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Patrick Kanner
Question d'actualité au gouvernement N° 1068 au Premier Ministre


Réforme des retraites

Question soumise le 12 décembre 2019

M. Patrick Kanner. Monsieur le Premier ministre, j'espère que vous allez bien !

Vous allez sûrement mieux que les 1,4 million de Français qui vont tomber dans la trappe à pauvreté de votre nouveau système d'assurance chômage.

Vous allez sûrement mieux que les salariés au SMIC, qui n'auront pas de « coup de pouce » en janvier.

Vous allez sûrement mieux que les allocataires de l'aide personnalisée au logement (APL), qui vont payer cash votre réforme en 2020 – nous y reviendrons.

Vous allez sûrement mieux que le revenu de nos agriculteurs, qui attendent en vain les résultats de la loi Égalim.

Vous allez sûrement mieux que nos étudiants, qui ont perdu 35 millions d'euros de crédits dans le projet de loi de finances rectificative pour 2019.

Vous allez sûrement mieux que nos aides-soignants, nos urgentistes, nos enseignants et nos retraités, qui ne sont pas dupes quand ils observent la progression exorbitante des rémunérations des patrons du CAC 40 et les dividendes de 50 milliards d'euros dont vous avez allégé la fiscalité.

Ce ruissellement-là, celui de l'argent-roi, existe bien ! C'est vous et vous seul, monsieur le Premier ministre, qui en êtes responsable !

Dans un contexte délétère et anxiogène, terreau de la poussée de l'extrême droite dans notre pays, vous avez franchi de nouvelles lignes rouges avec les annonces que vous avez faites ce midi.

Ces lignes rouges se nomment « âge pivot à 64 ans », ou encore « prise en compte résiduelle de la pénibilité ». Cette réforme est universelle, certes, mais elle est injuste, car fondée avant tout sur un angle budgétaire, et non sur des principes de solidarité et d'équité.

Monsieur le Premier ministre, en refusant d'écouter les Français et les corps intermédiaires, n'êtes-vous pas en train de briser notre contrat social, fondement de notre pacte républicain ?
(Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe SOCR.)

Réponse émise le 12 décembre 2019

M. Édouard Philippe, Premier ministre. Monsieur le président Kanner, à vous écouter, on croirait que, depuis que nous sommes aux affaires, tout va plus mal. C'est un point de vue que je respecte ! Sa conséquence mécanique est que, au moment où vous avez quitté les affaires, tout allait vraiment mieux ! (Rires et applaudissements sur les travées des groupes LaREM et Les Indépendants, ainsi que sur de nombreuses travées des groupes UC et Les Républicains.)

Monsieur le président, il peut arriver que ma lecture des faits diffère de la vôtre. En tout cas, elle ne me conduit pas à penser que, au moment où vous avez quitté les affaires, tout allait mieux !

J'ai plutôt le sentiment – peut-être n'est-ce qu'une impression – que les Français ont exprimé leur accord avec ma lecture des faits. Or, comme je suis comme vous un démocrate, j'écoute ce que disent les Français, avec beaucoup d'attention.

Mme Sophie Taillé-Polian. Vous êtes le Premier ministre des riches !

M. Édouard Philippe, Premier ministre. Permettez-moi, monsieur le président, de ne pas vous répondre sur l'ensemble des points que vous avez évoqués : cela m'est matériellement impossible à ce stade. Je veux simplement dire un mot sur les retraites.

Selon vous, monsieur le président, nous aurions tort d'annoncer aux Français la mise en place en 2027 d'un âge d'équilibre du système à 64 ans ; ce serait une offense faite à la situation des Françaises et des Français qui doivent pouvoir prendre leur retraite dans de bonnes conditions.

Pourtant, vous avez vous-même approuvé – je n'en ai pas la certitude, mais je l'imagine, et les comptes rendus des débats de l'époque doivent en témoigner – une réforme qui a eu pour impact sur le régime général d'allonger très nettement la durée de cotisation. Cette réforme entrera en application au 1er janvier 2020. Or les projections indiquent – écoutez-moi bien, monsieur le président ! –que l'âge moyen de départ à la retraite dans le régime général – ce régime concerne tout de même 80 % des Français –, qui est aujourd'hui de 63 ans et demi, passera à 64 ans dans les cinq prochaines années, et ce du fait de cette réforme, que vous approuviez en 2014.

M. Jean-François Husson. Et voilà !

M. Édouard Philippe, Premier ministre. Autrement dit, monsieur le président, vous reprochez aujourd'hui à mon gouvernement de dire les choses de façon explicite et de créer un système dans lequel nous assumons les choses, alors même que vous avez mis en place un système qui, pour le régime général, et non pour les autres, conduit à une augmentation continue des durées de cotisation, jusqu'à arriver à un âge moyen de départ à la retraite équivalent.

Voyez-vous, monsieur le président, notre échange me paraît intéressant : il est bon que les Français l'entendent !
(Applaudissements sur les travées des groupes LaREM, Les Indépendants et UC, ainsi que sur des travées des groupes RDSE et Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Patrick Kanner, pour la réplique.

M. Patrick Kanner. Monsieur le Premier ministre, vous avez fait référence à la réforme de Marisol Touraine. Je vous concède volontiers qu'elle n'avait pas mis la France dans la rue !

En revanche, votre système fera que, dans toutes les hypothèses, les Français devront travailler plus s'ils ne veulent pas gagner moins !

M. Édouard Philippe, Premier ministre. Pas du tout !

M. Patrick Kanner. Ce n'était pas le cas dans la réforme de Mme Touraine. Dans ce cadre, vous voulez encore une fois avoir raison, seul contre tout le monde ! C'est cela que les Français vous reprochent ; ils vous le diront très prochainement !
(Applaudissements sur les travées du groupe SOCR.)

M. François Patriat. C'est nul !

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