M. René Danesi attire l'attention de Mme la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie sur sa circulaire du 15 mai 2013 portant instruction sur la gestion des risques sanitaires liés à l'amiante dans le cas de travaux sur les enrobés amiantés du réseau routier national non concédé, qui introduit une nouvelle contrainte pour les collectivités territoriales gestionnaires de voiries.
En effet, cette circulaire soulève plus de questions qu'elle n'apporte de réponses. Elle a surtout des conséquences inattendues et insidieuses.
En premier lieu, l'article annexe 13-9 du code de la santé publique qui définit exhaustivement les matières et matériaux dans lesquels il y a lieu de rechercher la présence d'amiante n'évoque, en aucun cas, les enrobés utilisés pour la voirie. Globalement, les dispositifs de recherche de l'amiante concernent uniquement les bâtiments. La voirie n'est pas considérée comme telle. Or, cette modeste circulaire étend de facto - c'est-à-dire en-dehors de toute contrainte légale - l'article du code de la santé publique à la voirie.
En deuxième lieu, ladite circulaire prévoit une cartographie des voiries concernées par l'éventuelle présence d'amiante, cartographie qui n'a pas été établie par les directions interdépartementales des routes (DIR). Cela a pour conséquence d'obliger les maîtres d'ouvrage à procéder à des « carottages » systématiques pour rechercher la présence d'amiante avant tous travaux de voirie.
En troisième lieu, il est compréhensible que l'État n'ait pas établi cette cartographie car les voiries potentiellement concernées par la présence d'amiante, selon la circulaire, sont exagérément larges : couches d'enrobés réalisées entre 1970 et 1995 ; certaines couches de surface ; couches de chaussées récentes issues d'enrobés recyclés.
En quatrième lieu, la circulaire du 15 mai 2013 surmonte son défaut de légalité et ses contradictions internes par la recommandation de « carottage » et d'analyse quasi-systématique. Enfin, par le biais de différentes commissions, notamment le comité de pilotage national « travaux routiers – risques professionnels » de novembre 2013, les analyses des « carottages » de voirie sont étendues à la recherche de la présence d'hydrocarbures aromatiques polycycliques
(HAP).
Avec le « guide d'aide à la caractérisation des enrobés bitumineux » ce comité met en place des recommandations sur le recyclage des enrobés contenant des HAP. Sans fondement légal, on recommande aux maîtres d'ouvrage de mettre en œuvre des dispositifs conduisant à un surcoût important. Les bureaux d'études suivent toutes ces recommandations à la lettre et les présentent comme des obligations.
Dès lors, il appartient au Gouvernement d'arrêter ce glissement de la réglementation à la recommandation normative. À défaut, celui-ci donnerait l'impression qu'une solution de repli a été trouvée à l'obligation de limiter le nombre de nouvelles normes et de consulter le conseil national d'évaluation des normes.
Il lui demande, par conséquent, de lui donner des éclaircissements sur l'étendue réelle et effective des recommandations contenues dans la circulaire du 15 mai 2013.
M. René Danesi. Monsieur le secrétaire d'État, la circulaire du 15 mai 2013 du ministère de l'écologie, du développement durable et de l'énergie porte « instruction sur la gestion des risques sanitaires liés à l'amiante dans le cas de travaux sur les enrobés amiantés du réseau routier national non concédé ». Cette circulaire introduit de facto, et par application du principe de précaution, une contrainte supplémentaire pour les collectivités territoriales dans la gestion de leurs voiries. Cette contrainte me paraît illégale, inadaptée et inapplicable.
Cette contrainte est illégale, d'abord, car la réglementation en matière d'amiante ressort exclusivement de l'annexe 13-9 du code de la santé publique, qui énumère exhaustivement les matières et matériaux utilisés dans les bâtiments où il faut rechercher la présence d'amiante. En aucun cas ne sont cités les enrobés utilisés pour la voirie, laquelle ne peut pas être assimilée à un bâtiment. Pourtant, la circulaire du 15 mai 2013 étend de facto, c'est-à-dire en toute illégalité, cette annexe à la voirie.
Cette contrainte est inadaptée, ensuite, car la circulaire prévoit l'établissement d'une cartographie des voiries concernées par l'éventuelle présence d'amiante sans consultation des directions départementales des routes, compétentes pour un tel travail.
Cette contrainte est inapplicable, enfin, car il est impossible d'établir cette cartographie, les voiries potentiellement concernées par la présence d'amiante étant innombrables. En effet, la circulaire cite les routes dont les couches d'enrobés ont été réalisées entre 1970 et 1995, mais aussi les couches récentes issues d'enrobés recyclés.
La circulaire reconnaît elle-même son illégalité et ses contradictions en « recommandant » - j'insiste sur ce mot - le carottage et l'analyse quasi systématique avant tout chantier de voirie.
Comme si cela ne suffisait pas, le Comité de pilotage national « travaux routiers - risques professionnels » de novembre 2013 « recommande » - j'insiste encore une fois sur ce mot - la même démarche de recherche des hydrocarbures aromatiques polycycliques, les HAP, dans son Guide d'aide à la caractérisation des enrobés bitumineux.
Une seconde fois, et sans fondement légal, on « recommande » aux maîtres d'ouvrage des carottages et des analyses qui conduisent à un surcoût pouvant atteindre 50 % du coût total du chantier !
Non seulement on n'en finit plus d'empiler des obligations et des contraintes en tout genre, mais il semble bien que l'administration utilise, pour arriver à ses fins, de simples textes administratifs qui prennent le pas sur les lois, les décrets et les règlements.
Monsieur le secrétaire d'État, pourriez-vous nous donner des éclaircissements sur l'étendue réelle et effective des recommandations contenues dans la circulaire du 15 mai 2013 portant instruction sur la gestion des risques sanitaires liés à l'amiante et sur celles figurant dans le guide du Comité de pilotage concernant les HAP ? S'il s'agit de nouvelles réglementations, il appartient au ministère d'utiliser les procédures légales, c'est-à-dire de publier des décrets en bonne et due forme.
Le glissement de la réglementation à la recommandation normative m'apparaît comme un moyen détourné pour l'administration de ne pas respecter l'engagement pris par le Gouvernement de limiter le nombre de nouvelles normes.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Alain Vidalies, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche. Monsieur le sénateur, vous avez attiré l'attention de Mme la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie sur la circulaire du 15 mai 2013 portant instruction sur la gestion des risques sanitaires liés à l'amiante dans le cas de travaux sur les enrobés amiantés du réseau routier national non concédé.
Vous estimez que cette circulaire introduit de nouvelles contraintes pour les collectivités gestionnaires de voirie, qu'elle poserait plus de questions qu'elle n'apporterait de réponses et qu'elle aurait des conséquences inattendues et insidieuses.
Enfin, le renvoi de la circulaire au Guide d'aide à la caractérisation des enrobés bitumineuxétendrait les obligations de repérage à la recherche d'hydrocarbures aromatiques polycycliques.
Je précise donc que la circulaire du ministère de l'écologie, du développement durable et de l'énergie du 15 mai 2013 n'est destinée qu'aux services gérant le réseau routier national. Elle ne traite que du risque lié à l'amiante et non de celui qui résulte de la présence de HAP.
Le Guide d'aide à la caractérisation des enrobés bitumineuxauquel il est fait référence ne revêt pas de caractère opposable, sous réserve des dispositions réglementaires qu'il reprend. Il a été rédigé en 2013 par un groupe de travail regroupant les professionnels des travaux publics, l'Institut national de recherche et de sécurité, l'INRS, l'assurance maladie et l'administration, pour gérer le risque sanitaire lié à la présence d'amiante ajouté dans les enrobés.
Il constitue donc un guide sur l'état de l'art, dont les maîtres d'ouvrage peuvent se prévaloir avec une certaine garantie pour mettre en œuvre des mesures de prévention adaptées au risque lié à l'amiante routier. Ce guide a été rédigé pour traiter la problématique de l'amiante ajouté dans les enrobés. Les voies à faible trafic et légères sont, de ce fait, exclues.
Le repérage avant travaux constitue le premier maillon de l'évaluation des risques par le donneur d'ordre et l'employeur permettant la mise en œuvre des mesures de prévention adaptées. Son introduction dans la réglementation pour les travaux routiers est en préparation.
La cartographie faite à partir de la connaissance du gestionnaire du réseau routier des travaux réalisés peut se révéler très utile pour limiter les carottages et les analyses en laboratoire avant de nouveaux travaux.
Tous les ministères concernés - santé, écologie, travail - œuvrent de concert pour à la fois éclairer les acteurs de la filière routière sur leurs obligations et pour évaluer les risques sanitaires afin de définir au plus juste l'application de la réglementation « amiante » aux travaux routiers.
M. le président. La parole est à M. René Danesi.
M. René Danesi. Je vous remercie, monsieur le secrétaire d'État, de votre réponse, qui a le mérite d'être officielle et d'être très claire.
En ma modeste qualité de maire d'une commune rurale, j'ai eu l'occasion de constater que le bureau d'études chargé de la rénovation de deux ponceaux que j'aurai l'occasion de décider si j'obtiens pour cela des subventions, avait expressément prévu le carottage et l'analyse détaillée des quelques mètres carrés de macadam concernés...
Alors que la circulaire ne s'appliquait au départ qu'aux routes nationales à forte circulation, comme vous l'avez fort bien dit, monsieur le secrétaire d'État, on voit qu'elle s'applique à deux ponceaux sur un chemin rural de la modeste commune de Tagsdorf, qui compte 350 habitants. Quelle dérive !
Votre réponse va dans le bon sens, monsieur le secrétaire d'État. Elle démontre une prise de conscience sur l'art consommé de l'administration, mais aussi de différents comités Théodule, de contourner un engagement pris par le Gouvernement. Avec tous les collègues élus qui sont concernés, j'attendrai qu'il soit mis bon ordre à ce dossier. C'est que notre pays ne peut plus se permettre, compte tenu de nos contraintes financières, d'empiler de la réglementation ayant pour principal objet de maintenir une administration de contrôle pléthorique et de soutenir éternellement un secteur bien précis de l'économie.
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