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Stéphane Mazars
Question orale sans débat N° 154 au Ministère des sports


Sports et paris

Question soumise le 11 octobre 2012

M. Stéphane Mazars attire l'attention de Mme la ministre des sports, de la jeunesse, de l'éducation populaire et de la vie associative sur le problème posé par les paris sportifs qui, malheureusement, ont tendance à inciter à la mise en œuvre de fraudes et tricheries diverses. Une récente affaire, dans laquelle l'image d'une équipe de handball a été sérieusement écornée, a récemment mis en lumière ce danger. C'est pourquoi il lui demande de bien vouloir lui préciser, au-delà des sanctions prises par les fédérations concernées ou des poursuites judiciaires en cours, de quelle manière elle entend, à l'avenir, en coopération avec les agences de régulation, lutter contre les matchs truqués dans les compétitions nationales ou internationales afin, d'une part de contrer ces dérives et, d'autre part, de remoraliser la pratique du sport et, avec elle, la préservation de ses valeurs.

Réponse émise le 19 octobre 2012

M. Stéphane Mazars. Madame la ministre, il y a quelques semaines, l'annonce d'une présomption de fraude sur des paris sportifs, à l'occasion d'un match de handball, a fait la une des médias. Elle a eu pour conséquence de ternir, une nouvelle fois, l'image du sport et des sportifs et de jeter une légitime suspicion sur l'existence et la prolifération de ces jeux d'argent.

La question des paris sportifs n'est pas nouvelle, même si, en France, elle était jusqu'alors bien moins prégnante qu'ailleurs, notamment dans les pays anglo-saxons.

Jusqu'en 2010, on ne pouvait effectuer de paris sportifs sur notre territoire que par le biais d'un opérateur unique, la Française des jeux, viason réseau physique ou en ligne.

La loi du 12 mai 2010, votée par la précédente majorité, a ouvert à la concurrence l'activité des paris sportifs. Cette décision a bien évidemment entraîné la prolifération des sites et l'accroissement, dans des proportions très importantes, d'une telle activité. Cette dernière bénéficie de moyens importants de communication et de promotion, auxquels personne ne peut échapper, surtout pas nos jeunes.

Aujourd'hui, les paris sportifs sont devenus une activité économique importante, particulièrement lucrative pour certains.

Hélas, elle peut aussi constituer une menace pour l'éthique sportive, à l'image du fait divers que j'évoquais précédemment, voire même pour l'équilibre et la santé des individus.

La loi du 12 mai 2010 a prévu notamment, aux termes de son article 32, des dispositions pour éviter des conflits d'intérêts et, partant, réduire les risques de fraudes.

Une autorité de régulation a été mise en place pour établir « la règle du jeu », en concertation avec les organisations sportives. Un contrôle de la régularité des paris a été prévu, mission confiée à l'ARJEL, l'Autorité de régulation des jeux en ligne, pour ce qui est des paris sur internet. C'est d'ailleurs en particulier cette instance, qui, dans l'affaire du match de handball entre Montpellier et Cesson, a révélé une suspicion de fraude.

Madame la ministre, à la lumière de cette affaire - il y en a eu certainement d'autres, moins médiatiques -, pensez-vous que les dispositions de la loi du 12 mai 2010 soient suffisantes pour éviter tout risque de fraude dans l'organisation du jeu elle-même ou dans son contrôle ?

Avez-vous d'ores et déjà envisagé une évolution de notre dispositif législatif ou réglementaire, afin de mieux prévenir d'éventuelles dérives et lutter contre le phénomène ?

Par ailleurs, comme je le disais, cette activité connaît un accroissement d'autant plus important qu'elle est soutenue par une communication importante, qui peut constituer un risque d'addiction et, dans certains milieux, de déstabilisation économique, voire familiale.

Aussi, n'est-il pas nécessaire que le Gouvernement mette en place une politique de prévention ou, a minima, d'information, pour éviter tout risque de comportements excessifs en la matière ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Valérie Fourneyron, ministre des sports, de la jeunesse, de l'éducation populaire et de la vie associative. Monsieur le sénateur, vous venez de le rappeler, les paris constituent une activité sensible et à risques.

Risque pour la santé publique, d'abord, puisqu'on recense aujourd'hui entre 300 000 et 500 000 joueurs pathologiques, dont le désir toujours plus grand de jouer finit par remettre en cause l'équilibre personnel et familial.

Risque pour l'intégrité du sport et l'éthique sportive, ensuite, comme nous le rappellent les faits dont vous parlez, pour lesquels nous devons toutefois laisser la procédure suivre son cours.

Risque plus large pour la sécurité publique, enfin, puisqu'un certain nombre d'affaires de corruption et de blanchiment ont rappelé, sur d'autres continents, combien le marché illégal était une immense machine à cashpour les mafias du monde entier.

Même si la procédure en cours est relative à des paris « en dur », pratiqués dans des réseaux, c'est-à-dire chez les buralistes, il est clair que nous avons été nombreux, au moment de sa discussion, à regretter l'examen en urgence de la loi du 12 mai 2010 par le Parlement, juste avant le championnat du monde de football. Sans doute fallait-il aller vite, en effet, pour permettre à certains de profiter de la poule aux œufs d'or. Quoi qu'il en soit, nous avions alors été nombreux à souligner le risque qu'il y avait à légiférer de cette façon.

Le gouvernement de l'époque a ouvert la boîte de Pandore et, aujourd'hui, comme dans la mythologie, nul ne peut la refermer !

Si cette loi, qui portait sur les paris en ligne, a asséché - et c'est une bonne chose ! - les plateformes illégales pour les compétitions sur notre territoire, elle a aussi fait exploser l'offre de paris, l'offre de communications, l'offre de bonus et l'offre d'appels. Et il est apparu que, dans ce secteur, le nombre de joueurs intéressés aux résultats était toujours plus élevé. C'est dire que le risque est toujours aussi important.

Néanmoins, il n'est pas question de se résigner. Le ministère, avec à ses côtés le mouvement sportif, est donc pleinement mobilisé pour lutter contre ce phénomène, sur notre territoire, bien évidemment, mais aussi au niveau international.

Il se trouve que le 25 septembre dernier, jour où ont été révélés les soupçons de paris frauduleux sur le match Cesson-Montpellier, je recevais le président de la Fédération française de rugby, le président de l'ARJEL et le directeur des sports, qui me remettaient le rapport sur l'intégrité du sport et les paris sportifs.

Nous avons, d'ores et déjà, donné des instructions pour que les acteurs du jeu soient davantage sensibilisés. Il faut que nos directeurs techniques nationaux et l'ensemble des 1 600 cadres de la jeunesse et des sports puissent, avec les fédérations sportives, relayer auprès de l'ensemble des clubs sportifs et du mouvement sportif les risques, informer et sensibiliser tous les acteurs du jeu.

J'ai également écrit aux directeurs régionaux de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale et aux directeurs des établissements pour que les programmes des formations aux métiers de l'animation sportive réservent une place à la sensibilisation aux risques des paris sportifs.

J'en viens à un élément indispensable au sujet duquel j'ai alerté à la fois l'ARJEL, qui est compétente en la matière, et la Française des jeux, qui fixe elle-même ses offres de paris. Il s'agit de s'employer à réduire l'offre de paris. On ne peut pas parier sur tout, on ne peut pas continuer à miser sur des phases de jeux ou sur des matchs qui ont, dirais-je, des intérêts sportifs variables !

Enfin, je viens de finaliser la rédaction d'un décret qui devait être pris depuis longtemps, et qui permet le partage d'informations sur les interdits de jeu entre l'Autorité de régulation et les fédérations sportives.

Sur le plan de l'éthique du sport, il est indispensable, en application du code du sport, de retirer de la liste des sportifs de haut niveau ceux d'entre eux qui seraient reconnus par une instance juridique ou disciplinaire comme ayant truqué ou participé au trucage d'une rencontre.

Vous l'avez dit, il faudra aller plus loin en matière législative. Dans la perspective d'une nouvelle loi de modernisation du sport, il reste à travailler sur les déclarations de soupçon et sur la lutte contre les addictions, qui n'ont pas été assez prises en compte.

Je termine ma réponse, monsieur le sénateur, en évoquant la dimension internationale. En effet, nous ne pourrons progresser que si ce fléau fait l'objet d'une prise en compte internationale.

Cette dimension internationale s'esquisse avec une résolution de l'Union européenne, au sujet de laquelle je suis intervenue le 20 septembre dernier au Conseil informel des ministres à Nicosie. Je retournerai à Bruxelles pour le Conseil formel des ministres qui doit examiner ladite résolution.

Cette dimension internationale se poursuit avec le travail entrepris, au sein du Conseil de l'Europe, pour rédiger une convention internationale juridiquement contraignante. Voilà une dizaine de jours, je me suis rendue à Strasbourg à cette fin, et je profite de cette réponse pour saluer les délégués des différents pays européens qui participent à ce travail, la France occupant pour sa part la vice-présidence. Nous avons en effet besoin d'une mobilisation qui dépasse notre pays.

Monsieur le sénateur, le Gouvernement, aux côtés du mouvement sportif et des autorités de régulation, a sonné la mobilisation générale en la matière. Car il est impossible de faire peser de telles menaces sur le sport, la santé et la sécurité publique !

M. le président. La parole est à M. Stéphane Mazars.

M. Stéphane Mazars. Je vous remercie, madame la ministre, de votre réponse. Elle démontre la prise en compte par le Gouvernement de la difficulté que peut représenter aujourd'hui cette libéralisation des paris sportifs.

Vous nous avez exposé toute la mobilisation qui est la vôtre et celle de vos services. Cette mobilisation se fait de façon concertée avec le milieu sportif pour essayer d'endiguer les éventuelles dérives.

Je m'en félicite et je vous souhaite de mener à bien ce vaste programme.

J'ai bien noté tout ce que vous avez dit. Votre action va désormais s'inscrire dans le temps. Vous avez parlé de la nécessité d'informer et de former, notamment les acteurs du sport. Il y a aussi - je m'adresse là davantage au ministre en charge de la jeunesse - un devoir d'information envers le grand public, en particulier les plus jeunes, qui, à longueur de journée, entendent sur les antennes de radio et les chaînes de télévision des publicités relativement agressives et des campagnes de promotion pour les paris sportifs. Pendant une demi-heure, une heure, voire plus, il est question du bon pari qu'il faudra faire sur le match du samedi soir ou du dimanche après-midi, mais aussi de ces paris insensés portant sur telle ou telle phase de jeux ou sur celui qui marquera le premier but...

Je prends acte de la volonté du Gouvernement de réguler tout cela.

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