Mme Patricia Schillinger attire l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur le devenir des clercs de notaire ayant pu bénéficier d'une habilitation et plus particulièrement sur les difficultés de ceux d'entre eux qui, dans les conditions du décret n° 2018-659 du 25 juillet 2018, souhaitent bénéficier de la passerelle mise en place par le Gouvernement pour obtenir le titre de notaire. En effet, dans le prolongement de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques, qui supprime à compter du 31 décembre 2020 la possibilité d'habilitation, le Gouvernement a mis en place une passerelle permettant aux clercs habilités, justifiant d'une durée d'expérience de quinze ans au moins entre le 1er janvier 1996 et le 1er août 2016 de devenir notaires sans avoir à justifier du diplôme de notaire. À cette condition s'ajoute en Alsace-Moselle l'exigence de l'obtention d'un concours de droit local conformément à l'article 110 du décret n° 73-609 du 5 juillet 1973. En comparaison avec le reste de la France, l'accès à la profession de notaire pour les clercs habilités s'y trouve donc plus compliqué. Alors que la loi susvisée a permis sur le reste du territoire la création de nombreuses études, ses effets en Alsace-Moselle sont plus que mitigés tandis que le dispositif de passerelle ne joue pas son rôle. Sur l'ensemble des clercs habilités ayant accès au dispositif « passerelle », aucun n'a pu s'installer comme notaire. En conséquence, afin de répondre à la situation des clercs d'Alsace-Moselle assermentés depuis plus de quinze ans, elle lui demande si elle est prête à assouplir les conditions d'accès à la profession de notaire pour ce public spécifique dont les compétences et qualités professionnelles sont éprouvées.
Mme Patricia Schillinger. J'appelle l'attention de Mme la garde des sceaux sur l'avenir des clercs de notaire habilités alsaciens et mosellans.
Avant la loi du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques, il était possible, pour les notaires, d'habiliter certains de leurs clercs. Considérant que cette possibilité constituait un frein au recrutement de notaires, il a été décidé d'y mettre fin à partir du 31 décembre 2020.
Pour faire face au bouleversement que cela constitue pour les clercs habilités, une passerelle a été mise en place pour permettre à ceux-ci, sous conditions d'expérience, d'acquérir la qualité de notaire et d'exercer en tant que tel.
Toutefois, en Alsace et en Moselle, la situation est un peu plus compliquée. En effet, il s'y ajoute, pour les clercs habilités disposant d'une ancienneté minimale de quinze ans, l'exigence d'un concours de droit local. Les clercs en question, n'ayant eu accès à ce concours que depuis un décret du 25 juillet 2018, n'auront concrètement disposé que de deux ans pour réussir cette épreuve.
Par ailleurs, outre le sacrifice que représente ce concours pour des personnes qui ont souvent à assumer des charges familiales, cette épreuve a quelque chose de dévalorisant pour des professionnels aguerris, justifiant pour certains de plus de vingt ans d'expérience, tant et si bien qu'ils ne sont qu'une poignée à s'être présentés à cette épreuve et que seulement deux d'entre eux l'ont passée avec succès.
En outre, mis à part la difficulté à obtenir ce concours, il s'avère, que, une fois le concours obtenu et dans l'hypothèse où ils souhaiteraient acquérir leur propre étude, leur expérience n'est absolument pas prise en compte.
En conséquence, au regard des résultats plus que mitigés de cette passerelle en Alsace-Moselle, le Gouvernement est-il disposé, monsieur le secrétaire d'État, à revoir, pour ce public, les modalités, voire l'exigence de l'obtention, du concours de droit local ? Plus généralement, quelles mesures est-il prêt à mettre œuvre pour faciliter l'accès, pour ces clercs, à la profession de notaire ?
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Laurent Nunez, secrétaire d'État auprès du ministre de l'intérieur. Madame la sénatrice, la loi du 6 août 2015 précitée a supprimé la possibilité, pour les notaires, d'habiliter certains de leurs clercs à donner lecture des actes et des lois et à recueillir les signatures des parties. Ces dispositions étant applicables en Alsace-Moselle, les habilitations des clercs alsaciens ou mosellans prendront donc fin, comme sur le reste du territoire français, au 31 décembre 2020.
Afin de compenser les effets de cette mesure, le Gouvernement, au travers de l'article 17 du décret du 20 mai 2016, permet aux clercs habilités justifiant de quinze années d'expérience d'être dispensés des conditions de diplôme pour accéder aux fonctions de notaire.
L'ensemble des clercs habilités du territoire français bénéficiant des mêmes dispenses à situation égale, il ne saurait y avoir de rupture d'égalité entre les clercs alsaciens ou mosellans et les autres. L'exigence supplémentaire, pour les clercs souhaitant accéder au notariat en Alsace-Moselle, de passer le concours prévu à l'article 110 du décret du 5 juillet 1973 tient aux particularités juridiques locales, lesquelles constituent un principe fondamental reconnu par les lois de la République, dégagé au travers d'une décision QPC du Conseil constitutionnel du 5 août 2011.
Toutefois, l'élaboration du rapport prévu par l'article 52, paragraphe VII, de la loi du 6 août 2015, relatif à l'opportunité d'étendre en Alsace-Moselle le dispositif de liberté d'installation, pourra être l'occasion d'étudier les modalités d'assouplissement des conditions d'accès à la profession de notaire pour les clercs habilités d'Alsace-Moselle. Cette réflexion sera menée en concertation avec l'ensemble des parties prenantes.
Mme la présidente. La parole est à Mme Patricia Schillinger, pour la réplique.
Mme Patricia Schillinger. Monsieur le secrétaire d'État, permettez-moi d'insister sur le caractère singulier de la situation de ces clercs, dont certains ne souhaitent même pas devenir notaires. Sans ce concours de droit local, ils subiront une véritable régression de leur carrière. Ils seront déclassés.
En conséquence, je vous serai extrêmement reconnaissante de bien vouloir ouvrir le dialogue avec ces professionnels, afin de dégager une solution qui leur permette d'achever sereinement leur carrière. Il n'y aura pas de solution sans dialogue.
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