M. le président. La parole est à M. Daniel Gremillet, pour le groupe Les Républicains.
(Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Daniel Gremillet. La nationalisation annoncée d'EDF, aussi tonitruante soit-elle, ne répond pas aux difficultés du groupe.
La première difficulté est financière : c'est le mur d'investissements ! Grevé d'une dette de 43 milliards d'euros, le groupe a perdu 18 milliards d'euros du fait de la corrosion sous contrainte et 10 milliards d'euros avec le relèvement de l'accès régulé à l'électricité nucléaire historique (Arenh). En parallèle, EDF doit s'engager dans des investissements colossaux : 65 milliards d'euros pour le grand carénage, 90 milliards d'euros pour les EPR
(European Pressurized Reactors).
Le deuxième enjeu est juridique : c'est l'articulation avec le droit européen. Les concessions hydroélectriques sont sous le coup d'un différend vieux de vingt ans avec la Commission européenne ; une quarantaine d'entre elles sont arrivées à échéance. Et que dire du principe du coût marginal, qui lie le prix de l'électricité à celui du gaz ? Il s'agit d'un désavantage pour notre mix énergétique.
Le dernier problème est stratégique : c'est l'absence de cap. Nous ne savons toujours pas quelle est la politique énergétique du Gouvernement : ce dernier souhaite dorénavant une nationalisation d'EDF, une relance du nucléaire, mais il a arrêté la centrale de Fessenheim en 2020 et le projet Astrid en 2019. Sur les concessions hydroélectriques, on a évoqué tout et son contraire : on parlait d'ouverture, de regroupement, de quasi régie. Que d'indécision ! Que de revirements ! Que de retards !
Aussi, ma question est simple. Au-delà de la nationalisation, monsieur le ministre, comment comptez-vous résoudre les difficultés d'EDF, qui mettent en péril notre souveraineté ?
(Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. (Exclamations ironiques sur les travées des groupes Les Républicains, SER et CRCE.)
M. Bruno Le Maire, ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. D'abord, je tiens à dire que je suis toujours très sensible à l'accueil chaleureux que me réservent les sénatrices et les sénateurs.
(Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.)
Je remercie le sénateur Gremillet de sa question, qui porte sur des enjeux stratégiques pour notre nation.
Le Président de la République a décidé la nationalisation d'EDF,…
M. Bruno Sido. C'est la loi qui décide !
M. Bruno Le Maire, ministre. …laquelle doit nous permettre d'accélérer le renforcement de notre indépendance énergétique, qui, chacun le voit bien au regard des enjeux liés à la guerre en Ukraine, à l'augmentation des prix énergétiques, au manque d'énergie, est l'enjeu actuel le plus important pour notre économie et pour notre nation.
M. François Bonhomme. C'est tardif !
M. Bruno Le Maire, ministre. Quelle est la feuille de route qui va être donnée au groupe pour les années qui viennent ?
La première urgence est de produire plus, retrouver une capacité de production d'électricité qui soit à la hauteur du groupe. Chacun le voit bien : nous sommes sous les 300 térawattheures de production, ce qui est insuffisant.
M. Rachid Temal. Vous êtes ministre depuis cinq ans !
M. Bruno Le Maire, ministre. La priorité absolue est la remise en route des réacteurs qui ont été mis à l'arrêt, et ce pour produire davantage.
La deuxième urgence est de réaliser le programme de six nouveaux réacteurs nucléaires qui a été annoncé par le Président de la République au Creusot. Il s'agit sans doute du défi industriel le plus important qu'EDF a devant elle pour les années qui viennent. Il faudra faire vite, il faudra faire bien, conformément aux instructions données par la Première ministre, qu'Agnès Pannier-Runacher et moi-même mettrons en œuvre.
La troisième urgence, énergétique, vous avez parfaitement raison de le souligner, monsieur le sénateur, est de mettre fin à l'absurdité du modèle européen dans lequel le prix de l'énergie décarbonée est aligné sur le prix des énergies fossiles.
(Applaudissements sur des travées du groupe UC.)
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Il ne fallait pas l'adopter !
M. Fabien Gay. C'est l'Europe !
M. Bruno Le Maire, ministre. Nous voulons des résultats rapides sur ce sujet. La présidente de la Commission européenne a commencé à bouger, la commissaire Margrethe Vestager également. Nous voulons réformer le marché européen de l'énergie.
Quant à notre stratégie énergétique, elle est très simple. En trois mots, ainsi qu'elle a été rappelée par le Président de République au Creusot : plus de sobriété, plus d'énergies renouvelables et une confiance totale dans l'énergie nucléaire.
(Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et INDEP. – M. Jean-Claude Requier applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Daniel Gremillet, pour la réplique.
M. Daniel Gremillet. Le 13 janvier 2021, ici même, au Sénat, la ministre chargée de l'énergie indiquait s'agissant d'EDF : « Il y aura un texte spécifique sur ce sujet. » Elle avait préalablement affirmé : « Si cette négociation ouvre le champ des possibles […], jamais elle ne se substituera à la voix des élus de la Nation ni à l'indispensable discussion parlementaire sur l'avenir d'EDF, avant toute réforme. »
Mes chers collègues, EDF, c'est soixante-quinze années d'histoire. N'oublions pas que l'on a légiféré en 1946 pour sa nationalisation ; n'oublions pas que l'on a légiféré en 2004 et en 2010 pour sa modernisation. Aujourd'hui, on ne légiférerait plus ? C'est purement scandaleux !
La stratégie de notre souveraineté énergétique ne peut se réduire à une simple offre publique d'achat (OPA) sur EDF. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées des groupes UC, SER et CRCE.)
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