M. Jean-Claude Carle. Ma question s'adresse à Mme la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.
Madame la ministre, la réforme du collège que vous avez engagée semble faire l'unanimité contre elle. Cela n'a rien de surprenant, l'actualité démontre bien que, avant toute réforme, les corporatismes font leur œuvre. Force est cependant de constater que cette réforme ne suscite que réprobation de la part des principaux intéressés, que ce soit les enseignants, les parents, les universitaires ou les chercheurs. Et je partage leur réprobation.
Ni les travaux interdisciplinaires ni les nouveaux manuels scolaires n'amélioreront le niveau des 30 % d'élèves qui entrent au collège sans maîtriser les fondamentaux, en ne sachant pas suffisamment lire, écrire et compter.
Or on sait que sur les 150 000 jeunes qui sortent chaque année du système scolaire sans diplôme ou qualification, un sur deux avait soit redoublé son CP, soit connu des difficultés au cours du premier cycle.
La seule véritable réforme dont notre système éducatif a urgemment besoin, c'est celle du primaire.
Plutôt que de déstabiliser le système par de pseudo-réformes et autres effets d'annonce, quand allez-vous, madame la ministre, engager la seule et véritable réforme, la plus porteuse d'égalité : celle du primaire ?
Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Monsieur le sénateur, ce que vous dites est très intéressant. On pourrait d'ailleurs presque croire que nous sommes d'accord !
M. Éric Doligé. Ce n'est pas possible !
M. Jackie Pierre. Encore un petit effort !
Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Nous nous accordons en effet sur le fait qu'il faut donner la priorité au primaire, que c'est dès le plus jeune âge que les savoirs fondamentaux s'acquièrent, que les difficultés se creusent et que c'est donc à ce stade qu'il faut agir, mais ce sont évidemment nos seuls points d'accord. Pour ma part, comme saint Thomas, je ne crois que ce que je vois : je ne crois que les actes.
Passons donc en revue les actes, les vôtres et les nôtres. Vous dites qu'il faut donner la priorité au primaire. Or, pendant les dix ans d'affilée durant lesquels elle a exercé le pouvoir, la majorité à laquelle vous apparteniez a diminué le taux de préscolarisation des enfants de deux ans à la maternelle. De 30 % au début des années 2000, ce taux est passé à 11 % en 2012. Pensez-vous, monsieur le sénateur, que c'est une façon de donner la priorité au primaire ? Pour notre part, nous créons mille postes pour porter ce taux à 30 %.
C'est également la majorité à laquelle vous apparteniez qui, en l'espace de quelques années, a supprimé 80 000 postes dans l'éducation nationale. Qui donc, selon vous, a amélioré l'encadrement des enfants en primaire : vous ou nous, qui créons 60 000 postes, dont les deux tiers sont destinés à l'encadrement des enfants dans le premier degré ?
Entre 2007 et 2012, pour huit enfants supplémentaires arrivant à l'école primaire, vous supprimiez un poste - quelle aberration ! - ; pour notre part, nous en créons un à chaque fois que cinq enfants arrivent à l'école primaire.
(Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. Didier Guillaume. Voilà !
Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Voyez la différence !
Monsieur le sénateur, la majorité à laquelle vous apparteniez ne considérait-elle pas que le rôle des professeurs des écoles à la maternelle était de changer les couches ? Je cite là un propos qui a été tenu en 2008. N'est-ce pas la majorité actuelle qui a rénové fondamentalement les programmes de l'école maternelle, lesquels sont aujourd'hui plébiscités, afin de les rendre plus utiles ? Qui croit donc au premier degré et à l'école primaire ?
Après ces petits rappels, vous ne pourrez qu'être d'accord avec nous si vous voulez effectivement accorder la priorité à l'école primaire.
(Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Carle, pour la réplique.
M. Jean-Claude Carle. Madame la ministre, j'entends bien vos propos, mais ils ne répondent pas à la gravité de la situation : notre école, et vous le savez comme moi, n'assume plus sa mission républicaine, qui est d'assurer une véritable égalité des chances. Vous le savez, un fils d'ouvrier a aujourd'hui dix-sept fois moins de chances de préparer une grande école qu'un fils d'enseignant ou de cadre supérieur ! Or on sait que l'avenir d'un enfant est quasiment scellé lorsqu'il fête son septième anniversaire.
Madame la ministre, il est plus important que la totalité des enfants scolarisés maîtrise d'abord le français avant d'apprendre d'autres langues, fussent-elles l'arabe, le russe ou tout ou dialecte. Si tel n'était pas le cas, le risque serait alors de renforcer les communautarismes tout en stoppant l'ascenseur social.
(Exclamations sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe CRC.)
C'est la cohésion sociale de la Nation qui est en jeu. La France est le pays de l'OCDE le plus inégalitaire !
Allons-nous enfin sortir des dogmes, des postures idéologiques, de la doxa de la rue de Grenelle ?
Notre école n'est ni de droite ni de gauche, elle appartient à l'ensemble de la Nation. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)
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