M. Jean-Marc Boyer. Ma question s'adressait à M. le Premier ministre.
Voilà dix-huit mois que le Premier ministre a décidé seul, sans concertation, d'imposer l'abaissement de la limitation de vitesse à 80 kilomètres par heure sur les routes départementales.
Oui, 50 % des accidents mortels ont lieu sur les belles routes départementales secondaires, mais leur cause n'est pas la vitesse, qu'elle soit limitée à 90 ou à 80 kilomètres par heure. Ces accidents s'expliquent aussi et surtout par les grands excès de vitesse, la consommation d'alcool ou de stupéfiants, les imprudences. Contrairement aux prévisions d'experts, l'abaissement à 80 kilomètres par heure n'a malheureusement pas permis de sauver plus de vies. Cette mesure est un échec.
Vous l'avez tellement bien compris que vous renvoyez désormais aux présidents des départements la responsabilité d'une décision non concertée, qu'ils n'ont jamais souhaitée. Ils vous avaient pourtant mis en garde.
Ceux qui veulent revenir aux 90 kilomètres par heure sont freinés par les conditions drastiques élaborées par des « instruisous », experts du Conseil national de la sécurité routière, qui, à mon sens, ne doivent jamais se rendre au-delà du périphérique parisien. Demander aux élus de trouver dans leurs campagnes une portion de route de dix kilomètres ne comptant ni carrefour, ni habitation, ni arrêt de transport, ni engin agricole, c'est vraiment se moquer d'eux, c'est tout faire pour les culpabiliser !
Quelque 43 départements réfléchissent et souhaitent revenir aux 90 kilomètres par heure ; 5 départements souhaitent en rester à 80 kilomètres par heure. Enfin, 53 départements s'inquiètent et hésitent. Il en résultera des limitations de vitesse différentes d'un département à l'autre. Ce ne sera pas un gage de lisibilité et de sécurité pour les automobilistes.
Aussi, monsieur le Premier ministre, mettez fin à cette hypocrisie, à cette « guéguerre » des experts, chiffres contre chiffres. Faites cesser ces querelles stériles, qui fracturent nos territoires ! Vous seul pouvez le décider. Revenez sur votre décret du 15 juin 2018. Revenez aux 90 kilomètres par heure. Les élus sauront prendre leurs responsabilités.
(Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Christophe Castaner, ministre de l'intérieur. Monsieur le sénateur Jean-Marc Boyer, 3 248 personnes sont mortes sur les routes l'année dernière. C'est beaucoup trop et, pourtant, ce nombre est historiquement bas et n'avait jusqu'alors jamais été atteint.
Contrairement à ce que vous affirmez, je considère, tout comme l'ensemble des experts qui ont étudié ce dossier, que ce résultat est lié aussi, de façon significative, à l'abaissement de la vitesse autorisée.
M. Jean-Marc Boyer. Non !
M. Christophe Castaner, ministre. On peut ne pas être d'accord sur ce sujet, mais, attention, ce n'est pas parce que vous affirmez quelque chose que c'est une vérité.
M. Jean-Marc Boyer. Vous non plus !
M. Christophe Castaner, ministre. Ce n'est pas parce que j'affirme quelque chose que c'est une vérité.
Il faut, monsieur le sénateur, écouter, et non pas stigmatiser, en particulier le Conseil national de sécurité routière. À cet égard, je vous invite à assister aux travaux de ce Conseil. Je vais d'ailleurs demander que vous soyez informé de la date de leur prochaine réunion.
Ses membres ne sont pas, monsieur le sénateur, des femmes et des hommes qui ne seraient jamais sortis de Paris ; ce sont des femmes et des hommes engagés, exerçant pour beaucoup d'entre eux des responsabilités dans le milieu associatif, qui ont réfléchi et travaillé sur ces thématiques.
J'ai planché devant le Conseil national de sécurité routière, qui est un organisme indépendant du Gouvernement et qui travaille sur ces sujets de la façon la plus proactive. À l'instar de Jacques Chirac, dont l'un des grands chantiers, quand il était Président de la République, avait été la prévention routière, afin de sauver des vies, le Conseil national de sécurité routière travaille chaque jour sur ce sujet.
On peut ne pas être d'accord ; on peut considérer qu'il est essentiel, lors d'un déplacement pendulaire moyen d'une vingtaine de kilomètres, de gagner une minute de temps de trajet en portant la vitesse autorisée de 80 à 90 kilomètres par heure, mais on peut aussi considérer que les 116 vies qui ont été sauvées l'année dernière, notamment du fait de l'abaissement de la vitesse autorisée, justifient cet effort. Oui, monsieur le sénateur, on peut être en désaccord.
Cela étant, je vous invite aussi à convaincre de votre analyse les 53 départements – je reprends le nombre que vous avez cité – qui hésitent. Ils n'hésiteront plus alors à relever la vitesse autorisée à 90 kilomètres par heure.
Je rappelle par ailleurs que les préconisations du Conseil national n'ont pas un caractère obligatoire et que le Gouvernement est désireux de mettre en œuvre l'amendement qui a été débattu dans cette instance et repris à l'Assemblée nationale.
(Applaudissements sur les travées du groupe LaREM.)
M. François Patriat. Très bien !
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