M. Daniel Gremillet interroge Mme la ministre de la transition énergétique sur l'impact de la flambée des prix des énergies sur les collectivités territoriales.
Entre le printemps 2020 et le 1er septembre 2022, les prix de marché des énergies ont été multipliés par 3 pour le pétrole, 5 pour le gaz et 40 pour l'électricité. Cela a une incidence majeure sur les collectivités territoriales, en particulier les autorités organisatrices de la distribution d'énergie via les contrats de fourniture individuels ou groupés en électricité ou en gaz.
Ces hausses historiques ont un impact sur les finances publiques locales déjà fragilisées par la covid-19 et auront les plus grandes difficultés à être absorbées par les communes. Celles-ci devront, soit renoncer à des projets d'investissement y compris ceux destinés à l'amélioration de la qualité énergétique des bâtiments, soit augmenter leur fiscalité, soit diminuer l'offre de services à la population.
Abaisser la taxe intérieure sur la consommation finale de l'électricité (TICFE) ou la taxe intérieure sur la consommation finale de gaz naturel (TICGN) est insuffisant pour compenser l'impact de la hausse sur les budgets locaux.
Augmenter de 100 à 120 térawatts-heure (TWh) le plafond du dispositif de l'accès régulé à l'électricité nucléaire historique (Arenh) ne répond pas non plus aux difficultés spécifiques qu'elles rencontrent.
Peu protégées par les tarifs réglementés de vente d'électricité (TRVE) réservés aux collectivités territoriales employant moins de 10 agents et disposant de moins de 2 M€ de recettes ou du gaz naturel (TRVG) qui seront supprimés, pour l'ensemble des bénéficiaires, à compter de juillet 2023, leur situation reste difficile.
Les échanges techniques engagés, fin 2021, entre les associations d'élus et le Gouvernement, non abouties doivent reprendre pour des solutions concrètes, consensuelles et concertées, car cette flambée des prix a aussi un impact sur notre ambition et notre capacité à mettre en œuvre les moyens favorables à notre transition énergétique.
En octobre 2021, et déjà en juin 2020, la commission des affaires économiques du Sénat s'est prononcée sur notre souveraineté énergétique et pour une décarbonation massive de notre économie. Consciente qu'il faut préserver l'équilibre financier de nos territoires, accélérer la transition énergétique par la rénovation énergétique des bâtiments mais aussi par la promotion d'énergies locales décarbonées – hydroélectricité, biogaz, biocarburants, photovoltaïque … -, elle alerte, régulièrement, et depuis des mois, sur le manque d'anticipation, dénonce la prise de mesures conjoncturelles insuffisantes et a alerté, en mars et juillet 2022, sur un risque d'insoutenabilité pesant sur notre système électrique, s'inquiétant de l'évolution du prix de l'électricité et de la sécurité d'approvisionnement.
La loi n° 2022-1158 du 16 août 2022 portant mesures d'urgence pour la protection du pouvoir d'achat (dite « pouvoir d'achat »), a fait adopter la remise, par le Gouvernement au Parlement, d'un rapport sur l'exposition des collectivités territoriales aux hausses de prix et l'opportunité de renforcer les mesures fiscales, budgétaires et tarifaires les concernant. Élaboré en lien avec la commission de régulation de l'énergie et les associations d'élus, il doit étudier l'efficacité des modulations de TICFE et de TICGN et du relèvement du plafond de l'Arenh précités, l'opportunité de relever les seuils d'éligibilité aux TRVE.
Il demande au Gouvernement comment il entend procéder pour ne pas risquer d'anéantir les capacités de financement des projets d'investissements à destination de nos concitoyens et des projets favorables à la transition énergétique. Il en va de notre responsabilité collective, nationale et européenne, à un moment où un consensus semble émerger pour une réforme du marché européen de l'électricité.
Nous faisons actuellement face à la plus grave crise énergétique depuis les chocs pétroliers de 1970 en raison du conflit ukrainien. Elle a des conséquences directes sur nos approvisionnements énergétiques et sur les coûts de l'énergie. Les prix de l'énergie expliquent à eux seuls 60 % de l'inflation actuelle. Le Gouvernement mesure bien les effets sur le porte-feuille des Français, sur les finances des collectivités locales et sur la compétitivité des entreprises. Face à cette situation, le Gouvernement agit pour assurer les stocks d'énergies pour cet hiver, pour faire baisser les prix sur les marchés et pour soutenir les Français, les collectivités locales et les entreprises qui subissent la hausse des prix, notamment en raison de spéculations sur les marchés de l'énergie. Plusieurs leviers sont mobilisés pour soutenir les collectivités locales : - les petites collectivités, de moins de 10 employés et moins de 2 M€ de recettes, sont éligibles aux tarifs réglementés de vente d'électricité. La majorité des communes peut donc bénéficier du bouclier tarifaire qui limite la hausse de leur facture d'électricité en moyenne à 4 % TTC ; - toutes les collectivités, éligibles ou non aux tarifs réglementés de vente d'électricité, bénéficient de deux mesures du bouclier tarifaire : - la baisse de la taxe intérieure sur la consommation finale d'électricité (TICFE) à son minimum depuis le 1er février 2022, passant de 22,5€/MWh à 0,5 €/MWh. Cette réduction fiscale est un effort particulièrement important de l'État à hauteur de 8 milliards d'euros en 2022, représentant un gain pour le bloc communal de 400M€ ; - l'augmentation du volume de l'ARENH (Accès régulé à l'électricité nucléaire historique) à titre exceptionnel pour l'année 2022 qui a permis de réduire de moitié la hausse des prix, de 40 % à 20 %, pour les collectivités. Le Gouvernement et la Commission de régulation de l'énergie sont particulièrement vigilants à la répercussion de l'ARENH par les fournisseurs à leurs clients. Si le Gouvernement n'avait pas pris ces mesures, la hausse des prix aurait été de 35 % TTC pour une commune de taille intermédiaire. Les collectivités bénéficient également de la remise exceptionnelle sur les carburants, relevée à 30 centimes d'euros TTC par litre de carburant jusqu'au 31 octobre 2022, pour leurs flottes de véhicules. Le Gouvernement a renforcé ces aides spécifiques avec le vote d'un filet de sécurité de 568 millions d'euros dans la loi de finances rectificative pour 2022 afin de soutenir les collectivités territoriales dans le contexte inflationniste actuel. 430 M€ seront mobilisés dans ce cadre pour aider le bloc communal à faire face à l'inflation, en particulier des prix de l'énergie (430 M€). Des acomptes pourront être demandés et versés aux collectivités concernées dès cet automne. Le Gouvernement continue par ailleurs de largement mobiliser le levier des dotations d'investissement. La dotation rénovation énergétique qui comprend la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL) et la dotation de soutien à l'investissement des départements (DSID) a ainsi mobilisé 942 millions d'euros en 2021 en faveur du bloc communal et des départements. De plus, dans le cadre du plan de relance, 950 millions d'euros de DSIL exceptionnelle ont été engagés en faveur du bloc communal, notamment pour soutenir des opérations en faveur de transition écologique. Pour 2022, les dotations d'investissement aux collectivités territoriales sont maintenues à un niveau historiquement élevé, avec notamment plus d'un milliard d'euros de Dotation d'équipement des territoires ruraux et 873 millions d'euros de DSIL. De plus, la dynamique des recettes fiscales des collectivités liées à l'évolution des bases locatives va générer des recettes fiscales supplémentaires dans les budgets locaux. Cette dynamique très favorable et la situation financière globale positive des collectivités ont été soulignées par la Cour des comptes dans son rapport présenté en juillet dernier. Si les aides massives exposées plus haut sont mobilisées pour faire face à la conjoncture actuelle, le Gouvernement accompagne également les collectivités dans leurs projets de rénovation énergétique des bâtiments afin de faire baisser structurellement les coûts de l'énergie grâce à l'efficacité énergétique. Cela sera d'ailleurs l'un des axe structurant du futur « fonds vert » dans le cadre duquel l'État mobilisera au total 1,5 Md€ de crédits pour financer des projets portés dans les territoires. Cela complète l'action des dispositifs portés par l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME) dont certains, à l'instar du fonds chaleur, peuvent bénéficier aux collectivités. Par ailleurs, le dispositif des certificats d'économies d'énergie (CEE) prévoit des bonifications via le « Coup de pouce chauffage des bâtiments tertiaires » pour le remplacement des équipements de chauffage ou de production d'eau chaude sanitaire utilisant des énergies fossiles par des dispositifs plus efficaces énergétiquement et utilisant des énergies renouvelables. Celui-ci est en place depuis 2020 et jusqu'à fin 2025. Plus d'une cinquantaine d'offres existent au 1er trimestre 2022. Le Gouvernement mène une action résolue pour faire face à cette crise énergétique et engager les actions nécessaires pour atteindre nos objectifs ambitieux de neutralité carbone d'ici 2050. Ce défi collectif sera relevé grâce à un partenariat entre l'État et les collectivités territoriales sur les politiques de transition énergétique.
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