M. Gérard Le Cam attire l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur la récente remise en question du livret de famille bilingue français-breton par certaines administrations. En effet, ce livret de famille bilingue distribué par plusieurs mairies de Bretagne à leurs administrés connaît des difficultés depuis que la direction du service des étrangers a refusé de mettre à jour le livret de famille au motif que celui-ci était bilingue. Pour justifier ce refus, elle s'appuie sur la loi n° 118 du 2 thermidor an II ainsi que sur le premier alinéa de l'article 2 de la Constitution, issu de la loi constitutionnelle n° 92-554 du 25 juin 1992, « seule la langue française doit être utilisée dans les actes publics ». Pourtant, la loi n° 118 du 2 thermidor an II a été suspendue le 16 fructidor de l'an II et, concernant l'article 2 de la Constitution, le Conseil constitutionnel précise dans sa décision du 15 juin 1999 que l'obligation du français dans les documents officiels « n'interdit pas l'utilisation de traductions ». Ces difficultés témoignent de l'urgence qu'il existe à reconnaître un statut juridique clair aux langues minoritaires. Aussi il demande quand sera signée la charte européenne des langues régionales ou minoritaires, engagement du Gouvernement qui serait un premier pas vers la reconnaissance des langues régionales et il souhaite savoir quelles dispositions entend prendre le Gouvernement afin de donner un cadre juridique clair aux langues régionales qui appartiennent au patrimoine de la France en vertu de l'article 75-1 de la Constitution.
La contestation par l'administration de la légalité des « livrets de famille » bilingues français-breton ne saurait être assimilée à un procédé visant à limiter ou empêcher l'usage des langues régionales dès lors qu'elle repose sur le principe solennellement affirmé en France d'unicité de la langue officielle. Le principe selon lequel « la langue de la République est le français », inscrit à l'article 2 de notre Constitution depuis la loi n° 92-554 du 25 juin 1992, a désormais valeur constitutionnelle. Ce principe ne saurait toutefois remettre en cause la liberté de tout citoyen de « parler, écrire et imprimer librement » garantie par l'article 11 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, ni occulter l'apport culturel indéniable, consacré à l'article 75-1 de la Constitution, que constituent les langues régionales. Il résulte de la conciliation de ces principes, rappelée par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 99-412 du 15 juin 1999 relative à la charte européenne des langues minoritaires que « l'usage du français s'impose aux personnes morales de droit public et aux personnes de droit privé dans l'exercice d'une mission de service public ; que les particuliers ne peuvent se prévaloir, dans leurs relations avec les administrations et les services publics d'un droit à l'usage d'une langue autre que le français, ni être contraints à un tel usage, que l'article 2 de la Constitution n'interdit pas l'utilisation de traductions » (cons. 8), lesquelles s'entendent exclusivement de traductions autonomes de textes français, dépourvues de valeur officielle, telles que celles prévues par l'article 10 de la charte pour les textes officiels des collectivités locales, et par son article 9, paragraphe 3, pour les textes législatifs nationaux afin de faciliter l'accès à la justice. La Constitution permet ainsi de ménager un équilibre, distinguant les personnes publiques et services publics qui doivent employer le français, des particuliers qui ont, entre eux, le libre choix des termes. Les livrets de famille étant constitués d'actes de l'état civil, qui sont des documents publics, doivent être, en l'état du droit actuel, rédigés en français. À l'inverse, il ne saurait en conséquence être reconnu de caractère officiel à des documents non rédigés en français, même partiellement. Enfin, l'arrêté du 1er juin 2006 fixe le modèle du livret de famille, lequel est identique sur l'ensemble du territoire national, quant à son nombre de pages, son contenu et sa présentation exacte. Ces livrets ne peuvent donc avoir de caractère officiel ni de valeur probante. Rien ne s'opposerait toutefois à la délivrance par les mairies, en sus du livret de famille officiel, d'une traduction bretonne de celui-ci, dépourvue d'effet juridique, pour autant qu'elle ait lieu à la demande des intéressés et que sa charge ne soit pas supportée par l'État.
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