M. le président. La parole est à M. Patrick Kanner, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
(Applaudissements.)
M. Patrick Kanner. Monsieur le Premier ministre, votre gouvernement et le Président de la République affrontent une séquence calamiteuse, marquée par un triple fiasco.
Le fiasco de la propagande électorale : la commission d'enquête sénatoriale fera son travail.
Le fiasco démocratique : avec 20 points de participation en moins par rapport aux élections de 2015, c'est une alerte majeure, dont nous devons collectivement tirer les conséquences. Le Président de la République, avec une grande légèreté, donne comme simple explication : « Les gens n'avaient pas du tout la tête à cela. » (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.) Quel manque de considération pour le travail des élus locaux et, surtout, quel mépris pour les citoyens !
Enfin, c'est un fiasco électoral pour La République En Marche, ce parti « virtuel » composé de « cliqueurs », comme le qualifie le président Patriat, et donc pour le Président de la République lui-même, qui était, malgré ses dénégations, la véritable tête de liste de ces élections. (M. le Premier ministre s'inscrit en faux.) Je vous renvoie à son tour de France ou aux candidatures du tiers de ses ministres, avec le résultat que l'on connaît.
Conséquence de la verticalité du pouvoir que vous avez installée depuis 2017, ce sont non seulement les élections territoriales que les Français ont boudées, mais, surtout, votre politique et l'action personnelle du chef de l'État.
M. François Patriat. Pas du tout !
M. Patrick Kanner. Alors, monsieur le Premier ministre, pour tirer les conclusions de ce triple fiasco, et plutôt que de relancer une réforme des retraites injuste et totalement décalée en cette période, je vous fais une proposition, qui, d'ailleurs, aurait le mérite de satisfaire un engagement présidentiel, une parole donnée en 2017 : débattez ! Débattez avec le Parlement en convoquant, dès juillet, le Congrès, sur le fondement de l'article 18 de la Constitution. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.) Nous sommes les représentants de la Nation. Nous avons des choses à vous dire sur l'état de la France et sur votre bilan.
(Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Jean-François Husson. Rappelez François Hollande !
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Jean Castex, Premier ministre. Monsieur le président Patrick Kanner, si vous pensez que c'est la convocation du Congrès qui aurait pu drainer davantage de nos concitoyens à ces élections, je vous laisse la responsabilité de cette appréciation !
(Rires au banc du Gouvernement. – Protestations sur les travées du groupe SER.)
M. David Assouline. Ne déformez pas ce qu'a dit M. Kanner !
M. Jean Castex, Premier ministre. Il est quand même curieux – ce n'est pourtant pas la première fois que je l'entends – que l'on nous reproche d'avoir voulu « nationaliser » ces élections, ce qui n'a pas été le cas.
(Exclamations ironiques sur les travées des groupes SER et Les Républicains.)
M. Rémi Féraud. Si, vous l'avez fait !
M. Jean Castex, Premier ministre. Je le dis de la façon la plus claire possible : c'étaient des élections locales. Ce n'est pas parce que nous n'avons pas souhaité les nationaliser que le Gouvernement de la République considère qu'il s'agit d'élections secondaires. Ce sont des élections extrêmement importantes pour la démocratie locale.
Monsieur Kanner, je suis, comme vous, extrêmement préoccupé par l'abstention massive qui a caractérisé ces scrutins.
Nous allons tout de suite – vous y avez fait allusion, je suis votre raisonnement – traiter la question des graves dysfonctionnements qui ont caractérisé l'acheminement des plis et de la propagande électorale, sur lesquels M. le ministre de l'intérieur s'est exprimé ici même mardi 22 juin, et hier encore à l'Assemblée nationale.
(Exclamations sur les travées des groupes SER et Les Républicains.)
Le Sénat a donné à sa commission des lois les prérogatives d'une commission d'enquête sur ce sujet ; nous répondrons à toutes ses questions. L'objectif est évidemment que de tels dysfonctionnements ne se reproduisent pas !
(Exclamations de satisfaction ironique sur les travées des groupes SER et Les Républicains.)
Beaucoup d'anciens chefs d'exécutifs locaux siègent sur ces travées ; ils ont eu à appliquer le code de la commande publique et connaissent parfaitement les responsabilités des personnes responsables de la conclusion de marchés publics et des titulaires de ceux-ci. C'est un dispositif législatif, adopté ici même, que nous avons appliqué et qu'il faudra sans doute faire évoluer, comme M. le ministre de l'intérieur l'a lui-même déclaré.
M. Marc-Philippe Daubresse. Laissez faire les maires !
M. Jean Castex, Premier ministre. Plus grave encore est la question de l'abstention. Je tiens à répéter, sans nullement chercher de la sorte à nous dédouaner, qu'il s'agit d'une interpellation collective. On peut toujours se renvoyer la balle, mais je crains que cela n'alimente encore davantage le désintérêt de nos concitoyens. Je vous le dis comme je le pense ! Nous prenons toute notre part de responsabilité.
(Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.)
Voyons, mesdames, messieurs les sénateurs : soit vous considérez, comme moi, qu'il s'agit de sujets extrêmement préoccupants,…
M. Jean-François Husson. Alors, il faut agir !
M. Jean Castex, Premier ministre. … soit vous en faites le prétexte d'interpellations permanentes et de politique politicienne, mais cela ne ferait pas avancer le schmilblick !
Le président de l'Assemblée nationale a pris une initiative. Je sais bien, monsieur Kanner, que le Sénat avait déjà offert des contributions sur ces sujets. Il nous faudra, dans la transversalité et la sérénité, en tirer toutes les conclusions qui s'imposent.
Vous savez très bien, monsieur le président Kanner, contrairement à la simplification très abusive à laquelle vous avez procédé (Protestations sur les travées du groupe SER.), qu'il y a beaucoup de causes au phénomène de l'abstention. Nombre de ces causes sont très anciennes ; certaines sont sans doute plus récentes ; en tout cas, elles sont nombreuses et difficiles à traiter pour notre démocratie et, en particulier, pour notre démocratie locale.
Je le répète : dire qu'il s'agit d'élections locales n'est pas condescendant dans notre bouche ! Les résultats ont été ce qu'ils ont été ; nous en prenons acte.
Le Gouvernement de la République que vous avez devant vous a travaillé activement – notamment son chef, depuis son entrée en fonctions – avec les présidents sortants de départements et de régions, et il continuera de le faire, tout aussi activement, avec les nouveaux élus issus du suffrage universel.
(M. François Patriat applaudit.)
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Et le Congrès ?
M. le président. La parole est à M. Patrick Kanner, pour la réplique.
M. Patrick Kanner. Monsieur le Premier ministre, je voudrais d'abord vous féliciter : j'ai appris, par un organe de presse hebdomadaire, que vous étiez confirmé dans vos fonctions ! Vous restez donc notre interlocuteur.
Je vous ai fait une proposition ; je n'ai pas entendu un mot de vous à son propos. J'aimerais simplement que vous rappeliez à M. le Président de la République qu'il avait pris un engagement en 2017 : réunir le Congrès une fois par an pour faire le bilan de la situation de la France. Je vous réitère cette demande, car la réunion de ce Congrès, à quelques mois de l'élection présidentielle, est plus que jamais une évidence. Je vous demande vraiment, monsieur le Premier ministre, de bien vouloir le suggérer au Président de la République, chef de l'État. Le clivage droite-gauche est revenu ; sachez le prendre en considération ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
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