Mme Marie Mercier attire l'attention de Mme la ministre de la culture sur les seuils d'exportation des biens culturels.
Pour sortir du territoire national, un bien culturel ayant un intérêt historique, artistique ou archéologique est soumis à autorisation selon sa valeur et son ancienneté. Cette réglementation à l'exportation s'applique aux professionnels comme aux particuliers.
Pour ce faire, l'exportateur doit remplir un formulaire, différent selon que la sortie est prévue dans un État membre de l'Union européenne ou dans un État tiers.
La loi sanctionne pénalement les personnes qui exportent ou tentent d'exporter illégalement des biens culturels. La punition est de deux ans d'emprisonnement et de 450 000 euros d'amende.
S'agissant du patrimoine national ou d'œuvres d'intérêt patrimonial majeur, il est normal que l'État dispose de prérogatives régaliennes, qu'il puisse exercer un droit de préemption.
Néanmoins, les seuils de valeur des biens culturels, au-delà desquels ils sont soumis à contrôle avant une éventuelle exportation, sont très bas voire équivalents à zéro pour certaines catégories d'objets. Dès lors, sont concernés des biens qui n'ont pas d'importance significative pour notre patrimoine.
Ceci a pour effet d'engorger les services du ministère de la culture en charge de la certification, et d'imposer des délais administratifs peu adéquats avec les réalités du marché. Dans un rapport d'information n° 4234 (Assemblée nationale, XIVe législature) déposé au nom de la commission des affaires culturelles et de l'éducation de l'Assemblée nationale le 16 novembre 2016, il est noté : « plusieurs des personnes entendues ont déploré que le traitement, par le ministère de la culture, des demandes d'autorisation de sortie du territoire des biens culturels, en principe enfermé dans un délai de quatre mois, se soit allongé depuis quelques années. »
En outre, ces seuils participent d'un protectionnisme qui décourage les propriétaires et pénalise le marché français.
Par ailleurs, marché de l'art et services du ministère de la culture sont dans l'attente d'une clarification relative aux biens asiatiques. Nombre d'entre eux peuvent être classés dans différentes catégories (archéologie, sculpture, antiquité, peinture, dessin, aquarelle), lesquelles fixent des seuils de valeur et d'ancienneté bien différents. Il y a plusieurs années, des travaux ont été menés entre le musée Guimet, des experts et le syndicat national des antiquaires. Néanmoins, aucune clarification n'a pu aboutir à ce jour. Elle serait la bienvenue et participerait, là aussi, au désengorgement des services du ministère et à l'accélération du traitement des demandes d'exportation, grâce à un cadre mieux défini.
Aussi souhaiterait-elle savoir si elle envisage de résoudre ces difficultés, notamment par la réactualisation de certains seuils.
Mme Marie Mercier. Ma question porte sur les seuils d'exportation des biens culturels.
La sortie du territoire national d'un bien culturel ayant un intérêt historique, artistique ou archéologique est soumise à autorisation des services du ministère de la culture, selon sa valeur et son ancienneté. Cette réglementation s'applique aux professionnels comme aux particuliers, et c'est bien normal. L'exportateur doit alors remplir un formulaire, qui diffère suivant que le pays de destination est membre ou non de l'Union européenne.
La loi sanctionne de façon très sévère les personnes qui exportent ou tentent d'exporter illégalement ces biens culturels, les peines prévues étant de deux ans d'emprisonnement et 450 000 euros d'amende.
S'agissant du patrimoine national ou d'œuvres d'intérêt patrimonial majeur, il est tout à fait logique que l'État exerce un droit de préemption. Néanmoins, les seuils de valeur au-delà desquels l'exportation des biens culturels est soumise à contrôle sont très bas, voire quelquefois nuls. Cela a pour effet d'engorger les services du ministère de la culture et impose des délais administratifs extrêmement longs. Dans un rapport d'information déposé par la commission des affaires culturelles et de l'éducation de l'Assemblée nationale, le 16 novembre 2016, et présenté par M. Stéphane Travert, il est indiqué que plusieurs des personnes entendues avaient déploré les délais disproportionnés du traitement de ces demandes d'autorisation d'exportation par le ministère de la culture.
En outre, ces seuils participent d'une sorte de protectionnisme qui pénalise le marché français.
Par ailleurs, la question de la classification des biens culturels asiatiques n'est pas résolue. Il est extrêmement difficile de classer un bien culturel asiatique en vue de l'évaluer, notamment en termes de valeur et d'ancienneté. Est-ce une peinture, un dessin, une aquarelle, une estampe ? Il y a quelques années, le musée Guimet, des experts et le Syndicat national des antiquaires s'étaient réunis pour traiter ce sujet, mais aucune clarification n'a pu être apportée. J'aimerais donc savoir, monsieur le secrétaire d'État, si cette classification va aboutir, de façon à réactualiser certains seuils.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances.
M. Benjamin Griveaux, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances. Madame la sénatrice, je vous rappelle que le dispositif actuel de contrôle de l'exportation des biens culturels répond à un double objectif. Le premier est de permettre la protection des œuvres les plus importantes, que l'État peut qualifier de trésors nationaux. Le second est de contribuer à la lutte contre le trafic illicite des biens culturels, qui a pris une ampleur particulièrement préoccupante, depuis quelques années, dans la zone moyen-orientale.
Depuis l'ouverture du marché unique européen en 1993, l'exportation des biens culturels hors du territoire douanier national est subordonnée à une double réglementation : une réglementation nationale et une réglementation communautaire. La France a fait le choix de calquer le champ d'application national sur le champ d'application européen : les autorisations sont exigibles pour les mêmes biens répartis entre quinze catégories, assorties de seuils de valeur et d'ancienneté, tout cela étant cumulatif.
Cette préoccupation concernant les seuils est prise en compte par le Gouvernement, qui doit cependant veiller à leur proportionnalité et à leur équilibre en fonction de deux enjeux : garantir un bon niveau de protection du patrimoine, ce qui peut parfois justifier des seuils bas pour certaines catégories, et ne pas faire peser des contraintes trop lourdes sur les opérateurs, pour ne pas entraver le développement du marché français de l'art.
En ce qui concerne les délais, des retards ont effectivement été constatés. Il convient d'avoir conscience que les vérifications nécessaires préalables à la délivrance de tels certificats prennent parfois un peu de temps. Il convient en effet de s'assurer que l'émission de ces documents est sécurisée, afin de ne pas contribuer à favoriser la libre circulation de biens culturels qui ne devraient pas se trouver sur le marché.
Enfin, concernant la question des biens culturels asiatiques, les conclusions du travail de clarification que vous évoquez seront très prochainement mises en application, en lien avec les douanes. Cela aboutira mécaniquement à une baisse du nombre des demandes à formuler dans ce secteur. Quant au relèvement des seuils pour certaines catégories nationales, sachant que les catégories communautaires restent inchangées, le Gouvernement a décidé de relancer, en l'actualisant, le travail qui a été réalisé il y a quelques années en vue de modifier l'annexe concernée du code du patrimoine.
L'ensemble de ces dispositions devrait permettre à la fois de sécuriser et de fluidifier les opérations, ainsi que d'avoir un marché français de l'art actif.
M. le président. La parole est à Mme Marie Mercier.
Mme Marie Mercier. Je vous remercie, monsieur le secrétaire d'État, de ces précisions que je ne manquerai pas de relayer.
Je suis tout à fait d'accord avec vous en ce qui concerne la protection du patrimoine. En revanche, s'agissant de la lutte contre le trafic, avec des délais aussi longs, nous favorisons en fait le trafic. En effet, les opérateurs mal intentionnés profitent du système, viainternet ou d'autres voies, pour s'affranchir de l'obligation d'obtenir un certificat d'export et essayer tout de même de vendre le bien.
Il ne faut pas perdre de vue le fait qu'il y a un consensus en faveur d'un relèvement des seuils de valeur des biens et d'une clarification des catégories des biens culturels asiatiques. Les déclarations d'intention doivent maintenant trouver une traduction dans les faits, afin de donner un peu d'air au marché de l'art et aux propriétaires, tout en continuant à protéger notre patrimoine.
Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette question.