M. François Fortassin. Ma question s'adresse à M. le secrétaire d'État chargé de l'enseignement supérieur et de la recherche.
Monsieur le secrétaire d'État, le monde scientifique est sous le choc. « Trop, c'est trop », a même déclaré le président du Centre national de la recherche scientifique, le CNRS, faisant ainsi écho à la tribune publiée lundi dernier par huit grands chercheurs français, dont sept prix Nobel et une médaille Fields.
Les auteurs de la tribune s'indignent du projet de décret d'avance prévoyant 256 millions d'euros d'annulation de crédits pour la recherche, dont 134 millions d'euros visant les subventions allouées au Commissariat à l'énergie atomique, le CEA, au CNRS, ou encore à l'Institut national de la recherche agronomique, l'INRA, bref au fleuron public de notre recherche-développement ! (M. Jacques Mézard acquiesce.) C'est d'autant plus grave qu'il y va de la croissance et de l'emploi de demain !
L'excellence de notre recherche est – faut-il le rappeler ? – l'un des meilleurs atouts en faveur du redressement économique de notre pays. Selon les plus éminents chercheurs, ces annulations de crédits s'apparentent à un « suicide scientifique et industriel ».
Dans cet hémicycle, nous sommes nombreux à partager un tel point de vue. Et nous sommes plus encore nombreux à ne pas comprendre la décision qui a été prise. Les commissions des finances de l'Assemblée nationale et du Sénat, en désaccord avec de telles coupes budgétaires, ont émis des avis défavorables sur le projet de décret. Elles ont aussi demandé au Gouvernement d'y renoncer.
Allez-vous revenir sur une décision aussi dangereuse pour notre avenir qu'incompréhensible pour nos chercheurs ? Allez-vous renoncer à cette amputation des crédits de la recherche ?
(Applaudissements sur les travées du RDSE et sur plusieurs travées du groupe socialiste et républicain.)
M. Thierry Mandon, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, chargé de l'enseignement supérieur et de la recherche. Monsieur le sénateur, les annulations de crédits prévues dans le cadre du décret d'avance ont effectivement éveillé de fortes inquiétudes au sein de la communauté scientifique, en particulier de la part d'organismes de recherche et de prix Nobel, et de parlementaires de tous les groupes politiques.
Je vous confirme ce que nous avons déjà indiqué devant l'Assemblée nationale : les travaux menés avec les ministres du budget et de l'économie garantissent le caractère technique de ces mesures techniques. Il s'agit d'un recalibrage des fonds de trésorerie des organismes concernés. Les programmes de recherches en cours, ceux qui pourraient être décidés, le fonctionnement des laboratoires ou encore les recrutements prévus au sein des équipes ne seront en aucun cas touchés.
Désormais, compte tenu des explications techniques que nous leur avons apportées, les organismes concernés eux-mêmes estiment que leurs inquiétudes n'ont plus lieu d'être. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.) Je tiens donc à être très ferme s'agissant de l'application du décret d'avance.
En outre, je souhaite porter quelques éléments d'information supplémentaires à l'attention de la Haute Assemblée.
Tout d'abord, de récentes décisions ont été prises pour bonifier les crédits attribués à l'Agence nationale de la recherche, l'ANR. Dès cette année, le taux de réussite des appels à projets lancés par cette instance doit passer de 9 % à 14 %. Cette initiative s'inscrit dans un plan mené sur plusieurs années. L'objectif est d'aboutir à un taux comparable à la moyenne européenne, qui s'établit à 20 %.
Ensuite, dans le cadre du troisième plan d'investissements d'avenir, ou PIA 3, plusieurs milliards d'euros de crédits ont été annoncés.
Les chercheurs, la communauté scientifique dans son ensemble et nous-mêmes avons raison de suivre la compétition internationale en matière de recherche et de rester attentifs aux efforts accomplis par les grands pays. Nous devons trouver les moyens nécessaires. Le chemin est difficile, mais nous sommes tous conscients qu'il s'agit d'une nécessité.
Nous devons continuer à soutenir la recherche dans le cadre imposé par les contraintes budgétaires, comme nous le faisons depuis le début du quinquennat !
(Applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste et républicain. - Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Philippe Dallier. Cela mérite un gage !
(Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. François Fortassin, pour la réplique.
M. François Fortassin. Monsieur le secrétaire d'État, j'entends votre réponse, et je l'apprécie !
Toutefois, les scientifiques et les chercheurs en général sont des esprits cartésiens.
M. Alain Gournac. Ah !
M. François Fortassin. Ils risquent donc de ne pas se satisfaire pleinement de cet équilibrisme comptable !
En définitive, le discours auquel vous tentez de les rallier est digne d'un « David Copperfield de la finance » ! (Sourires et applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur plusieurs travées de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.)
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