M. Pierre Bernard-Reymond. Ma question s'adresse à M. le ministre délégué chargé des transports, de la mer et de la pêche.
Le 13 avril 1987, l'État décidait de réaliser le chaînon manquant autoroutier Grenoble-Gap, l'autoroute A51, commun aux itinéraires Genève-Marseille et Lyon-Nice par les Alpes.
Vingt-six ans après, les populations de cette région et les usagers qui la traversent ou qui s'y rendent, attendent toujours et sont contraints d'emprunter la vieille route Napoléon, qui est à peu près dans l'état où l'a laissée l'Empereur !
(Sourires sur les travées de l'UMP.)
Les services départementaux de l'Isère ont écrit, à l'occasion du débat public, que cette vénérable route ne pouvait pas être améliorée significativement et que, même aménagée, elle ne pouvait en aucun cas constituer une alternative sérieuse à l'autoroute.
C'est certainement la raison pour laquelle, le 26 janvier 2012, le candidat François Hollande s'engageait, dans un entretien accordé à un grand journal régional, à faire réaliser rapidement cette infrastructure, conformément à l'article 10 du Grenelle 1. Il déclarait, à propos de l'A51 : « Il faut terminer celles – les autoroutes – qui sont engagées. Si ces infrastructures sont indispensables pour la sécurité – ce qui est le cas –, si elles correspondent à un projet de désenclavement […] j'y suis favorable. »
Le futur président de la République ne se doutait certainement pas que la commission « Mobilité 21 » classerait ce dossier dans la catégorie « poubelle », c'est-à-dire dans la catégorie des projets à réaliser au-delà de 2050. Ce n'est pas correct !
Faudrait-il attendre encore trente-sept ans, soit une gestation totale de soixante-trois ans, pour réaliser 92 kilomètres d'autoroute ?
Monsieur le ministre, vous comprendrez que la grande majorité des élus et les populations concernées aient reçu cette information comme une provocation et une insulte !
Dans ces conditions, je voudrais vous proposer un compromis justifié par l'ancienneté de ce dossier parfaitement étudié, fondé sur une politique de décentralisation et en n'oubliant pas que la compétitivité d'un pays est la somme de celle de tous ses territoires.
M. le président. Veuillez conclure, cher collègue !
M. Pierre Bernard-Reymond. Si l'État n'a ni les moyens ni la volonté de réaliser cet ouvrage, qu'il en confie la responsabilité aux quatre départements directement concernés – l'Isère, la Drôme, les Hautes-Alpes et les Alpes-de-Haute-Provence – dont les quatre présidents, et parmi eux trois parlementaires socialistes, dont André Vallini, ici présent, sont très favorables à cette réalisation.
Mme Annie David. D'autres personnes y sont très défavorables !
M. Pierre Bernard-Reymond. Je leur fais entièrement confiance, ils sauront vous démontrer que l'A51, c'est possible, tout de suite !
(Applaudissements sur les travées de l'UMP. - M. André Vallini applaudit également, avec force.)
M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué auprès du ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche. Je vous remercie, monsieur le sénateur, de m'interpeller sur le dossier de l'A51 dont j'ai pris connaissance il y a déjà plusieurs mois.
À la fin de votre question, vous me proposez en quelque sorte d'évacuer les obstacles juridiques qui s'opposent à la prise en charge d'un tronçon autoroutier par les collectivités territoriales. C'est juridiquement impossible. Seul un réseau national répondant à un certain nombre de spécificités peut satisfaire aux caractéristiques autoroutières.
Vous avancez l'idée d'une coopération de quatre départements pour faire face à cet enjeu d'aménagement du territoire et mettre aux normes autoroutières le barreau manquant de 90 kilomètres de l'A51.
M. Francis Delattre. C'est un enjeu essentiel !
M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué. Ces 90 kilomètres représentent 2,5 milliards d'euros d'investissement, mesdames, messieurs les sénateurs. Or 75 % de ce coût doit être équilibré par les contributions des collectivités, pour un trafic qui est faible, de 9 000 à 14 000 véhicules par jour. À euro constant, cela signifie que le bouclage financier s'élève à environ 2 milliards d'euros.
Cette proposition me paraît plutôt un effet de style. Comment les conseils généraux pourraient-ils s'engager durablement au travers d'un soutien financier de 2 milliards d'euros ? Je vous invite à ne pas trop creuser cette piste, car on pourrait vous le reprocher par la suite...
En revanche, d'autres solutions sont envisageables. Je pense, notamment, à la proposition avancée par certain élus, sans avoir une vision trop exigeante, dans le cadre des adossements limités à un certain nombre de kilomètres de tronçons, car, judiciairement et financièrement, cela répond à des règles européennes. Je pense surtout à la modernisation de la RN85, viaun cofinancement, ce qui permettrait de satisfaire les attentes de la population en termes d'aménagement du territoire.
Mme Annie David. Eh oui !
M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué. Quoi qu'il en soit, le 9 juillet prochain, le Premier ministre annoncera un projet d'investissement. Contrairement à ce qui s'est pratiqué en d'autres périodes, nous souhaitons avoir un discours responsable, soutenable, afin d'instaurer un rapport de confiance avec les collectivités.
C'est pourquoi une mission sera confiée à chacun des préfets de région pour que puisse être engagée une phase de contractualisation des financements entre les différentes collectivités, qu'il s'agisse des programmes de modernisation des itinéraires, des contrats de projets État-région, de la modernisation du ferroviaire, mais également des projets autoroutiers, en concertation avec les territoires et en tenant compte de leurs priorités, dont j'ai pu comprendre qu'elles pouvaient être extrêmement discutées.
(Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
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