M. Jean-Claude Carle interroge Mme la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes sur la compatibilité de certains traitements et suivis médicaux avec l'exercice de professions impliquant la prise en charge de personnes.
L'enquête relative à la catastrophe d'un avion de la compagnie German Wings, le 26 mars 2015, a montré que le copilote de l'avion faisait l'objet d'un suivi psychiatrique et s'était vu prescrire au moins un antidépresseur et un neuroleptique.
Selon la littérature spécialisée, ces médicaments sont susceptibles d'occasionner de nombreux effets secondaires, dont certains très dangereux puisqu'il s'agit d'hallucinations, d'anxiété, d'agressivité, d'idées et comportements suicidaires à fréquence indéterminée. Selon un psychiatre interrogé par la presse, ces traitements sont très forts et de longue durée, incompatibles avec le pilotage.
Plus globalement, il semblerait qu'un certain nombre d'auteurs d'actes dramatiques, étant devenus violents, agressifs, tuant ou se suicidant sans raison, aient pour point commun de prendre des antidépresseurs ou traitements de nature psychiatrique, ou de faire l'objet d'un suivi.
Ces éléments sont source de fortes inquiétudes parmi la population et invitent à poser plusieurs questions importantes.
Il lui demande, d'une part, si la prescription de certains médicaments aux conséquences potentiellement dangereuses ne devrait pas être plus réglementée, encadrée, dans le cas de patients prenant en charge des personnes, par exemple les pilotes, conducteurs de trains, chauffeurs de bus.
D'autre part, il lui demande quel pourrait être le rôle et le degré de responsabilité des praticiens spécialisés assurant le suivi psychologique et psychiatrique de ces patients et si les praticiens ne devraient pas être assujettis à la communication aux services de l'État d'un certain nombre d'informations.
En un mot, il lui demande s'il ne conviendrait pas de mettre en place des « garde-fous » supplémentaires, dans le cas de professions bien particulières.
L'enquête relative à une récente catastrophe aérienne a révélé que le copilote de l'avion faisait l'objet d'un suivi psychiatrique et s'était vu prescrire au moins un antidépresseur et un neuroleptique, posant ainsi la question du suivi des personnes sous traitements psychiatriques, en particulier, lorsque leur pathologie comme leur traitement comportent, du fait de leur activité professionnelle, un risque pour la sécurité des tiers usagers. La dépression est une maladie très fréquente, estimée avec une prévalence d'environ 15 % dans la population générale sur une vie entière. Le suicide est la première complication du trouble dépressif. L'organisation mondiale de la santé (OMS) estime à 1 million le nombre de morts par suicide chaque année dans le monde. On estime que seulement 25 % des patients déprimés reçoivent un traitement adéquat pour leur dépression et la majorité des sujets déprimés qui se sont suicidés ne recevaient pas d'antidépresseurs. Les antidépresseurs, s'ils constituent une réponse appropriée, sont, comme tout médicament, susceptibles de provoquer des effets indésirables qui font l'objet d'un suivi attentif de pharmacovigilance. Dans un contexte de pathologie psychiatrique, les comportements suicidaires et hétéro-agressifs sont difficiles à dissocier de la maladie du patient et, par conséquent, il est difficile d'établir un lien de causalité avec un médicament. La dépression elle-même est associée à un risque accru d'idées suicidaires, d'auto agression et de suicide (évènements de type suicidaire). Ce risque persiste jusqu'à obtention d'une rémission significative. Cependant, malgré la multitude de facteurs potentiellement impliqués dans l'apparition d'un comportement suicidaire, ce risque qui pourrait être lié à une levée d'inhibition par le traitement antidépresseur, est bien identifié et particulièrement surveillé avec cette classe thérapeutique et a fait l'objet d'évaluations régulières au niveau européen. Lors de la prise en charge d'un épisode dépressif, le prescripteur doit systématiquement évaluer le risque suicidaire. Une surveillance étroite des patients et en particulier de ceux à haut risque doit accompagner le traitement médicamenteux spécialement au début du traitement. Ces mises en garde figurent dans l'information légale des produits concernés, ainsi que dans les recommandations de bonne pratique de l'agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) à l'usage des prescripteurs. Celles-ci sont en cours d'actualisation par la haute autorité de santé (HAS). Le signalement, dans certaines situations particulières, des personnes atteintes de dépression et qui suivent à ce titre un traitement, pose la question du respect du secret médical et des conditions dans lesquelles il peut, exceptionnellement, y être dérogé. L'article L 1110-4 du code de la santé publique (CSP) énonce en effet, le principe du droit de tout patient au respect de sa vie privée et au secret des informations le concernant. Le secret médical s'impose à tout professionnel de santé. Le principe du secret médical est pénalement sanctionné et il ne peut y être dérogé que par la loi ou un texte réglementaire pris en application de la loi. Des dérogations légales au secret médical, justifiées par l'intérêt du patient, l'intérêt de la santé publique ou de la protection sociale, la sécurité publique ou encore dans le cadre de la justice, existent cependant. Ainsi, l'article L 1110-4 du CSP précise les conditions dans lesquelles le professionnel de santé peut, avec le consentement du patient, procéder au partage des informations qu'il détient, dans le but d'assurer la continuité des soins et de déterminer la meilleure prise en charge possible. L'article L.3113-1 du CSP impose aux médecins de transmettre à l'autorité sanitaire les données individuelles anonymes relatives aux maladies qui nécessitent une intervention urgente locale, nationale ou internationale et à celles dont la surveillance est nécessaire à la conduite et à l'évaluation de la politique de santé publique. Les articles L.3213-1 à L.3213-10 du même code permettent au médecin de faire hospitaliser d'office, et donc de signaler, les personnes atteintes de troubles mentaux lorsque leur comportement risque de porter gravement atteinte à l'ordre public. Enfin, le médecin ayant en charge une personne dont il estime que l'état de santé doit être pris en compte dans sa vie professionnelle, peut partager des éléments d'information avec le médecin du travail, avec l'accord du patient. Le médecin du travail informé a alors l'obligation d'alerter l'employeur de l'inaptitude au travail. Envisager de nouveaux assouplissements du secret médical nécessite une réflexion. En ce qui concerne plus précisément les pilotes, leur situation relève des règles d'organisation du contrôle de l'aptitude du personnel navigant de l'aéronautique civile, qui sont de la compétence du secrétariat d'État chargé des transports, de la mer et de la pêche auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie.
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