M. Jean-Claude Carle appelle l'attention de Mme la ministre du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité sur les difficultés que rencontrent de nombreuses communes pour appliquer les dispositions de la loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains (SRU) et de la loi n° 2013-61 du 18 janvier 2013 relative à la mobilisation du foncier public en faveur du logement et au renforcement des obligations de production de logement social, à savoir un taux de 25 % de logements sociaux.
Au préalable, il souligne que son propos concerne des communes dont les efforts en faveur du logement social sont réels, soutenus et reconnus par les services de l'État et les instances des schémas de cohérence territoriale (SCOT), des communes respectant les prescriptions des programmes locaux de l'habitat (PLH), voire allant au-delà. C'est le cas de plusieurs communes du département de la Haute-Savoie qui ont construit un nombre important de logements aidés, qui plus est de qualité.
Dans les zones accusant du retard, comme cela peut être le cas dans les départements touristiques et à dominante rurale, cet objectif conduit les collectivités à devoir construire un pourcentage très conséquent de logements sociaux. Dans certains secteurs partant d'un niveau très bas, respecter l'obligation revient à imposer que le programme de logements sociaux dans les années à venir représente un rythme moyen de 50 % des nouveaux logements, voire plus.
Par ailleurs, dans certains départements, les acteurs publics et bailleurs sont confrontés à la problématique de la limitation de la consommation des espaces agricoles, ce qui restreint les possibilités de construction. Et dans les communes dont l'habitat est dispersé, le respect du taux aboutira à une concentration sur un espace très réduit de l'ensemble des logements sociaux.
Il pose alors la question de la réussite de la mixité sociale, de l'équilibre social de l'habitat, du déséquilibre de la population. Il lui demande si l'on ne va pas à l'encontre de l'esprit de la loi « SRU ».
En outre, la base de calcul de la règle des 25 %, incluant l'ensemble des résidences d'une commune, donc les résidences sociales déjà construites, génère une hausse artificielle du nombre de logements, chaque construction de logements aidés renforce l'obligation légale. Le taux réel tend ainsi vers une proportion de logements sociaux proche de 30 %.
Dans les secteurs à géographie contrainte - zones de montagne ou à forte activité touristique - les collectivités se trouvent face à l'écueil de la disponibilité et du prix extrêmement élevé du foncier.
Enfin, les communes, si elles veulent réellement encourager la production de logements sociaux, sont amenées à garantir les emprunts des bailleurs. Or, leur engagement est susceptible d'atteindre des niveaux considérables, représentant plusieurs fois leur propre niveau d'endettement, voire plus que leur budget annuel. Dans de telles situations, l'objectif de 25 % de logements sociaux, dans les délais imposés par la loi, n'est tout simplement pas réaliste.
Or, ces communes se voient appliquer des pénalités. Les élus locaux lui ont fait part de leur désarroi face à ce « casse-tête ». Ils souhaitent que les résidences sociales soient exclues de la base de calcul de l'obligation légale, que l'effort important de cautionnement des communes soit pris en compte dans l'effort financier en faveur du logement social, que soit prolongée d'un an la possibilité de déductibilité des dépenses engagées en faveur du logement social prises en compte dans le calcul du prélèvement annuel, voire l'exemption de pénalités pour les communes faisant preuve d'une réelle bonne volonté.
Il lui demande donc quelles suites le Gouvernement entend donner à ces demandes et, plus largement, quelles mesures il serait susceptible de mettre en œuvre en faveur des communes qui, malgré un engagement soutenu, ne parviennent pas à atteindre les objectifs fixés par la loi.
M. Jean-Claude Carle. Madame la ministre, je souhaite appeler votre attention sur les difficultés rencontrées par de nombreuses communes pour mettre en œuvre les dispositions de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains, dite « loi SRU », et de la loi du 18 janvier 2013 relative à la mobilisation du foncier public en faveur du logement et au renforcement des obligations de production de logement social, à savoir un taux de 25 % de logements sociaux.
Au préalable, je tiens à souligner que mon propos concerne des communes dont les efforts en matière de production de logement social sont réels, soutenus et reconnus par les services de l'État et les instances des schémas de cohérence territoriale, les SCOT ; il s'agit de communes s'efforçant de respecter les prescriptions des programmes locaux de l'habitat, voire d'aller au-delà. J'ai ainsi à l'esprit le cas de plusieurs communes de mon département, qui ont construit un nombre important de logements aidés, qui plus est de qualité. Vétraz-Monthoux, en périphérie de l'agglomération Annemasse-Genève, est l'une d'entre elles.
Dans certains secteurs partant d'un niveau très bas, respecter l'obligation posée dans ces deux lois implique d'imposer que le programme de logements sociaux se fasse, dans les années à venir, à un rythme moyen de 50 % des nouveaux logements, sinon plus.
Par ailleurs, les acteurs publics et les bailleurs sont confrontés à la limitation de la consommation des espaces agricoles, ce qui réduit encore les possibilités de construction et amène à une concentration des logements sociaux sur un espace très limité. Cela va à l'encontre de la mixité sociale et de l'esprit de la loi SRU.
En outre, le mode de calcul de la règle des 25 % entraîne un effet pervers d'accumulation logarithmique. Comme la base de calcul inclut l'ensemble des résidences d'une commune, elle englobe les résidences sociales déjà construites. De fait, chaque construction de logements aidés accroît l'obligation légale. Nous assistons donc à une hausse artificielle du nombre de logements, parmi lesquels la proportion réelle de logements sociaux tend à approcher les 30 % !
De plus, dans les zones de montagne ou celles qui connaissent une forte activité touristique et que vous connaissez bien, madame la ministre, les collectivités et les aménageurs se trouvent confrontés à un écueil de taille, à savoir la disponibilité réduite et le prix extrêmement élevé du foncier.
Enfin, je dois mettre en lumière un danger financier. Les communes, si elles veulent réellement encourager la production de logements sociaux, sont amenées à garantir les emprunts des bailleurs. Or, dans les cas que je viens d'évoquer, pour remplir dans les délais l'obligation légale, leur engagement est susceptible d'atteindre des niveaux considérables, qui représentent plusieurs fois leur propre niveau d'endettement, voire plus que leur budget annuel. Vous conviendrez, madame la ministre, que ce n'est pas sans risque.
En conclusion, dans de telles situations, l'objectif de 25 % de logements sociaux n'est tout simplement ni réaliste ni réalisable dans les délais imposés par la loi. Or ces communes se voient appliquer des pénalités.
Les élus locaux m'ont fait part de leur inquiétude. Ils souhaiteraient que les résidences sociales existantes soient exclues de la base de calcul de l'obligation légale, que l'effort important de cautionnement fourni par les communes soit pris en compte, que la déductibilité des dépenses engagées soit prolongée d'un an, voire que les communes faisant preuve d'une réelle bonne volonté soient exemptées de pénalités.
Je vous demande donc, madame la ministre, quelles suites le Gouvernement entend donner aux demandes que je viens d'exprimer.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Sylvia Pinel, ministre du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité. Monsieur le sénateur, je veux tout d'abord vous remercier de votre question, qui me donne l'occasion de rappeler que la loi du 18 janvier 2013 a fixé à 2025 la date de respect du taux légal de logement social en regard des résidences principales. L'effort de rattrapage pour les communes déficitaires est donc bel et bien étalé jusqu'à cette échéance, par période de trois ans, comme vous le savez ; les services de l'État tiennent compte de cet étalement pour élaborer le bilan triennal.
Cet effort de production est nécessaire, vous l'avez d'ailleurs dit vous-même. En effet, la France compte plus de 1,7 million de demandeurs de logements sociaux. Dans votre département de Haute-Savoie, la demande de logement social est particulièrement importante, avec quelque 18 200 demandeurs au 1erjanvier 2015, soit une augmentation de 5 % par rapport à 2014. C'est dû à l'attractivité de votre région, qui est tout à fait prise en compte par le Gouvernement ; c'est pourquoi, d'ailleurs, nous l'avons placée dans la zone A des régions dont le marché du logement est le plus tendu en France.
Pour produire du logement social, les actions à mettre en œuvre sont bien connues et le Gouvernement a eu l'occasion de les rappeler récemment : mise en place de programmes locaux de l'habitat, délimitation de secteurs de mixité sociale, définition d'emplacements réservés pour la réalisation de programmes de logements locatifs sociaux, utilisation d'outils d'aménagement opérationnels, tels que les zones d'aménagement concerté, ou encore recours au droit de préemption, qui peut être utilement délégué au niveau intercommunal et soutenu financièrement par l'établissement public foncier.
Dans des territoires où le foncier est rare ou cher, comme ce peut être le cas dans les zones touristiques, je vous rappelle que le développement de l'offre sociale ne signifie pas forcément la construction de nouveaux logements.
Les objectifs de rattrapage peuvent tout aussi bien être satisfaits par l'acquisition-amélioration de logements existants ou par la mobilisation du parc privé conventionné avec l'Agence nationale de l'habitat. Ces modes de production, économes de la consommation des espaces naturels et agricoles, peuvent remettre sur le marché de l'offre sociale un parc vacant et contribuer à reconquérir ou revitaliser certains centres-bourgs. Par ailleurs, ils permettent de ne pas augmenter le parc de résidences principales.
S'agissant de la prise en compte des dépenses exposées par les communes en vue de produire du logement social en déduction des prélèvements SRU, le dispositif en vigueur est équilibré et déjà largement incitatif à l'égard des communes.
À l'échelle nationale, les dépenses déduites des prélèvements SRU représentent près de deux fois le montant du prélèvement final opéré sur l'ensemble des communes ; les conditions de report de ces dépenses leur sont déjà largement favorables.
Ainsi, les communes résolument engagées dans une démarche de production d'offre sociale peuvent voir leurs prélèvements ramenés à zéro ou substantiellement diminués.
En revanche, si les garanties apportées par les communes aux emprunts des bailleurs ne sont pas prises en compte en déduction des prélèvements, comme vous l'avez dit, je tiens à vous rappeler que les communes bénéficient, en contrepartie de ces emprunts, de la réservation de logements sociaux.
Quant à votre dernière proposition, dès lors que les résidences sociales constituent une offre de logement pérenne répondant à des besoins propres au sein du territoire communal, je ne vois aucune raison de ne pas les prendre en compte en tant que résidences principales.
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Carle.
M. Jean-Claude Carle. Madame la ministre, je voudrais tout d'abord vous remercier des précisions que vous avez bien voulu m'apporter. Vous avez notamment rappelé que ces obligations sont étalées dans le temps. Il n'en faudra pas moins passer ce cap difficile !
Par ailleurs, je vous remercie d'avoir annoncé que les résidences sociales ne seraient pas prises en compte dans la base de calcul.
En effet, le système en vigueur est extrêmement pervers : plus vous faites d'efforts, plus le niveau des efforts restant à réaliser augmente, et cela dans un contexte extrêmement difficile pour les communes. Je parle bien ici de celles qui font des efforts suffisants, pas des autres. Elles doivent aujourd'hui faire face à des budgets très limités, aux baisses de dotation de l'État et, dans les zones touristiques que vous connaissez bien, madame la ministre, à un FPIC, un Fonds de péréquation des ressources communales et intercommunales, qui est extrêmement pénalisant.
Je souhaite que tous ces problèmes puissent être pris en compte dans un prochain texte législatif, qu'il émane du Gouvernement ou du Parlement. En effet, je le répète, certaines de ces communes s'en trouvent tellement découragées qu'elles sont tentées de payer la pénalité plutôt que d'entreprendre et de construire ! Cela irait à l'encontre de nos vœux à tous et ne ferait qu'augmenter le déficit de logement social dans certains secteurs.
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