M. le président. La parole est à M. Patrick Kanner, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
(Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Patrick Kanner. Monsieur le président, je tiens d'abord à m'associer à l'éloge funèbre que vous avez rendu à notre collègue Olivier Léonhardt.
Monsieur le Premier ministre, en ayant une pensée particulière pour le brigadier Alexandre Martin, décédé le 22 janvier dernier, je veux rendre hommage aux 57 autres militaires français morts au Sahel depuis 2013.
La déliquescence des relations entre la France et le Mali est aujourd'hui plus que préoccupante. L'expulsion de notre ambassadeur, M. Joël Meyer, en est la dernière illustration. Vous ne pouvez pas faire endosser au seul Mali cette dégradation de la situation, tout comme vous ne pouvez revendiquer seul les succès mais mutualiser les échecs. La France est en première ligne. Il faut l'assumer.
Certes, l'instabilité de la région ne relève pas de l'unique responsabilité de la France. Mais le constat est simple : les menaces sont difficilement contenues, la déstabilisation de l'Afrique de l'Ouest se poursuit. Après le Burkina Faso, c'est aujourd'hui le tour de la Guinée-Bissau.
Le Président de la République n'a pas cessé de fixer des lignes rouges, qui ont toutes été franchies. Force est de constater aujourd'hui que, face à son impuissance, la France n'a plus grand-chose à proposer.
Le Président de la République a choisi de conduire cette politique en solitaire, au point que, dans la situation actuelle, les ministres des affaires étrangères et de la défense naviguent à vue dans l'attente de la parole présidentielle.
Les Français ne peuvent se satisfaire de cette méthode de gouvernance brouillonne. Nous ne pouvons pas nous contenter d'une information fractionnée, donnée au fil des interviews des ministres concernés : il nous faut des réponses claires sur la stratégie de notre pays aujourd'hui dans cette partie du monde.
Monsieur le Premier ministre, je vous le demande : quand allez-vous associer les Français par la voie de leurs représentants et consulter le Parlement sur notre engagement au Mali pour clarifier la position de la France ? Vous disposez notamment de l'article 50-1 de la Constitution pour cela. Allez-vous vous en servir ?
(Applaudissements sur les travées du groupe SER. – M. Fabien Gay applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Jean Castex, Premier ministre. Monsieur le président, permettez-moi, au nom du Gouvernement, de m'associer tout d'abord aux condoléances et à la peine que vous avez exprimées à la suite du décès du sénateur Olivier Léonhardt.
Monsieur le président Kanner, vous avez raison, la situation au Mali, au Sahel et, en général, dans cette partie de l'Afrique est extrêmement préoccupante. Je n'ai pas besoin de rappeler ici, au Sénat, que l'engagement de la France dans ces territoires depuis plusieurs années est lié à la volonté de notre pays de participer à la lutte contre le terrorisme, qui sévit dans cette partie du monde et menace directement nos intérêts.
S'agissant de la situation plus particulière du Mali, vous dites que ce pays n'est pas le seul responsable. Mais si, monsieur le président Kanner ! Vous le savez toutes et tous, mesdames, messieurs les sénateurs, un coup d'État, qui a porté au pouvoir une junte, a eu lieu au Mali à l'été 2020. La France et la communauté internationale ont condamné ce coup d'État.
Cette même communauté internationale, à commencer par la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (Cédéao) et les États africains, a demandé que la junte s'engage le plus vite possible à mettre en œuvre un processus aboutissant à des élections, pour rétablir le fonctionnement régulier des pouvoirs publics maliens.
Après s'y être engagée et avoir fixé des délais, la junte malienne, vous le savez aussi, est revenue sur sa parole.
C'est cette même junte qui a sollicité un groupe dont je n'ai pas ici besoin de citer le nom, mais qui s'est déjà illustré dans d'autres États africains par des exactions totalement condamnables.
C'est cette même junte qui a fait l'objet d'une condamnation unanime, notamment de la Cédéao, pour la gestion de son processus démocratique.
C'est cette même junte qui a expulsé notre ambassadeur et le représentant de la Cédéao, ainsi que le Danemark de la force Takuba.
Le pays s'isole et cherche la confrontation. Vous m'interrogez sur la position de la France : elle a été rappelée par le Président de la République. C'est d'abord, comme toujours, la recherche d'une réponse multilatérale avec les États africains principalement concernés, et c'est ce à quoi nous nous employons avec l'Union européenne. Je vous rappelle que, depuis l'engagement initial de la France, nous avons su fédérer autour de nous plusieurs États européens – sans parler du rôle joué par les Nations unies.
Monsieur le président Kanner, avec votre autorisation, je compléterai ma réponse dans un instant lorsque je répondrai à la question du président Cambon.
(Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi que sur des travées du groupe INDEP. – M. Pierre Louault applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Patrick Kanner, pour la réplique.
M. Patrick Kanner. Monsieur le Premier ministre, le Président de la République et votre gouvernement n'ont manifestement aucune responsabilité dans ce qui se passe au Mali. Nous étions dans ce pays en responsabilité depuis 2013. Aujourd'hui, la situation se dégrade, mais vous ne voulez pas constater le double échec, diplomatique mais aussi militaire, du Président de la République. L'heure du bilan va bientôt sonner.
Je tiens à vous le dire très simplement : ce que nous vous demandons, et vous ne m'avez pas répondu sur ce point, c'est un débat sur le fondement de l'article 50-1 de la Constitution, pour nous permettre d'avoir dans cet hémicycle une discussion de fond sur la question du Sahel. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
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