M. Daniel Chasseing attire l'attention de M. le ministre de l'action et des comptes publics sur l'émotion que suscite, au sein des communautés de communes, le projet de suppression, à plus ou moins long terme, des trésoreries sur l'ensemble du territoire national et leur remplacement par un ou deux services facturiers (SFACT) en « back office » par département. Ce projet, conçu par la loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019, s'il était concrétisé, ne serait pas sans conséquence sur l'avenir des territoires, notamment les ruraux, les services des impôts des particuliers, les services des impôts des entreprises et les communes, notamment les petites, qui consultent très régulièrement leur trésorier, qui est leur conseiller, surtout dans les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) éloignés des villes. Et même si le concept de déconcentration de proximité est formulé, un certain nombre de questions se posent légitimement quant à la mise en œuvre de ce projet de réforme, après l'expérimentation en cours, en particulier la situation des fonctionnaires, dont on se demande s'ils seront bien au service des usagers en général, et, plus particulièrement, des élus ruraux dans le cadre de l'établissement des budgets communaux.
M. Daniel Chasseing. Madame la secrétaire d'État, ma question porte sur le projet de suppression, à plus ou moins long terme, de l'ensemble des trésoreries situées sur le territoire national et leur remplacement par un ou deux services facturiers par département.
Ce projet suscite une certaine émotion chez les maires et présidents de communautés de communes, qui, il faut bien le reconnaître, n'ont pas été consultés, même s'ils en ont été informés, et ce en particulier dans le monde rural.
Ce projet, conçu par la loi de finances pour 2019, s'il était concrétisé, ne sera pas sans conséquence sur l'avenir des territoires dans la mesure où il concerne, certes, les services des impôts des particuliers et des entreprises, mais aussi ceux des communes, notamment les petites, qui consultent très régulièrement leur trésorier, celui-ci exerçant de ce fait la fonction de conseiller financier, surtout dans les EPCI, les établissements publics de coopération intercommunale, éloignés des villes. Je le reconnais, à l'avenir, les choses évolueront, mais, pour l'instant, les maires ruraux s'inquiètent.
Ainsi, bien que le concept de déconcentration de proximité soit formulé, un certain nombre de questions se posent légitimement quant à la mise en œuvre de ce projet de réforme, après l'expérimentation en cours. En particulier, on se demande si les fonctionnaires seront bien au service des usagers en général dans les MSAP, les maisons de services au public, et au service rendu aux élus ruraux dans le cadre de l'établissement des budgets communaux.
Par ailleurs, qui paiera ces agents : l'État ou les collectivités territoriales ? S'il s'avérait que ce seront ces dernières, il serait regrettable – même si nous en avons l'habitude… – qu'une réforme de l'État se traduise par un transfert de charges.
Deux constatations, pour finir. D'abord, des risques résulteront de la disparation de la séparation de l'ordonnateur et du comptable, jusqu'ici l'un des fondements des finances publiques et un outil déterminant de la bonne gestion des collectivités territoriales. Ensuite, le Président de la République a annoncé lors de sa conférence de presse consécutive au grand débat, soit bien après le vote de la loi de finances pour 2019, qu'il faudrait enlever des fonctionnaires de Paris pour les remettre sur le terrain : la suppression des trésoreries ne serait-elle pas contradictoire avec cette volonté politique, que, par ailleurs, j'approuve ?
À titre personnel, je ne suis pas opposé aux réformes et j'ai bien conscience que l'administration doit évoluer en fonction de l'évolution de la société. Mais ne serait-il pas opportun d'adapter progressivement lesdites réformes, en particulier celle-ci, aux spécificités des territoires, à commencer par les territoires ruraux ? Plutôt que de supprimer toutes les perceptions d'un coup, le Gouvernement ne pourrait-il pas agir progressivement, pour laisser à celles du milieu rural le temps de s'adapter à la nouvelle donne ?
Les élus locaux attendent avec intérêt la réponse du Gouvernement sur ce sujet essentiel.
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé. Monsieur le sénateur, la réponse qu'a préparée mon collègue Olivier Dussopt étant un peu longue, je me permettrai de vous en transmettre le texte ; dans cette réponse orale, j'irai à l'essentiel.
Le maillage de la DGFiP est l'un des plus denses de l'administration d'État, avec en 2019 près de 3 600 points de contact avec les usagers, particuliers, entreprises et collectivités territoriales. Cette présence importante traduit la diversité des missions qu'exerce la DGFiP et leur évolution, mais elle doit être repensée pour répondre davantage aux besoins actuels des usagers, dont les collectivités territoriales, notamment rurales, et permettre une amélioration des conditions de travail des agents.
La DGFiP voit donc ses missions évoluer profondément depuis deux ans et continuera à se transformer avec des chantiers d'ampleur. Le réseau se transforme en permanence pour s'adapter aux évolutions démographiques et aux nouveaux modes de relation avec le public, liés notamment aux nouvelles technologies, tout en cherchant à s'adapter le plus possible aux besoins.
Depuis 2012, près de 700 points de contact ont été fermés, soit environ 18 % du réseau. Jusqu'à présent, ces évolutions se décidaient annuellement, sans visibilité territoriale d'ensemble et sans que les élus, la population et les agents soient toujours bien informés en amont. Des accueils dans d'autres lieux, mutualisés avec d'autres services publics, étaient parfois prévus, mais pas de façon systématique.
À la suite des annonces du Président de la République et sous l'autorité du Premier ministre, le ministre de l'action et des comptes publics a souhaité engager une démarche fondamentalement différente, privilégiant une réflexion globale, pluriannuelle, concertée et prenant en compte l'attente forte de nos concitoyens de bénéficier d'un service public plus proche d'eux, mais aussi plus efficace.
Le Gouvernement souhaite en effet assurer une meilleure accessibilité des services publics pour la population, notamment dans les territoires où le sentiment d'abandon de l'État se développe. Il entend aussi porter une attention toute particulière aux usagers qui sont peu familiers, voire éloignés des outils numériques, sans renier la nécessaire modernisation des services publics.
Il s'agit de tirer parti des nouvelles organisations du travail comme des nouveaux usages pour s'organiser différemment : d'un côté, concentrer et dématérialiser les tâches non visibles par le public pour gagner en efficacité et en rapidité de traitement, sans dégrader la qualité du service public ; de l'autre, fournir une offre de service nouvelle en augmentant très fortement les sites où un accueil physique de proximité sera assuré.
Enfin, cette évolution doit permettre également d'améliorer les prestations offertes en matière de gestion comptable et financière des collectivités territoriales. Le ministre de l'action et des comptes publics écrira personnellement cette semaine aux grands élus et à leurs associations représentatives pour leur expliquer cette démarche.
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