M. Claude Nougein attire l'attention de Mme la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales sur l'avenir de la ruralité. Les territoires ruraux sont aujourd'hui confrontés à une désertification qui ne fait que s'accentuer. Le premier des freins au développement, en Corrèze par exemple, est l'impossibilité pour les maires d'obtenir des permis de construire à cause, en partie, de la commission départementale de protection des espaces naturels, agricoles et forestiers (CDPENAF). En effet, cette commission rend un « avis conforme » que le préfet est dans l'obligation de suivre.
Suite à de nombreuses décisions arbitraires, certains maires veulent d'ailleurs démissionner, car même avec 100 habitants, sur un terrain à proximité du bourg, donc à proximité des réseaux, il est devenu impossible de construire en zone rurale.
Aujourd'hui, il faut réformer cette commission, soit en ne lui donnant qu'un avis consultatif, ou un avis simple et en laissant le préfet décider in fine, soit en la modifiant pour qu'elle devienne paritaire, entre les élus locaux et les représentants des différents organismes.
Il lui demande donc si elle peut envisager la modification de la CDPENAF afin de réduire la désertification de nos territoires ruraux.
M. Claude Nougein. Monsieur le ministre, les territoires ruraux sont aujourd'hui confrontés à une désertification qui ne fait que s'accentuer. Par exemple, en Corrèze, département dont je suis élu, le premier des freins au développement est l'impossibilité pour les maires de communes hyper-rurales d'obtenir des permis de construire, à cause, pour partie, de la Commission départementale de la préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers, la fameuse CDPENAF.
Cette commission, composée majoritairement de « personnalités qualifiées agricoles et environnementales » – on les appelle ainsi –, est par principe contre tout ! Et son poids est irrémédiable, puisque le préfet doit en suivre l'avis conforme.
Je veux bien admettre qu'il a pu autrefois exister du mitage. Mais, avec les nombreuses lois qui existent aujourd'hui, ce n'est plus possible ! Dans ces conditions, pourquoi refuser par principe des permis de construire dans des zones viabilisées ? Le retour de balancier va trop loin. Certes, il a pu y avoir des abus à une époque dans la délivrance des permis de construire. Mais, à présent, nous avons basculé – c'est un mal français – dans l'excès inverse. En Haute-Corrèze, nous assistons à un véritable blocage des permis de construire.
C'est terrible pour le territoire et catastrophique pour son développement !
D'ailleurs, certains maires veulent démissionner ou ne pas se représenter. Même avec 100 habitants, sur un terrain à proximité du bourg, donc des réseaux, la commission leur dit : « non » ! Le maire, qui a beau défendre lui-même son projet, n'obtient jamais gain de cause.
Il faut, me semble-t-il, réformer cette commission, soit en rendant son avis consultatif et en laissant le préfet décider in fine– il aura plus de bon sens que les membres de cette commission –, soit, mieux encore, en modifiant sa composition pour qu'elle devienne paritaire entre les élus locaux, c'est-à-dire les maires, et les représentants des organismes agricoles et environnementaux. C'est le souhait de nombreux maires et de pratiquement tous les élus de mon département.
Car une telle politique, que je qualifierais d'« intégriste », finit de dépeupler notre territoire rural, qui est déjà sinistré.
Comble du comble, ceux qui interdisent les constructions sont les premiers à déplorer la fermeture des écoles et des services aux publics !
Monsieur le ministre, pouvez-vous modifier la composition de cette CDPENAF, afin de réduire la désertification de nos territoires ruraux ? C'est très urgent.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Julien Denormandie, ministre auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ville et du logement. Monsieur le sénateur, je partage votre volonté de lutter contre la désertification et de pouvoir construire plus là où c'est nécessaire.
Les débats que nous avons eus dans le cadre de la loi portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique, dite loi ÉLAN, ont permis des avancées, y compris sur des sujets ô combien compliqués. Je pense par exemple à la loi relative à l'aménagement, la protection et la mise en valeur du littoral, dite loi Littoral, ou à l'avis conforme des architectes des bâtiments de France.
Il faut avoir une approche exhaustive sans faire de faux procès – ce n'est pas ce que vous faites – à la CDPENAF, dont les trois quarts des avis sont positifs. Et ceux qui ne le sont pas peuvent faire l'objet de recours pour illégalité de la part des habitants ou des élus locaux.
Les avis négatifs portent parfois sur des projets qui concernent des situations particulières, en zone agricole, en ayant par exemple pour effet de changer la destination de bâtiments agricoles ou de porter atteinte à des productions sous AOP.
Vous évoquez également le caractère paritaire de la composition de la CDPENAF. À mes yeux, cette parité est assurée. Cette commission est composée de représentants de l'État, d'élus, à hauteur de cinq voix sur dix-huit, et de représentants des agriculteurs, des associations concernées, des organisations syndicales, des chasseurs, des notaires et de l'Institut national de l'origine et de la qualité, l'INAO. Je suis ouvert à la discussion sur le sujet, comme nous l'avons fait dans le cadre de la loi ÉLAN.
Avec mon homologue au ministère de l'agriculture, nous allons envoyer dans les toutes prochaines semaines une nouvelle circulaire sur les objectifs et les modalités de fonctionnement de la CDPENAF. Elle sera élaborée conjointement entre nos deux ministères et adressée aux préfets. Le droit a en effet évolué depuis la dernière circulaire guidant l'action de la CDPENAF, qui date de 2012. Nous souhaitons que cette nouvelle circulaire puisse être adressée très rapidement et tienne compte des cas de figure que vous évoquez.
Je suis ministre chargé du logement, mais j'étais ingénieur agronome à l'origine. Je comprends bien les difficultés que vous soulignez, et j'ai conscience de l'importance des enjeux.
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