M. le président. La parole est à M. Joël Guerriau, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires.
M. Joël Guerriau. Les « larmes de sirènes » : cela pourrait être le titre d'un conte pour enfants, d'une fable, d'un prochain James Bond, d'un film féerique. Malheureusement, il n'en est rien.
Les larmes de sirène sont des granulés de plastique à usage industriel qui, à l'instant où je vous parle, viennent, poussées par des vents de l'ouest, envahir nos côtes et nos plages de Loire-Atlantique et de Vendée. Elles sont moins visibles qu'une marée noire, mais si nombreuses et si petites qu'il est impossible de les ramasser toutes, malgré les efforts des associations et des collectivités territoriales. Je tiens à saluer ici l'arrivée du Centre de documentation, de recherche et d'expérimentation sur les pollutions accidentelles des eaux (Cedre) dès ce matin à Pornic.
Les larmes de sirène se dégradent avec le temps en microparticules dans l'air et dans l'eau. Cette pollution est un véritable désastre pour la biodiversité. La contamination tue la vie marine. Les poissons ingurgitent toujours plus de plastique, qui se retrouve ensuite dans notre alimentation. Nous ingérons entre 39 000 et 52 000 particules de microplastique par an. C'est un enjeu de santé publique.
La loi et des décrets obligent les entreprises à se doter d'équipements limitant la fuite de ces granulés et à mettre en place des mesures de protection. Cela n'apparaît plus suffisant, puisque la pollution actuelle provient du transport maritime.
Une telle atteinte à l'environnement est inadmissible ; nous devons agir plus fortement. Nous n'avons aucun moyen de retracer précisément l'origine de cette pollution. Les containers perdus en mer ne sont pas déclarés ! Nous ignorons la provenance des navires, leur destination et, bien entendu, les quantités transportées…
L'Organisation maritime internationale est chargée de prévenir des pollutions. Que fait-elle en la matière ? Quelle suite sera donnée à la plainte contre X des maires de Pornic, Jean-Michel Brard, et des Sables-d'Olonne, Yannick Moreau ? Peuvent-ils compter sur le soutien de l'État ? Quelles mesures seront prises pour faire respecter la législation actuelle et pour la faire évoluer à l'échelon européen ?
(Applaudissements sur les travées du groupe INDEP, ainsi que sur des travées des groupes UC, GEST et SER.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Monsieur le sénateur Joël Guerriau, je n'aime pas beaucoup l'expression « larmes de sirènes », car elle est tellement poétique qu'elle peut faire penser à quelque chose de positif.
Or ce que vous décrivez est un cauchemar environnemental. Des dizaines de milliers de tonnes de granulés plastiques industriels s'échouent sur toutes les plages d'Europe. Ces billes représentent l'équivalent de 10 milliards de bouteilles en plastique. Si cela se matérialisait ainsi, il serait autrement plus simple pour les associations d'intervenir…
Une fois que les granulés sont dans la nature, il est très compliqué de les récupérer, car ils sont ingérés par l'ensemble des écosystèmes, en particulier par les poissons. Ils se diffusent partout. Il faut donc agir en amont.
C'est ce que nous avons fait. Nous pouvons être collectivement fiers que notre pays soit le plus ambitieux au monde en matière de lutte contre ces granulés de plastique industriels. La loi du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire, dite loi Agec, prévoit l'obligation depuis le 1er janvier 2022 pour tous les sites industriels qui utilisent ces granulés de mettre en place des dispositifs de séparation, comme des grilles, pour les collecter s'ils s'échappent. Cette obligation vaut pour les sites, pour les plateformes logistiques, pour les ports fluviaux et pour les ports maritimes, mais elle ne vaut qu'en France.
Or la pollution qui souille à l'heure actuelle nos côtes est probablement d'origine internationale. Nous devons donc faire des efforts, en particulier avec l'Organisation maritime internationale. À cet égard, nous avons de la chance. Le Président de la République l'a redit hier, nous accueillerons au printemps une session de négociations du traité international sur l'élimination des plastiques. Ce doit être l'occasion pour nous de pousser sur le sujet.
Compte tenu des dégâts provoqués par la pollution que vous évoquez, nous soutenons bien entendu les maires qui portent plainte contre X. J'étudie également la possibilité pour le ministère de s'associer à cette plainte. Très concrètement, nous sommes évidemment solidaires, car nous avons tous la même ambition : préserver la biodiversité et rendre la transition écologique concrète, en faire plus qu'un slogan. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et INDEP.)
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