M. Daniel Chasseing. Monsieur le président, mes chers collègues, ma question s'adresse au ministre des solidarités et de la santé, auquel je souhaite la bienvenue au Sénat…
(Sourires et applaudissements sur diverses travées.)
L'article 34 du projet de loi d'accélération et de simplification de l'action publique, dit ASAP, prévoit de libéraliser la vente en ligne de médicaments. L'objectif est d'encourager le développement de plateformes mutualisées et des locaux de stockage afin d'externaliser une partie des activités de vente des officines.
Les médicaments ne sont pas des biens de consommation comme les autres ; 95 % de la profession et des Français sont opposés à une telle ouverture du marché.
Le pharmacien est un professionnel de santé qualifié, disponible, à l'accès sans rendez-vous. Il est une porte d'entrée pour les soins primaires et la prise en charge des soins non programmés. Les missions des officines se diversifient, s'ouvrant à la prévention, aux vaccinations, au dépistage et aux interventions dans les établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes
(Ehpad).
Nous savons que l'adoption de cet article va se traduire par une perte de chiffre d'affaires. Or fragiliser le modèle économique des pharmacies pourrait conduire à des fermetures, notamment en milieu rural. En Allemagne et en Angleterre, un tiers des pharmacies sont menacées.
Monsieur le ministre, la pharmacie est un maillon incontournable dans le circuit des médicaments, pour leur prise en charge sécurisée. Ce projet remettrait en cause le maillage territorial, avec une diminution du nombre de pharmaciens adjoints, estimée à 5 000.
Avant la logique commerciale, nous devons préserver le lien de proximité. Cette réforme n'apparaît-elle pas contradictoire avec la volonté du Gouvernement d'améliorer l'offre de soins dans les territoires, notamment ruraux ?
(Applaudissements sur des travées des groupes Les Indépendants, Les Républicains et UC.)
M. Emmanuel Capus. Très bien !
M. le président. La parole est à M. le ministre des solidarités et de la santé, auquel je souhaite la bienvenue.
Vous verrez, monsieur le ministre, que l'on s'habitue très vite au Sénat !
M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé. Je vous remercie, monsieur le président. Je suis très honoré de m'exprimer aujourd'hui devant le Sénat.
Mesdames, messieurs les sénateurs, cher docteur Chasseing, votre question ne m'étonne pas, car je sais que vous êtes médecin généraliste en Corrèze, un département qui, comme de nombreux autres, souffre déjà de la désertification médicale. (Murmures sur les travées des groupes Les Républicains et CRCE.) Je comprends que c'est à ce titre que vous vous inquiétez de la possible disparition, demain, des pharmacies, qui sont des maillons essentiels de l'accès aux soins dans ces territoires sous-dotés.
Votre question porte sur l'article 34 du projet de loi d'accélération et de simplification de l'action publique, qui vise à simplifier, sans remettre en cause les équilibres de la vente en ligne, certains dispositifs de celle-ci.
Je rappelle que la vente en ligne des médicaments est autorisée dans notre pays depuis quelques années, à la suite d'une décision européenne, et que les conditions d'application fixées par le projet de loi en limitent énormément la portée, parce que la France s'oppose à ce que de grandes plateformes, notamment étrangères, puissent, demain, vendre des médicaments aux Français dans des conditions de sécurité et de qualité qui ne seraient pas établies et qui viendraient mettre en difficulté le maillage territorial des pharmacies, lequel, je le répète, est absolument essentiel.
J'entends, d'ailleurs, que, dans le projet de loi, le mot « plateforme » puisse inquiéter, voire, parfois, choquer. Le Gouvernement n'a jamais eu l'intention d'aller vers des plateformes de vente en ligne de médicaments comme Amazon – pour ne pas le nommer – ou d'autres. Le texte prévoit bien que cette activité restera sous la seule responsabilité du pharmacien d'officine, pour couper court à tout risque. J'espère que cette précision apaisera vos inquiétudes. Des amendements seront déposés pour clarifier les dispositions applicables et supprimer jusqu'à la notion même de plateforme.
Je précise que ces mesures de simplification ne doivent pas fragiliser les officines, dont la présence est indispensable sur le territoire.
Je m'y engage, en cohérence, d'ailleurs, avec la politique de santé menée dans notre pays, depuis trois ans maintenant, par Agnès Buzyn, qui vise, au contraire, à donner de nouvelles missions aux pharmaciens d'officine sur notre territoire.
(Applaudissements sur les travées des groupes LaREM, Les Indépendants et RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour la réplique.
M. Daniel Chasseing. Je vous remercie, monsieur le ministre. Pas de numérisation en dehors de la pharmacie, dites-vous.
Votre position n'a pas changé, puisque, en 2014,…
M. Michel Savin. Il était socialiste, à l'époque !
M. Daniel Chasseing. … vous déclariez que « le site internet étant adossé à une pharmacie physique, les patients pourront si nécessaire se rendre dans une officine et échanger avec un pharmacien. Ceci constitue une garantie majeure de sécurité » et « évitera la surconsommation de médicaments. »
J'espère que le Gouvernement…
M. le président. Il faut conclure.
M. Daniel Chasseing. … vous suivra dans ce sens. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants.)
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