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Jean-Jacques Hyest
Question d'actualité au gouvernement N° 10 au Ministère de la justice


Politique du ministère de la justice

Question soumise le 13 juillet 2012

M. Jean-Jacques Hyest. Monsieur le président, vous me permettrez de faire une remarque liminaire : le respect veut que toutes les questions d'actualité soient présentées avant seize heures. C'est la règle que nous avons toujours suivie !

M. Roland du Luart. Elle n'a pas été respectée !

M. Jean-Jacques Hyest. Or il est seize heures.

Quelques petits coups de brosse à reluire en moins n'auraient pas nui à la qualité du débat, et chacun aurait pu s'exprimer !
(Sourires et exclamations sur les travées de l'UMP et de l'UCR.)

M. Christian Bourquin. La question !

M. Jean-Jacques Hyest. Ma question s'adresse à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.

Lors de sa campagne présidentielle, le candidat François Hollande affirmait vouloir des sanctions immédiates et systématiques contre les délinquants, et il promettait d'être « intraitable », notamment envers les « petits caïds ». Vous pouvez applaudir...
(Sourires et applaudissements sur les travées de l'UMP.)

Mme Samia Ghali. Cela se voit !

M. Jean-Jacques Hyest. Or, par un certain nombre d'annonces, madame la garde des sceaux, vous semblez vouloir détricoter tous les dispositifs votés pour lutter contre la grande délinquance et la criminalité : suppression des tribunaux pour les mineurs récidivistes de 16 ans, abandon de la rétention de sûreté, suppression des peines planchers ; encore dois-je avoir manqué quelques-unes de vos déclarations...

Quant à la suppression de l'expérimentation de la présence de jurés dans les tribunaux correctionnels, sans doute est-elle le gage à donner à certains corporatismes, mais elle ne va pas dans le sens de la meilleure participation des citoyens à la justice.

M. Jean-Claude Gaudin. Bravo !

M. Jean-Jacques Hyest. Dans le domaine pénitentiaire, pensez-vous réellement que, si l'on veut améliorer le taux d'exécution des décisions de justice tout en favorisant l'aménagement des peines, et améliorer aussi la condition carcérale, il soit responsable d'arrêter les programmes de construction d'établissements pénitentiaires ?

Plusieurs sénateurs du groupe socialiste. Oui !

M. Jean-Jacques Hyest. Et je ne parlerai pas des contrôles d'identité ou des conséquences, qu'il va bien falloir assumer, de la suppression de la garde à vue pour les étrangers en situation irrégulière…

Ces quelques signaux ne peuvent qu'inquiéter quant à la volonté du Gouvernement d'agir avec fermeté contre la délinquance et la criminalité, ce qu'attend pourtant la grande majorité de nos concitoyens.

Alors, madame le garde des sceaux, pouvez-vous nous exposer les grandes lignes de la politique que vous entendez mener dans ce domaine ? J'espère que vous allez nous rassurer !
(Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

Réponse émise le 13 juillet 2012

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, M. Hyest et moi-même étions ensemble la nuit dernière. (Exclamations et rires.) En tout bien tout honneur, au vu et au su de tous, puisque c'était dans cet hémicycle ! Or vos propos nocturnes, monsieur Hyest, étaient beaucoup plus modérés...

M. Christian Bourquin. Il n'y avait pas la télé !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Vous vous préoccupez des tribunaux correctionnels pour mineurs, que vous avez introduits dans la loi du 10 août 2011. Autour de cette innovation, vous avez fait une propagande consistant à laisser entendre qu'il n'y avait pas, auparavant, de tribunaux pour juger les mineurs récidivistes de 16 à 18 ans. C'était totalement faux !

J'ajoute que, depuis janvier 2012, ces tribunaux que vous avez mis en place n'ont jugé que soixante-cinq mineurs, soit 2 % des mineurs concernés...

M. François Rebsamen. Ils s'en moquent !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. De plus, ils ont prononcé des peines équivalentes ou inférieures à celles prononcées par les tribunaux pour enfants, ce qui prouve que la défiance dont vous avez fait preuve à l'égard des juges des enfants était déplacée autant que déshonorante !
(Bravo ! et vifs applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

En revanche, avec cette réforme, vous avez désorganisé les juridictions.

Vous avez également fait de la propagande à propos des peines planchers, en laissant croire qu'elles serviraient à aggraver les sanctions contre la grande délinquance et la criminalité. C'était encore faux parce que le code pénal prévoyait déjà des sanctions spécifiques en cas de récidive et que les juges les prononçaient.

En revanche, les peines planchers ont rendu plus fréquentes les condamnations à de courtes peines. Songez, monsieur le sénateur, que 45 % des détenus purgent une peine de moins de six mois ! Or, vous le savez, les peines courtes sont génératrices de récidive. Vous le savez si bien que la majorité dont vous faisiez partie avait voté une loi pénitentiaire pour parer à la difficulté des courtes peines dans les prisons.

M. Daniel Raoul. Très bien !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Vous avez vous-même évoqué l'accumulation des lois pénales qui ont été adoptées ces dernières années : trente lois pénales en cinq ans, en effet ! C'est la preuve d'une frénésie et, très probablement, d'un affolement. Mais, surtout, cette accumulation démontre l'impuissance de votre politique pénale.

Vous avez empilé des textes parce que vous réduisiez les effectifs des juges d'application des peines, des éducateurs, des psychologues, des psychiatres, des conseillers d'insertion et de probation.

Résultat : un taux de surpopulation carcérale qui varie de 120 à 200 % et qui atteint 300 % dans les outre-mer... Voilà le bilan de la spirale dans laquelle vous vous êtes enfermés !
(Mêmes mouvements sur les mêmes travées.)

Quant aux peines de sûreté, vous avez défait le suivi socio-judiciaire que la gauche avait mis en place.

Vous avez empilé les lois, mais sans jamais faire d'évaluation. Il en existe une, pourtant, et elle vous dessert : elle démontre que la récidive est beaucoup plus importante chez les personnes qui ont été incarcérées que chez celles qui ont exécuté leur peine en milieu ouvert.
(Mêmes mouvements sur les mêmes travées.)

Mme Samia Ghali. Très bien !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Effectivement, monsieur le sénateur, notre politique ne sera pas la vôtre. La vôtre fut brouillonne. Elle a produit de l'incarcération à outrance et de la surpopulation carcérale.

Vous avez légiféré sur tout : les chiens dangereux, les halls d'immeuble, le racolage passif...
(Protestations sur les travées de l'UMP.)

Effectivement, nous n'agirons pas de la même façon : nous ferons en sorte que le service public de la justice soit au service des citoyens et efficace, comme l'a dit le Premier ministre dans sa déclaration de politique générale.

Mme Natacha Bouchart. Demandez aux victimes ce qu'elles en pensent !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Et je suis sûre que nous trouverons quelques parlementaires de l'UMP qui auront ce souci de la qualité du droit et de l'efficacité de la justice !
(Bravo ! et vifs applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

Mme Natacha Bouchart. Vous êtes en train de tout lâcher !

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