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Patricia Schillinger
Question d'actualité au gouvernement N° 237 au Ministère du redressement


Industrie

Question soumise le 18 octobre 2013

Mme Patricia Schillinger. Ma question s'adresse à M. le ministre du redressement productif et porte sur la situation de l'emploi industriel en France.

Comme vous le savez, monsieur le ministre, notre pays connaît malheureusement, depuis des années, une désindustrialisation qui a lourdement pesé sur les grands équilibres sociaux et économiques. Depuis plus de dix ans, la compétitivité de l'industrie n'a cessé de faiblir.

Au cours des dix dernières années, notre pays aura perdu 740 000 emplois dans le secteur de l'industrie ; depuis 2009, 1 300 petites entreprises, qui faisaient notre tissu industriel, ont disparu. Les délocalisations provoquées par cette baisse de la compétitivité ont contribué à ce recul qui participe au déficit de l'État.

L'habillement et l'automobile sont très concernés par les délocalisations. Dans mon département, l'entreprise Virtuose, dont la liquidation judiciaire a été prononcée au mois d'avril dernier, illustre très bien ce phénomène et le drame de l'industrie française. Malgré un projet de reprise ambitieux et en dépit de la crédibilité du repreneur, la justice commerciale a ordonné la vente aux enchères des machines. Celle-ci a pu être reportée grâce à la mobilisation des salariés et des élus.

Comment accepter que notre outil industriel soit transféré dans des pays où le développement durable ou encore le droit social ne sont pas, ou très peu, respectés ? Ce phénomène amoindrit nos savoir-faire et notre capacité d'initiative.

L'exemple de Virtuose pose le problème de la rémunération des mandataires liquidateurs qui œuvrent à l'encontre de l'emploi et du dynamisme des territoires, condamnant progressivement la filière textile.

Le sort de l'entreprise Virtuose – avec elle, celui de l'industrie textile en France – est d'autant moins acceptable que l'on observe un regain d'intérêt pour le made in France, que vous défendez par ailleurs, monsieur le ministre. Ce regain d'intérêt est d'autant plus justifié que l'on observe, face à la nocivité constatée de certains produits low cost, une volonté de nombreuses marques de retourner vers des productions plus soucieuses de la santé des consommateurs : vers le made in France, par exemple !

Monsieur le ministre, ma question est la suivante : face à cette désindustrialisation persistante, quelles sont les mesures d'urgence que le Gouvernement entend prendre pour soutenir l'activité industrielle ?
(Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – Mme Françoise Laborde applaudit également.)

Réponse émise le 18 octobre 2013

M. Arnaud Montebourg, ministre du redressement productif. Madame la sénatrice, vous avez cité l'exemple d'une entreprise textile, l'une des dernières à fabriquer dans notre pays des chemises pour la mode masculine ; ce dossier est suivi par le commissaire au redressement productif de l'Alsace, M. Muller.

Nous avons pu en effet observer cette particularité. Pour une fois qu'un repreneur s'intéressait à une entreprise en faillite, le tribunal de commerce, plutôt que de donner sa chance à ce repreneur, a décidé de disperser aux enchères les actifs de cette entreprise, après avoir sollicité l'assurance de garantie des salaires pour verser leur dû aux salariés licenciés !

Cette curiosité m'a amené à réagir auprès du procureur général, en lui demandant de ne pas seulement faire du droit, mais aussi de se préoccuper d'économie. Celui-ci a défendu sa position et nous avons ainsi mené un débat entre l'institution indépendante qu'est la justice et l'institution souveraine qu'est le Gouvernement.

Cela a provoqué, comme vous venez de le signaler, une certaine mobilisation sur le terrain, laquelle montre la nécessité de réformer la justice commerciale. Les honoraires des mandataires liquidateurs font l'objet d'une étude de réforme par la Chancellerie, projet conduit par Mme Christiane Taubira.
(Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

Les commissaires au redressement productif sont maintenant présents dans les procédures des faillites et les procédures collectives. Cela ne signifie pas que nous sommes entendus ! (Mme Catherine Procaccia rit.) C'est dans ce cadre que notre représentant a imploré le parquet et le tribunal de bien vouloir donner sa chance au repreneur.

Je souhaite élargir le propos pour répondre à votre interrogation : que faire pour soutenir notre industrie ? Vous l'avez mesuré, cela commence par conserver le plus possible de ce que nous avons, cela continue par rapatrier ce que nous avons perdu, cela se termine par créer ce que nous n'avons pas.

Rapatrier ce que nous avons perdu s'inscrit dans l'action engagée en faveur des relocalisations. Je signale, à ce propos, l'émergence d'un mouvement, minoritaire, certes, mais néanmoins prometteur : il concerne un grand nombre d'entreprises, petites, moyennes ou grandes, qui refont leurs calculs après la vague de délocalisations et commencent à imaginer qu'elles peuvent produire en France.

D'ailleurs, la qualité est au rendez-vous, donnant ainsi satisfaction au consommateur. Vous avez raison de le signaler, madame la sénatrice, les consommateurs se mobilisent à leur tour et réclament maintenant le made in France. Une sorte d'alliance est finalement en train de se constituer entre producteurs et consommateurs pour reconstruire, avec nous tous, l'industrie française.

J'en viens au point le plus important : créer ce que nous n'avons pas. Le Président de la République a annoncé 34 plans industriels que nous avons élaborés à partir de projets des filières industrielles. Ainsi, nous avons un plan pour les textiles innovants, techniques et intelligents, qui conduira la filière textile à se rénover, à innover avec l'aide de l'investissement privé, de la Banque publique d'investissement et du grand emprunt.

Bref, c'est une mobilisation nationale de l'ensemble des forces productives autour de la nouvelle industrie, de la nouvelle France industrielle.
(Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

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