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Jean-Claude Carle
Question orale sans débat N° 5 au Ministère de l'économie


Assouplissement de certaines règles de la comptabilité publique

Question soumise le 5 juillet 2012

M. Jean-Claude Carle appelle l'attention de M. le ministre de l'économie et des finances sur les conséquences pour les finances locales de certaines règles de la comptabilité publique, avec comme exemple la situation du syndicat intercommunal d'aménagement du Chablais
(SIAC).

Cet EPCI, de 62 communes et 124 000 habitants, a, depuis 2005, suite à l'annulation du projet autoroutier A 400 par le Conseil d'État, participé au financement du contournement de Thonon-les-Bains. De près de 26 millions €, cette contribution s'est matérialisée par des subventions d'équipement, versées annuellement au conseil général, maître d'ouvrage. Ces fonds proviennent à 90 % d'emprunts contractés par le syndicat, certains sur trente ans, d'autres sur quarante ans. Or, l'instruction comptable M14 prévoit que ce type de subventions d'équipement soit amorti sur quinze ans par l'inscription de dotations aux amortissements en dépenses de fonctionnement, durée qui avait pu être allongée à trente ans grâce à une dérogation. Toutefois, au regard de leur importance, ces dépenses généraient un déficit de la section fonctionnement du budget. Le SIAC a donc demandé, en 2009 et 2010, une nouvelle dérogation, afin d'étaler l'amortissement sur quarante années, laquelle a malheureusement été refusée par le représentant de l'État.

Lors du débat d'orientation budgétaire pour 2011, les élus syndicaux ont décidé d'aligner le rythme d'amortissement des subventions d'équipement sur celui du remboursement des emprunts. Et ce pour trois raisons : ne pas alourdir les charges pesant sur les communes membres ; générer en recettes d'investissement les crédits permettant d'assurer seulement le remboursement du capital des emprunts souscrits ; éviter d'accumuler des recettes d'investissement dont le syndicat n'a nul besoin. Le budget alors établi, avec une dotation aux amortissements inférieure à celle qui aurait dû découler de l'application de la M14, a été jugé insincère par le préfet, qui a saisi la chambre régionale des comptes.

Pour sa part, ce dossier lui apparaît comme l'exemple type des limites de l'application des dispositions de la M14. En effet, ses règles ont pour conséquence d'obliger le SIAC à inscrire chaque année, d'une part, en dépenses de fonctionnement une somme supérieure à la dépense réellement engagée, d'autre part, une dotation équivalente en recettes d'investissement. Celles-ci font ainsi l'objet d'un accroissement significatif, alors que le SIAC n'en a aucun besoin ni utilité. Ceci suppose bien évidemment de demander aux communes membres une contribution financière plus importante que nécessaire. Avec pour corollaire une situation totalement ubuesque en période de crise, où les moyens font cruellement défaut, à savoir immobiliser, pour de simples raisons comptables, des sommes conséquentes, et ce alors que les besoins en crédits d'investissement sont par ailleurs importants. S'il comprend parfaitement les impératifs inhérents à la gestion publique, on se trouve là en totale opposition avec la réalité du fonctionnement des collectivités, et le seul besoin qui est aujourd'hui le leur, et celui de notre État : un assouplissement des règles. Le Président de la République avait d'ailleurs confié une mission en ce sens à M. Éric Doligé, sénateur du Loiret, lequel a déposé une proposition de loi à ce sujet.

En conclusion, à un moment où l'argent public se fait rare, mais où la pression sur les collectivités s'accroît, il apparaît indispensable et urgent d'assouplir certaines règles de l'instruction comptable M14. Il lui demande donc quelles mesures le Gouvernement envisage de mettre en œuvre afin de lever ces contraintes financières pesant sur les collectivités locales.

Réponse émise le 18 juillet 2012

M. Jean-Claude Carle. Monsieur le ministre, permettez-moi d'appeler votre attention sur les conséquences, pour les finances locales, de certaines règles de la comptabilité publique. Pour illustrer mon propos, j'évoquerais la situation, dans mon département de la Haute-Savoie, du syndicat intercommunal d'aménagement du Chablais, le SIAC.

Cet EPCI, qui regroupe 62 communes et 124 000 habitants, a, depuis l'annulation, en 2005, du projet autoroutier A400 par le Conseil d'État, participé au financement du contournement de Thonon-les-Bains.

De près de 26 millions d'euros, sa contribution s'est matérialisée par des subventions d'équipement, versées annuellement au conseil général, maître d'ouvrage. Ces fonds proviennent à 90 % d'emprunts contractés par le syndicat - certains sur trente ans, d'autres sur quarante ans. Or l'instruction comptable M14 prévoit que ce type de subventions d'équipement soit amorti sur quinze ans par l'inscription de dotations aux amortissements en dépenses de fonctionnement, durée qui avait pu être allongée à trente ans grâce à une dérogation.

Toutefois, l'importance des dépenses en question générait un déficit de la section de fonctionnement du budget. Le syndicat a donc demandé, en 2009 et en 2010, une nouvelle dérogation lui permettant d'étaler l'amortissement sur quarante ans. Cette dérogation lui a malheureusement été refusée par le représentant de l'État.

Lors du débat d'orientation budgétaire pour 2011, les élus syndicaux ont décidé d'aligner le rythme d'amortissement des subventions d'équipement sur celui du remboursement des emprunts, et ce pour trois raisons : ne pas alourdir les charges pesant sur les communes membres ; générer en recettes d'investissement les crédits permettant seulement d'assurer le remboursement du capital des emprunts souscrits ; éviter l'accumulation de recettes d'investissement dont le syndicat n'avait nul besoin.

Le budget alors établi, avec une dotation aux amortissements inférieure à celle qui aurait dû découler de l'application de la M14, a été jugé insincère par le préfet, qui a saisi la chambre régionale des comptes.

Pour ma part, ce dossier m'apparaît comme l'exemple type des limites de l'application des dispositions de la M14. En effet, les règles de celles-ci ont pour conséquence d'obliger le syndicat, chaque année, à inscrire, d'une part, une somme supérieure à la dépense réellement engagée en dépenses de fonctionnement et, d'autre part, une dotation équivalente en recettes d'investissement. Ces dernières font ainsi l'objet d'un accroissement significatif, alors que le SIAC n'en a aucun besoin ni aucune utilité.

Une telle augmentation suppose bien évidemment de demander aux communes membres une contribution financière plus importante que nécessaire, avec, pour corollaire, une situation totalement ubuesque en période de crise, où les moyens font cruellement défaut : l'immobilisation, pour de simples raisons comptables, de sommes élevées, alors que les besoins en crédits d'investissement sont par ailleurs importants.

Si je comprends parfaitement les impératifs inhérents à la gestion publique, force est de constater que l'on se trouve ici en totale opposition avec la réalité du fonctionnement des collectivités et du seul besoin qui est aujourd'hui le leur, comme d'ailleurs celui de notre État : un assouplissement des règles. Le Président de la République Nicolas Sarkozy avait d'ailleurs confié une mission en ce sens à notre collègue Éric Doligé, sénateur du Loiret, lequel a déposé une proposition de loi à ce sujet.

En conclusion, monsieur le ministre, à un moment où l'argent public se fait rare mais où la pression sur les collectivités s'accroît, il apparaît indispensable et urgent d'assouplir certaines règles de l'instruction comptable M14. Quelles mesures le Gouvernement envisage-t-il de mettre en œuvre afin de lever ce type de contraintes qui pèsent aujourd'hui sur les collectivités locales ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Pierre Moscovici, ministre de l'économie et des finances. Monsieur le sénateur, vous le savez, les subventions d'équipement versées par les collectivités locales constituent des immobilisations. De ce fait, elles représentent des dépenses d'investissement, ce qui permet leur financement par l'emprunt ; cela répond d'ailleurs à une demande ancienne des collectivités.

La contrepartie de la qualification d'immobilisation - c'est logique dans les règles comptables - tient dans l'obligation d'amortir. L'amortissement vise à retracer la dépréciation d'un bien en fonction de l'usure : la durée d'un emprunt est corrélée non pas à la durée d'utilisation des biens, mais bel et bien à ce paramètre.

En la matière, les durées initialement fixées étaient de cinq ans lorsque la subvention bénéficiait à une personne privée et de quinze ans lorsqu'il s'agissait d'une personne publique. Vous l'avez dit, ces durées se sont vite révélées inadaptées à la réalité. De nombreuses dérogations interministérielles ont donc dû être accordées, notamment au syndicat intercommunal d'aménagement du Chablais.

Conscientes de ces imperfections, les administrations centrales concernées, la direction générale des collectivités locales et la direction générale des finances publiques, ont demandé que soit réuni un groupe de travail, composé des représentants des administrations, du Conseil de normalisation des comptes publics, de magistrats des chambres régionales des comptes et de représentants des collectivités locales. Ce groupe de travail s'est réuni pendant plusieurs mois pour aboutir à la rédaction de l'avis n° 2011-01 du 15 mars 2011.

Les administrations centrales ont d'ores et déjà traduit les préconisations de cet avis dans les textes. Désormais, les durées d'amortissement des subventions versées par les collectivités ne sont plus fonction de la qualité du bénéficiaire, public ou privé, mais de la nature de l'immobilisation financée, soit cinq ans pour les biens matériels, le mobilier et les études, quinze ans pour les bâtiments et les installations et trente ans pour les projets d'infrastructure d'intérêt national. Cette évolution, positive, permet d'asseoir l'amortissement en fonction d'une réalité non plus statutaire ou juridique, mais bel et bien économique.

En novembre dernier, le Comité des finances locales, qui avait été saisi de cette question, a émis un avis favorable sur le décret et les arrêtés de mise à jour des instructions budgétaires et comptables au 1er janvier 2012.

J'ajoute que la position élaborée par le groupe de travail réuni par le Conseil de normalisation des comptes publics a également pris en compte la problématique de l'équilibre budgétaire qui s'impose aux collectivités locales. En effet, l'allongement à l'excès des durées d'amortissement des subventions, s'il permet dans un premier temps d'alléger les dépenses de fonctionnement d'une collectivité, a également pour conséquence d'obérer sur une longue durée ses marges de manœuvre budgétaires.

Le cas que vous évoquez aura donc provoqué une issue que, je l'espère, vous trouverez positive.

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Carle.

M. Jean-Claude Carle. Je vous remercie, monsieur le ministre, des précisions que vous avez bien voulu m'apporter.

Je prends acte des efforts qui ont été faits. Dans le contexte actuel, où l'argent public se fait rare, une certaine souplesse est nécessaire afin de permettre aux collectivités de gérer leurs budgets au plus près des besoins et des réalités.

Vous sachant pragmatique, je vous fais confiance pour aller dans ce sens.

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