales et paramédicales telles qu'elles sont définies par les États membres. Par une jurisprudence constante, la Cour de justice de l'Union européenne considère qu'au sens de cette disposition la notion de soins à la personne doit s'entendre des seules prestations ayant une finalité thérapeutique entendues comme celles menées dans le but de « prévenir, diagnostiquer, soigner, et si possible, guérir les maladies et anomalies de santé ». Aussi, le maintien d'une exonération conditionnée à la seule qualité du praticien qui réalise l'acte exposerait la France à un contentieux communautaire. C'est la raison pour laquelle l'administration a récemment indiqué, après avoir constitué des groupes de travail avec les professionnels concernés, que seuls les actes pris en charge par l'assurance maladie pouvaient être considérés comme poursuivant une telle finalité et bénéficier d'une exonération sur ce fondement. En effet, le critère de la prise en charge par l'assurance maladie qui permet de couvrir les actes de chirurgie réparatrice et ceux qui sont justifiés par un risque pour la santé du patient, permet d'exclure du bénéfice de l'exonération les actes dont la finalité thérapeutique n'est pas avérée. Il traduit donc de manière satisfaisante l'application du critère élaboré par la jurisprudence de la Cour de justice et son introduction permet à la France de se conformer à la directive. Le critère de la prise en charge par l'assurance maladie constitue un critère permettant d'assurer la sécurité juridique des médecins en s'affranchissant ainsi de l'appréciation subjective de chaque praticien ou patient qui aurait été placé sous le contrôle a posteriori de l'administration. L'augmentation des tarifs résultant de la soumission à la TVA des actes n'ayant pas une finalité thérapeutique doit être relativisée dès lors que la soumission de ces actes à la TVA permettra de déduire la TVA grevant les dépenses engagées pour leur réalisation qui antérieurement constituait une charge définitive pour les praticiens nécessairement répercutée vers leurs patients.
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